Chronique climatologie N° 715
La France a continué cette semaine d’être le siège d’une bataille météorologique sous l’impulsion de l’air froid arctique. Il a accentué sa poussée sur notre pays et semble en cette fin de semaine gagner difficilement une partie commencée au début du mois contre l’air doux méditerranéen. Le thermomètre comme l’altitude de base du manteau neigeux n’ont cessé de faire le Yoyo avec des variations qui ont parfois dépassé 400 mètres dans la journée !
Les formes de cette bataille sont un peu différentes de celles de la semaine dernière avec trois épisodes principaux :
-1- La remontée pluvieuse méditerranéenne du week-end dernier a été stoppée sur la région stéphanoise avec un orage sous la neige vendredi et une crue du Gier, d’une durée de retour de 5 à 10 ans environ, inférieure à celle de novembre 2008, et celle de décembre 2003.
-2- Le deuxième épisode a été la tempête qui a traversé la France dans la nuit de lundi à mardi. Les rafales les plus violentes ont atteint 130 à 140 km/h le long des côtes de l’Atlantique. L’événement annoncé à grand renfort de vigilances s’est écroulé en progressant à l’intérieur du pays.
-3- Le troisième épisode correspond à l’accumulation de précipitations pluvio-neigeuses contre l’ouest des Pyrénées avec les inondations du Pays Basque.
-1- Vendredi 6 février s’effectue sur l’est du Massif central, la rencontre d’une remontée pluvieuse méditerranéenne fortement chargée d’humidité avec des températures positives et d’une descente en altitude d’un air très froid qui arrive vers -35° au niveau de la surface des 500 hpa vers 5000 mètres. Le choc est tellement brutal dans l’après midi de vendredi vers 16 heures que l’on passe à un orage de neige. L’air doux méditerranéen violemment propulsé en altitude se refroidit très vite et les précipitations en retombant transmettent ce froid aux basses couches de l’atmosphère et donnent de la neige à l’intérieur d’une séquence de pluie commencée vendredi dans la nuit et qui se termine dimanche.
Ces fortes précipitations, 42 mm à Saint Etienne, peuvent paraître limitées pour déclencher une crue du Gier de l’ordre de 2 m à Givors, mais deux facteurs viennent aggraver l’écoulement ce jour là.
Ce n’est pas seulement l’épisode concerné qui s’écoule. Il faut ajouter la lame d’eau de la neige précédente, de l’ordre de 20 mm, qui a recouvert le Pilat le 3 et le 4 février, mais aussi la fusion précipitée des énormes couches accumulées depuis décembre. Heureusement l’arrivée de l’air froid limite ces derniers apports au dessus de 1000 m. C’est ainsi que nous avons une crue pluvio-neigeuse qui aurait été impossible par la seule fusion de la neige, mais aussi par la seule pluie du vendredi et du samedi, mais que l’association des deux a permis.
L’orientation sud-ouest nord-est du bassin du Gier, parallèle au versant nord du Pilat, lui a permis de concentrer au maximum les eaux de la précipitation et de la fusion descendant de ce massif puisque ces dernières ont pu affecter l’ensemble de la superficie du bassin versant en même temps.
-2- L’air doux semblait avoir gagné la partie lundi avec la remontée du thermomètre et celle de la neige en altitude, mais la tempête de mardi sonne la charge de la deuxième offensive du froid. Il s’agit d’une perturbation de nord-ouest qui vient repousser violemment l’anticyclone des Açores responsable du redoux antérieur. La tempête progresse dans la soirée de lundi en descendant le long de la côte méridionale de la Bretagne. Stoppée dans sa progression, elle rentre alors dans les terres au niveau de la Vendée et provoque une langue de vents supérieurs à 120 km/h en rafales sur le Poitou, le Berry et le nord de la Bourgogne. Un temps affaiblie, au petit matin du mardi, la tempête reprend de la violence sur les hauteurs des reliefs des Vosges , du Jura, des Alpes suisses. Elle s’accélère avec plus de 160 km/h dans le sillon entre Vosges et Jura et elle stimule ensuite les vents en Corse après la mi journée.
A gauche, en rouge, régions concernées par des rafales supérieures à 120 km/h et progression de la tempête ( flèches)
Cet ouragan marque la poussée de l’air froid car, dans la nuit de mardi à mercredi, la neige tombe à basse altitude immédiatement après son passage avec le retour de gelées. L’air doux de l’anticyclone n’a résisté que dans les premières heures de la nuit quand il a dévié la tempête de la Vendée au nord de la Bourgogne, ensuite il s’est replié.
Cette faible résistance de l’air doux méridional face à un air froid percutant permet d’expliquer l’extension géographique modeste des zones qui ont subi les fortes rafales supérieures à 120 km/h à l’intérieur du pays, une simple langue d’une centaine de kilomètre de largeur. De part et d’autre, les vitesses baissent très vite en dessous de 100 km/h. La tempête s’est produit selon une trajectoire plus méridionale qu’annoncé. Elle devait selon les modèles remonter de la région Nantaise à l’Ile de France au nord du Val de Loire, alors qu’elle a longé ce dernier au sud de la Vendée à Auxerre. L’air froid a enfoncé plus vite que prévu l’air doux, l’affrontement entre les deux a été moins virulent, les vitesses et les dégâts plus faibles en résultent, heureusement pour nos concitoyens.
-3- Il restait à l’air froid à poursuivre son avantage. Les fronts qui l’accompagnent descendent dans le golfe de Gascogne et viennent buter sur les Pyrénées qui leur coupent la route avec leur orientation ouest-est. Les précipitations regonflées en humidité sur l’océan viennent s’accumuler sur cette barrière montagneuse transversale. Dès le pied du massif, le cumul des deux jours approche les 100 mm qui sont dépassés sur le massif pyrénéen.
Les Gaves et la Nive qui descendent de ce versant très arrosé, grossissent et inondent leur vallée en aval. Cette fois le passage de la pluie à la neige en altitude sur les Pyrénées a limité la crue au lieu de l’aggraver. Pour s’en convaincre il suffit de suivre l’évolution de la montée des eaux. Sur la Nive, elle passe de 2m à Osses en amont, à 2,50 m environ à Cambo et Baigorry à la sortie du massif, pour atteindre plus de 3 mètres à Villefranque à proximité de la confluence avec l’Adour.
L’inondation de la Nive vers l’aval est aussi augmentée à proximité de la confluence avec l’Adour par l’influence des marées. L’onde de la Nive est arrivée à proximité de Bayonne en même temps que la marée haute qui progressait en sens inverse. Ce phénomène a rendu plus difficile l’écoulement vers l’aval et a haussé d’autant le niveau de l’eau.
Bayonne subit une seconde inondation après celle de la Nive, celle en provenance des Gaves et de l’Adour. Les précipitations sont tombées en même temps sur le flanc nord du massif pyrénéen. La crue s’est formée en même temps sur l’ensemble des rivières qui descendent vers Bayonne. Il suffit de regarder une carte pour constater que la Nive descend en ligne directe alors que les Gaves effectuent un long détour pour rejoindre l’Adour qui, à son tour, contourne les Landes par une large courbe avant de revenir vers Bayonne. Quand la crue de la Nive a débordé dans la ville, celle en provenance de l’Adour est encore loin en amont vers Peyrehorade. Quand cette dernière arrive, la Nive a regagné son lit. Heureusement d’ailleurs pour les habitants de Bayonne, car la séparation dans le temps des deux maximums, diminue d’autant la hauteur finale à la confluence, et les dégâts par voie de conséquence.
Depuis le début de février, l’air froid varie les formes pour progresser sur la France, une tempête, deux crues l’une aggravée par la fusion de la neige antérieure, l’autre diminuée par la chute blanche en altitude. Il préparait seulement le second maximum de l’hiver qui arrive le plus souvent à la mi-février. (1)
(1)Thèse: L'hiver dans le massif Central p 305 à 318 Publication de l'Université Jean Monnet
Centre d'Etudes Foréziennes 1993
Gérard Staron vous donne rendez vous samedi prochain sur les ondes ou le site de radio Espérance 13 h 15, texte repris sur le portail Internet zoom42.fr et ce blog. Bonne semaine.