Chronique n°714 Titre: la bataille climatique du début février 2009
La France s’est trouvée dans les premiers jours de février au cœur d’une bataille féroce entre une descente froide en provenance du nord-ouest qui a affecté le Royaume uni et les perturbations méditerranéennes qui remontaient du sud-est avec une rencontre finale des deux adversaires en bout de course qui s’est produit mardi sur la région stéphanoise. Il faut bien dire que dans cet affrontement le ciel n’a pas encore choisi clairement son camp à une période de l’hiver souvent incertaine marquée par un relatif redoux entre deux périodes où il affirme plus souvent sa rudesse. Au moment où j’écris ces lignes le redoux humide de la « Grande Bleu » semble l’avoir emporté. Chacun des deux ensembles, la descente froide comme la perturbation méditerranéenne présente ses centres d’actions atmosphériques propres qui les envoie l’un contre l’autre. Un anticyclone arctique progresse depuis la Mer de Barents, il traverse la Finlande le 31 janvier, arrive sur la mer Baltique et les pays baltes le 1er et le 2 février, puis continue sa descente sur l’Europe centrale le 3. Il repousse devant lui l’air antérieur moins froid selon une trajectoire en provenance du nord-est ce qui donne des chutes de neige. Ces dernières, faibles au début en raison de l’origine continentale de l’air, sont exacerbées quand elles réussissent à se charger d’humidité sur des masses maritimes comme la Manche ou la mer du Nord. Pour cette raison la Grande Bretagne ensuite les littoraux français de la Manche avec une pénétration jusqu’à la région parisienne sont les zones les plus affectées. La progression des gelées sur notre pays est très intéressante en fonction de la trajectoire de l’air froid. Le 1er, l’air froid progresse à partir du nord-est, la ville la plus froide de France est Epinal avec -10,6° et les températures négatives recouvrent l’ensemble du bassin Parisien et l’est du pays jusqu’à la région lyonnaise et les Alpes. A partir de ce moment, la zone froide va effectuer un mouvement tournant en avançant à l’ouest et en reculant à l’est. Le 2 février, les gelées affectent la totalité de la Bretagne à l’exception des îles les plus occidentales. Le 3 février, elles descendent jusqu’aux Charente et au Limousin, avec Châteaudun comme ville la plus froide de France (-7,3°), mais reculent à l’est jusqu’aux plaines de la Saône et au Jura. Enfin le 4, Evreux et Rouen ont le privilège des températures les plus basses avec -8,6° et le froid recouvre le Massif central jusqu’à la montagne Noire, mais bute sur la bordure orientale des Cévennes au Pilat. La perturbation méditerranéenne correspond à la réaction de cette mer, aux eaux chaudes, lorsqu’arrive le 1er février une dépression sur la péninsule Ibérique. Les masses nuageuses rechargées en humidité sont déviées par l’anticyclone de l’Europe centrale sur les Cévennes et elles vont déposer deux grosses pluies à 24 heures d’intervalle le 2 et le 3 qui vont provoquer deux ondes de crues différentes. La répartition des deux montées des rivières évolue au long du versant méridional de la bordure cévenole du Massif central. -- Sur l’Orb, la crue du 2 est la principale avec plus de 210 m3s à Vieussan, le 3, l’intumescence est secondaire ; -- Sur l’Hérault, Les deux ondes se suivent au point de provoquer plus de deux jours de maximum au dessus de 1000 m3s à Montagnac. -- Sur le Vidourle, la seconde intumescence est légèrement plus importante, surtout la crue a une ampleur plus dangereuse et médiatique avec une montée de près de 4 mètres qui recouvre la partie basse de la ville. -- A partir des Gardons et de la Cèze, le maximum correspond à la seconde montée du 3 avec un niveau élevé dont le danger pour les riverains est nettement plus faible que les grandes crues. -- Sur l’Ardèche, L’Eyrieux, le Doux, descendant des montagnes du Vivarais, seule la crue du 3 est significative avec des niveaux maximums de plus en plus faibles vers le nord. -- Les rivières du versant interne du Massif central, comme la Loire, L’Allier, le Lot ou le Tarn réagissent peu car les précipitations au-delà de la ligne de crête s’effectuent sous forme de neige en raison de l’altitude, mais aussi du refroidissement provoqué par le massif déjà enneigé. Le 3 s’effectue aussi sur ces régions de l’est du Massif central, la rencontre entre la descente froide décrite précédemment et l’air méditerranéen pluvieux qui remonte le long de ces axes méridiens de l’est de la France. La région stéphanoise est, ce même jour, au cœur de la rencontre. Dans un premier temps, l’air doux méditerranéen passe par-dessus le Pilat et apporte dans la nuit de lundi à mardi de la pluie avec 7,3 mm. Sous l’influence de l’air froid, la précipitation passe à la neige en début de matinée et elle va continuer ainsi toute la journée au point de déposer une épaisseur au sol de 8 cm sur la ville correspondant à une lame d’eau de 11,6 mm. Les températures, douces le matin dans l’air méditerranéen, baissent très vite dans la journée, deviennent négatives et il gèle jusqu’au matin du 4. L’air froid gagne très provisoirement, car dans la journée du 4, le redoux méditerranéen l’emporte, fait fondre le manteau neigeux jusqu’au niveau des anciennes couches durcies en place depuis décembre. De nouvelles grosses pluies arrivent verglaçantes en Normandie et dans les pays de la Loire. Un nouvel épisode pluvieux cévenol remonte jusqu’à la région stéphanoise jeudi et vendredi. La bataille n’est pas terminée, la victoire de l’air méditerranéen de mercredi et jeudi est tout aussi provisoire que celle de l’air froid des jours précédents (1). Dans une période incertaine, l’hiver n’a pas encore renoncé, mais ses attaques n’ont plus l’efficacité qu’elles avaient au mois de janvier où des journées très courtes, des rayons du soleil inefficaces facilitaient son extension. La saison connaît un déroulement traditionnel cette année, tel que j’avais pu l’établir dans ma thèse « L’hiver dans le Massif central ». Après un premier maximum dans la première quinzaine de janvier, il connaît une période de redoux relatifs, avec une série de va et vient, comme cette année, avant de présenter un second maximum vers la mi-février. Ce dernier, attesté par les probabilités, confirmé par de très nombreuses années se vérifiera-t-il cette année ? Nous devrions avoir un début de réponse dès ce week-end (1). Par ailleurs, quand la France subit des changements de temps brutaux qui alternent des poussées froides ou des remontées douces. Les axes méridiens des reliefs, que ce soient des montagnes, Alpes ou Massif central, ou des sillons comme ceux du Rhône et de la Loire accentuent souvent les contrastes dans les régions proches du massif du Pilat et de Saint Etienne. Cette semaine en a encore été un excellent exemple. Le service officiel de Météo relayés par les médias, avait mis, à juste titre, en alerte , pour inondations les départements cévenols, pour phénomènes glissants ceux de l’ouest par où la neige arrivait , mais il n’a pas pensé que le point de rencontre, une fois de plus le Pilat et la région stéphanoise allait connaître quelques remous qui sont passés inaperçus : un jour complet de neige le mardi, un coup de vent aussi bref que violent dans la nuit de mercredi à jeudi, et ce n’est pas fini(1). Certaines régions pourtant centrales ont parfois l’impression de ne plus faire partie du territoire national !
Gérard Staron vous donne rendez vous samedi prochain sur les ondes de Radio Espérance pour une nouvelle chronique de climatologie, le texte étant repris sur zoom42.fr et ce blog pour son premier anniversaire le 9 février. Bonne semaine.
(1) Du 6 au 8 février, la chronique étant enregistrée le 6, la France a connu un scénario presque semblable se terminant par la rencontre du froid descendant du nord et des pluies méditerranéennes remontant du sud-est sur la région stéphanoise avec un déroulement légèrement différent et quelques sourires en coin vendredi soir !