Chronique N°945
Nous sommes entrés dans la saison des grosses pluies méditerranéennes d’automne.
Je vous concède que la première, comme je l’ai annoncé dans mes prévisions a été particulièrement modérée. Le coup de vent de sud qui l’a précédé samedi 28 septembre n’a pas atteint le seuil de la tempête et s’est contenté de renverser quelques poubelles laissées imprudemment sur la chaussée (94km/H au mont Aigoual). Ses précipitations n’ont déposé plus de 50 mm en quelques heures que le long de la ligne de crête des Cévennes du mont Aigoual avec 86 mm au Pilat. A proximité de la crête des monts du Vivarais, Montregard reçoit presque 50 mm. Les totaux pluviométriques baissent très vite de part et d’autre. A l’intérieur du massif central , Millau, Mende , le Puy reçoivent moins de 20 mm. Vers le nord les grosses pluies ne dépassent pas le Pilat. Sur le versant rhodanien, les totaux importants sont plus étendus avec 55 mm à Avignon et 66 mm à Montélimar. L’alerte orange sur les départements du Gard s’est parfois transformé en un petit arrosage, 17.6 mm à Nimes ! Alors que ces événements cévenols sont souvent dangereux, celui-ci s’est souvent contenté de déposer des pluies salutaires sur le sol assez sec de septembre !
Au moment où je préparais cette chronique la seconde grosse pluie méditerranéenne d’automne se prépare. On sait maintenant qu’à l’exception des 88 mm de Sète avec un impact exagéré sur une ville en pente, elle a été presque aussi modérée. Les rafales de vent de sud sont déjà plus virulentes jeudi matin que celles de samedi dernier avec 120Km/h en rafale au mont Aigoual ! les précipitations ont globalement à peine dépassé celles de la précédente et l’on a été heureusement très loin des événements les plus catastrophiques que tout le monde garde en mémoire , Vaison-la-Romaine le 22 septembre 1992, Nîmes le 3 octobre 1988, la crue de la Loire des 21 et 22 septembre 1980.
Qu’est-ce qui peut expliquer la modération, pour l’instant des pluies cévenoles méditerranéennes de 2013 ?
Nous venons de citer quelques exemples des très grosses catastrophes produites par ces pluies cévenoles ou méditerranéennes d’automne. Beaucoup se sont produite dans ces jours de fin septembre et début octobre La plus grosse crue de l’Ardèche date aussi de la fin septembre 1890. La dernière décade de septembre est celle où elles sont les plus nombreuses et les plus dangereuses avec les derniers jours d’octobre et les premiers de novembre. Ceci ressortait déjà d’un article publié dans la revue de géographie de Lyon pour l’ensemble des pluies cévenoles de 1914 à 1992 et ces grosses pluies débutent souvent après le 21 septembre, sauf cas rares comme la crue des Gardons du 8 septembre 2002 .
La concentration sur cette période s’explique par la conjonction des trois éléments nécessaires à la mise en place de ces grosses précipitations comme je les avais décrit dans mon livre de 2003 « le ciel tomberait-il sur nos têtes.
Les perturbations froides en provenance des régions arctiques qui descendent vers l’Europe reprennent de la vigueur après le 20 septembre. Ceci leur permet de pousser plus bas en latitude et d’atteindre la Méditerranée dont l’accès leur est interdit par les anticyclones subtropicaux au moment de l’été.
L’air froid arrivant sur la grande bleue peut d’autant plus se recharger en humidité que cette masse maritime garde de l’été précédent des températures de surfaces de la mer particulièrement élevées. Le contraste d’une mer chaude humide surmontée d’un air froid rend l’atmosphère particulièrement instable et explique que ces précipitations cévenoles s’accompagnent de phénomènes électriques épars.
Enfin à cette saison se constituent les anticyclones continentaux sur l’Europe avec le refroidissement du continent. Quand ces derniers s’accrochent aux Alpes, ils bloquent la progression des masses pluvieuses ragaillardies sur le grande bleue et déviées par l’anticyclone derrière les Alpes, en donnant une origine de sud. Ce blocage accentue le vent du sud préalable et retarde le déclenchement de pluies qui seront d’autant plus violentes qu’elles sont maintenues sur les mêmes régions.
La modération, pour l’instant, des épisodes cévenols de cette année, semble lié à la faiblesse de ce blocage par l’anticyclone derrière les Alpes. Dans le cas de la pluie du week-end précédent, l’anticyclone est bien présent, mais son centre est décalé vers le nord. Centré sur la Scandinavie, sa présence était affaiblie au niveau des Alpes. Le blocage a peu duré car la perturbation a trouvé une porte de sortie en s’évacuant par l’Italie le lundi! Ceci a limité d’autant le vent de sud préalable et ensuite les pluies.
Dans la pluie qui vient de se terminer, le centre des hautes pressions continentales est descendu sur l’Allemagne, le blocage a été intense, selon l’exemple de Sète mais a peu duré et les pluies ont trouvé rapidement la même porte d’évacuation par la Méditerranée !
Les conditions météorologiques favorables à la réalisation de ces grosses pluies se sont mises en place pendant le week-end des 21 et 22 septembre. Auparavant le temps était très différent. L’anticyclone des Açores se trouvait sur l’Atlantique, nous nous trouvions dans un flux de nord de la Manche aux Alpes. A partir du 20 septembre, les hautes pressions se sont déplacées de l’Atlantique à l’Europe centrale. A partir de ce moment-là, elles se trouvent derrière les Alpes et elles peuvent bloquer les perturbations en provenance de l’Atlantique nord. Les conditions sont devenues compatibles avec les averses cévenoles ! certains constaterons que ce changement fondamental de temps, s’est produit au moment de l’Equinoxe d’automne, mais aussi au moment des quatre temps d’automne au moment de la saint Mathieu. Ces dates, vers le 20 septembre sont aussi celles qui sont suivies de très nombreuses inondations par les pluies cévenoles : 1980 crue de la Loire, 1981 nouvelle crue, 1992 Vaison la Romaine, 1993 reprise sur l’ensemble du bassin méditerranéen occidental. Cette concentration sur ces dates, cette année le changement de temps majeur, l’équinoxe et les 4 temps d’automne ne sont surement pas de simples coïncidences.
Reste une dernière question à élucider ? Pourquoi la répétition de ces grosses pluies à quelques jours d’intervalle ?
Le phénomène est courant avec la même perturbation qui apporte en 1993 la désolation sur les Cévennes , puis la région d’Aix en Provence , puis la côte d’Azur, la Ligurie et enfin le versant italien des Alpes avec débordement en Maurienne et dans le valais. C’est aussi possible avec des perturbations différentes en 1992 la première frappe Vaison la Romaine le 22 et quelques jours plus tard, la seconde la haute vallée de l’Aude !
Très rares sont les grosses pluies cévenoles isolées, elles viennent le plus souvent en série à quelques jours d’intervalle. Par exemple au début octobre 1998, le 3 c’est la catastrophe de Nimes, mais l’importance de cette dernière occulte d’autres pluies qui affectent le 9 l’isère et le 11 l’Ardèche et la Drôme. En 1965, le 25 septembre, une grosse averse cévenole classique affecte le Gard l’Hérault et la Lozère , puis du 29 septembre au 1er octobre les calamités s’étendent à la Loire et à la Bourgogne avec plus de 100 mm en 24 heures à Dijon et de grosses inondations supérieures à celles que cette région a connu au printemps de cette année. Tant que l’anticyclone derrière les Alpes restera, il bloquera les perturbations descendant des régions arctiques et cette situation est susceptible de se reproduire !
Espérons-le, toujours avec la même modération que lors des premières pluies cévenoles de 2013!
Gérard Staron vous retrouve samedi prochain sur radio Espérance. Bonne semaine….