Tempêtes et inondations du sud-ouest
La tempête a affecté le Bassin aquitain avec un effet de couloir entre les Pyrénées et le Massif central. On distingue 3 ensembles selon la vitesse des vents (graphique).
Au petit matin du 24 janvier, à partir de 5 heures, La côte landaise du golfe de Gascogne subit des rafales de plus de 170 km/h autant à Biscarosse qu’au cap Ferret. Comme les tempêtes naissent toujours sur un océan, comme le vent ne rencontre aucun obstacle sur le milieu maritime, les rafales sont toujours plus violentes le long des côtes.
Dès que l’on rentre à l’intérieur des terres, les vitesses maximales baissent très vite. Par exemple 172 km/h le long du bassin d’Arcachon, 141 à Mont de Marsan, 111 à Auch, 120 à Toulouse. Le centre du Bassin aquitain a été relativement épargné.
A l’approche de la Méditerranée, à partir de la mi journée, les vitesses augmentent à nouveau avec 3 stations qui ont dépassé 180 km/h : le Mont Aigoual habitué des vents violents en altitude qui atteignent souvent plus de 210 km/h, le Cap Bear un point particulièrement venté coutumier des vitesses supérieures à 150 km/h, et Perpignan de façon plus surprenante même s’il y avait déjà un précédent du même ordre en avril 1958. Cette recrudescence s’explique par l’aspiration du flux atmosphérique par la « Grande bleue », en raison de la grande différence thermique entre la tiédeur de cette dernière et l’air froid qui arrive. D’ailleurs, la Corse et les côtes provençales ont subi en soirée des effluves plus ou moins atténués.
Cette tempête a suscité beaucoup de comparaisons souvent erronées avec celles des derniers jours de décembre 1999.
Dans les deux cas, on constate deux tempêtes à quelques heures d’intervalle. En 1999, elles ont présenté toutes deux le même gros danger. En janvier 2009, celle du 23 a été relativement modérée sur une trajectoire de la Manche à l’Allemagne. Celle du 24 a été exacerbée pour des raisons géographiques. Sa dépression n’est pas très creusée (980hpa), la surcote de l’océan liée à la hausse du niveau de la mer dans la zone de basses pressions ne dépasse 1 m que dans le secteur de Royan, contre 0,6m ailleurs, ce qui reste limité. Le flux violent a été coincé entre le centre de la dépression qui a traversé d’ouest en est le nord du Massif central et la chaîne Pyrénéo cantabrique qui a d’autant plus canalisé au sud la violence du flux atmosphérique qu’elle présentait la même orientation que la trajectoire de l’ouragan.
La différence de latitude entre les deux tempêtes de janvier 2008 est beaucoup plus forte que celle de 1999 en raison de la poussée beaucoup plus virulente de l’air froid qui descend derrière et qui a apporté les chutes de neige de samedi et dimanche sur le Massif central. C’est ainsi que cette tempête du 24 janvier 2009 concerne des régions plus méridionales que celle de 1999. C’est pour cette raison que, sur le Bassin aquitain, les vitesses des plus fortes rafales sont du même ordre de grandeur que celle de 1999.
Par contre, il n’y a aucun rapport au niveau de l’extension géographique des zones affectées. Ce 24 janvier, en plaine, seuls 10 départements ont subi des rafales supérieures à 120 km/h, et 5 de plus de 140 km/h. En 1999, pour la 1ère tempête, 33 et 19 départements avaient dépassé ces seuils, et pour la seconde 31 et 15 départements. Comme il ne s’agissait pas des mêmes zones, en 1999, plus des 2/3 du territoire métropolitain avaient été balayés par des rafales dangereuses.
L’association entre la tempête et les inondations qui ont suivi est aussi partiellement erronée. Les pluies qui ont précédé ont été quantitativement plus importantes que celles qui ont accompagné ou même suivi l’ouragan. Sur le secteur amont de l’Adour, on distingue nettement les 4 grosses averses successives qui ont fait monté le fleuve par paliers. La première se produit le 21, la seconde correspond à la pluie du 23, la troisième du 24 provoque une nouvelle montée plus faible et enfin la 4ème se produit le 26. Dans les pays océaniques une seule averse ne suffit pas pour faire monter la rivière, il faut un phénomène cumulatif sur plusieurs jours. Ce cumul a été bien moins long sur la Garonne, sur les affluents de la Dordogne, la Dronne et l’Isle, et la Charente qui ont commencé à monter seulement le 23 et de ce fait ont connu des crues de moindre ampleur et surtout de plus faible durée que l’Adour.
Cette catastrophe ne justifie pas la comparaison avec 1999. La Météorologie et l’hydrologie ne suffisent pas à expliquer l’importance des dégâts relatés. Ces derniers semblent d’ailleurs concentrés sur un secteur, les Landes, en raison des caractéristiques du milieu géographique.
Si vous regardez la définition de « Landes » vous obtiendrez « terrain non boisé », or aujourd’hui cette région est l’une des principales forêts du pays. Cette plaine sableuse, au terrain instable avec des dunes qui se déplaçaient selon les vents dominants, correspondait à une région pauvre marécageuse en adéquation avec la définition du dictionnaire. A partir du Second Empire, les premiers ingénieurs agronomes, dont Bremontier, ont trouvé le moyen d’arrêter le déplacement des dunes, de stabiliser ce milieu instable, d’assainir son caractère marécageux. L’implantation du pin maritime s’est avérée particulièrement judicieuse et a provoqué la richesse de la région avec l’industrie du bois.
Ici, la forêt stabilise le sol sableux et non pas l’inverse comme on pourrait le penser dans une région normale. Quand le vent s’en mêle, c’est souvent le carnage ! La lutte entre le sable mouvant et la forêt stabilisatrice, s’exprime parfaitement autour de la dune de Pyla qui n’a jamais pu être plantée et dépasse 100 mètres de haut !
La forêt des Landes n’est pas d’origine, ce qui la rend fragile. Il a fallu faire beaucoup de travaux pour la protéger des incendies gigantesques comme celui de 1947. Les arbres issus de semences portugaises au départ ont souvent gelé lors des grands hivers. La sensibilité aux tempêtes est la troisième fragilité, elle aggrave aussi les problèmes d’alimentation électriques et l’isolement des voies de communication en liaison avec les chutes d’arbres en raison d’un habitat très dispersé qui multiplie les lignes à réparer et les petites routes à dégager.
Autre particularité de cette plaine, le sable qui la compose n’est perméable qu’en surface, mais à quelques centimètres du sol, une couche imperméable durcie, l’alios, retient l’eau en surface. Ceci explique le caractère marécageux que l’on retrouve encore dans le folklore de la région avec les bergers sur les échasses pour émerger des marais. Par ailleurs les dunes situées à proximité de l’océan sont un obstacle à l’écoulement de l’eau qui ne peut se faire qu’aux extrémités des Landes ou à partir du bassin d’Arcachon. Même l’Adour contourne le flanc sud de la plaine et doit traverser son extrémité entre Bayonne et le Boucau. Dans des zones où la pente est particulièrement faible, la crue s’attarde en aval de Dax. Les 4 intumescences de l’amont, ont donné à Dax une montée à peine accidentée de paliers, et depuis le début de l’après midi du 27 où le fleuve a atteint 5,1 m, les eaux stagnent à des niveaux élevés. Il en est de même dans les points mal drainés de la plaine des Landes.
La fragilité du milieu géographique est certainement aussi importante que les conditions météorologiques de la tempête ou des précipitations dans l’importance de la catastrophe.
Gérard Staron vous donne rendez vous samedi prochain sur les ondes ou le site de Radio Espérance à 13 h 15, texte repris sur le portail internet zoom42.fr et ce blog. Bonne semaine à tous.