Chronique climatologie N°461 (le 10/12/2003) Texte d’origine
On peut maintenant dresser un bilan global de l’important épisode pluvieux de la semaine dernière.
Je vous avais déjà expliqué pourquoi cet épisode pluvieux avait eu une extension géographique plus importante que les précédents des deux semaines antérieures. La présence d’un anticyclone continental particulièrement puissant autant au sol sur l’Europe de l’est qu’en altitude à partir de la Tunisie a provoqué un blocage total au point que les masses nuageuses très fortement alimentées en humidité à partir de la Méditerranée ont non seulement été stoppées dans leur progression à partir du 1er décembre, mais en plus elles ont dû reculer à partir du 3 décembre sous la poussée de l’anticyclone.
C’est ce qui explique qu’il y a eu deux axes de très fortes pluies. Celui des premiers et 2 décembre qui s’étire de la région de Marseille au sud de la Saône et Loire et le second du Languedoc à l’ouest du Massif central.
Sur le graphique ci-dessus on constate que la Loire supérieure à Bas en Basset plus à l'est a surtout réagi aux pluies du 1er et du 2 alors que l'Allier à Vieille brioude plus à l'ouest a été plus concerné par le second axe des pluies.
Face à cet événement la question posée tous les médias qui m’ont interviewé, la « gazette de la Loire » ou « TLM, télévision Lyon métropole » dont j’étais l’invité du journal vendredi dernier, a été : est-ce que c’est exceptionnel ?
La réponse est diverse et géographique.
Sur le Rhône, la crue est le plus souvent inférieure à celle du 25 novembre 2002, sauf en un point « le Bas Rhône de Beaucaire au delta », où le terme exceptionnel est de mise avec l’actualité d’Arles. C’est la seule zone où la crue peut rivaliser avec la plus importante mesurée en juin 1856. Ceci tient à une convergence géographique au même moment de 3 crues de provenances diverses et d’importances proches ou inférieures à la crue décennale :
n celle du cours amont du fleuve qui a surtout été alimentée par la première pluie, du 1er et du 2 décembre,
n celle du Gard qui réagit aux deux à la fois
n enfin celle de la Durance liée au long cheminement de la première averse, et aussi à une fusion du manteau neigeux des Alpes du sud.
Sur le bassin de la Loire, la crue du bassin supérieur est du même ordre sur le bassin amont que celle de 1996 aux alentours de 2000 m3s et bien inférieure aux crues historiques.
La seconde zone où l’on peut considérer qu’il y a un aspect exceptionnel correspond à l’extension géographique des pluies importantes vers le nord, au delà du massif du Pilat. Le plus souvent les précipitations s’atténuent en direction de Saint Etienne sur le versant nord. Une première fois le débordement avait atteint la plaine du Forez en novembre 1996 qui détient toujours d’une goutte le record de la précipitation la plus importante en 24 heures : 97.4 mm contre seulement 97 cette fois. Par contre la vallée du Gier, plus à l’abri derrière la plus haute partie du Pilat, et les monts du Lyonnais sont très rarement atteints comme cette fois : 158 mm en 2 jours à saint Chamond, 123mm au col des Sauvages près de Tarare, 138 mm à Orliénas village de la banlieue ouest de Lyon et même 113 mm en deux jours à Bron. Comme les dégâts le montrent, le bassin rhodanien des monts du Lyonnais a été beaucoup plus affecté que celui se déversant dans la Loire. Ponts, voies ferrées et autoroutes de la vallée du Gier ont payé un lourd tribut, même si ce n’est pas la première fois que de telles conséquences se produisent : en janvier 1994 un glissement de terrain avait déjà obturé la voie ferrée de saint Etienne à Lyon peu après la gare de rive de Gier et les deux voies avaient été coupées pendant plus d’un mois, en novembre 2002, le Gier avait déjà recouvert l’autoroute. C’est d’ailleurs la troisième fois que le Gier s’en prend directement à l’autoroute A47 en moins de 10 ans.
Si les petits cours d’eaux en crue très forte en provenance des monts du Lyonnais n’étaient pas de nature à faire monter le Rhône ou la Saône, par contre sur la Loire (fleuve) ces apports ont contribué à prolonger vers le nord le maximum de la crue. Lors des gros abats méditerranéen, les plus gros débits de la Loire sont le plus souvent observés entre Bas en basset et Grangent comme ce fût le cas en septembre 1980 et ensuite la crue s’étale dans la plaine du Forez. Cette fois la crue a continué à progresser dans la plaine du Forez 2000 à 2200 m3s entre Bas en Basset et Grangent, 2400 m3s à Feurs et 2800 m3s à l’entrée dans le barrage de Villerest.
Pour la première fois de son existence, le barrage de Villerest a été particulièrement utile pour limiter la crue. Le hasard a voulu que son niveau déjà très bas à la suite de la sécheresse de cette année ait été abaissé encore dans les semaines qui ont précédé pour effectuer des travaux sur une vanne. Alors qu’il aurait du être à la cote 304 en cette saison, il était à la cote 289. De ce fait il a pu massivement emmagasiner la crue, son niveau est remonté à la cote 320 pour terminer à celle de 317. A un débit entrant de 2800 m3s, s’est substitué un maximum sortant de 1600 m3s ce qui a bien soulagé l’aval.
Actuellement la crue s’est étendue à la Loire moyenne. Dans le val de Gien à Tours et Saumur puis demain Montjean, rien n’est exceptionnel. Avec un maximum de 3350m3s à la confluence de la Loire et de l’Allier, les débits sont inférieurs à la moitié des grosses crues du 19ème siècle qui avaient atteint entre 7000 et 8000 m3S. Par contre il est intéressant de constater que deux crues étalées presque moribondes sur la Loire comme sur l’Allier, ont donné à leur confluence un événement qui a repris de la vigueur. Le maximum enregistré à l’aval 3350 m3s est presque l’addition des maximum des deux branches soit 2100 pour la Loire et 1500 pour l’allier. Seulement 250 m3s de décalage, c’est cette convergence géographique qui a provoqué le redémarrage. En plus dans le val aucun cours d’eau ne fournit des apports substantiels et la crue s’atténue peu à peu 3100 m3s à Blois, 2900 m3s à Tours, 2850 m3s à Langeais.
La crue sur la Loire n’a rien d’exceptionnel, seule particularité, c’est la première fois depuis longtemps et surtout depuis les très grandes crues du 19ème siècle, 1846, 1856 et 1866 qu’une crue méditerranéenne se développe si loin vers l’aval et surtout qu’elle est relancée, même modestement, par la convergence de la Loire et de l’Allier.
Autant sur la Loire que le Rhône, ce sont des aspects géographiques, la convergence d’ondes diverses sur un même point qui font le caractère particulier de cet épisode méditerranéen. Une preuve de plus que les catastrophes naturelles et surtout les inondations sont des phénomènes géographiques.
Gérard vous donne rendez vous vendredi prochain pour une nouvelle chronique de climatologie ……….
Commentaire actuel :
Après la crue du jour des morts du 2008 sur la Loire, fleuve et départements, il n’est pas inutile de la comparer à la précédente d’importance du début décembre 2003
Celle de 2008 a été plus importante sur la Loire supérieure mais moins étendue géographiquement que ce soit vers l’aval ou sur le bassin du Rhône
Les communications dans la vallée du Gier sont toujours un point noir et le barrage de Villerest a réussi son écrêtement comme en 2003.
Gérard Staron http://pagesperso-orange.fr/climatologie.staron