Chronique climatologique N°195, le 9/09/1998 avec Gérard et Marie-Gabrielle
Texte d’origine
Les pluies violentes d’automne semblent se manifester précocement cette année puisque après les orages violents du 2/09 dans la région de Dunkerque, environ 40mm en quelques heures, les perturbations pluvieuses semblent se succéder et de très fortes pluies ont été signalées dans les régions méditerranéennes lundi dernier, dans le département des Bouches-du-Rhône surtout.
Le mois de septembre est celui du retour des pluies méditerranéennes extensives ou cévenoles, toutefois elles commencent un peu tôt dans le mois puisque en temps ordinaire, c’est autour de l’équinoxe et dans la dernière décade du mois qu’elles sont les plus dangereuses. Souvenez-vous, le 20 et le 21 septembre 1980 la célèbre crue de la Loire supérieure particulièrement dévastatrice dans la région de Brives-Charensac. L’année suivante à la même date, nouvelle crue un peu moins célèbre. Dix ans plus tard, le 22 septembre 1992, c’était la catastrophe meurtrière de Vaison-la-Romaine et l’année suivante, la nature remettait cela dans la région d’Aix-en-provence puis en Italie du nord. Les fréquences des précipitations supérieures de plus de 200 mm en 24 h montrent que c’est dans la dernière décade du mois qu’elles sont les plus nombreuses. Cette année, on peut donc considérer que ce genre de pluies commence un peu tôt à défrayer la chronique, même si c’est de façon plus modérée.
La pluie du 7 septembre dans les Bouches-du-Rhône a-t-elle des caractéristiques semblables aux autres précipitations méditerranéennes de même type ?
Sa répartition géographique semble plus limitée que les autres gros phénomènes méditerranéens.
D’abord, les très fortes précipitations ne concernent que les littoraux du département des Bouches-du-Rhône avec Marignane qui a reçu 146 mm et les zones de Marseille, Aix-en-provence et Istres qui ont reçu presque 100 mm. Dès que l’on pénètre dans l’intérieur, les totaux reçus s’effondrent avec seulement 24 mm à Tarascon. Les totaux pluviométriques s’écroulent aussi très vite sur tous les littoraux, ceux de la région Languedoc-Roussillon dans les départements du Gard et de l’Hérault, ou ceux de la côte d’Azur dans le Var ou les Alpes Maritimes. Dans les deux cas, les lames d’eaux tombées sont de l’ordre de 20 à 40 mm. Les régions des Cévennes qui reçoivent habituellement par ce type de pluies les totaux les plus importants n’ont reçu cette fois que des hauteurs dérisoires. Seulement 44 mm au Mont Aigoual et beaucoup moins sur les hauteurs de l’Ardèche. S’il s’agit d’une pluie méditerranéenne, ce n’est pas une averse cévenole.
Qu’est-ce qui peut expliquer cette répartition géographique des précipitations origines que l’on vient d’entendre ?
La situation atmosphérique montre l’existence des 3 ingrédients qui font les grosses pluies méditerranéennes, l’arrivée d’une perturbation atlantique fraîche, le passage de cet air frais sur la Méditerranée, une mer chaude, où il peut s’humidifier à souhait comme sur une bouilloire, et enfin le blocage par un anticyclone continental qui retient les masses pluvieuses sur la région et les redresse en direction des Cévennes. La situation du 7/09 montre que ces 3 ingrédients sont présents mais l’un d’entre eux semble plus faible que les autres. Il s’agit du blocage par l’anticyclone continental.
Ce dernier est en effet visible autant au sol qu’en altitude, mais au sol, il est centré très loin sur la Russie avec un très faible gradient de pression. D’habitude, on le retrouve plus au sud sur les Balkans, ce qui lui permet de s’arquebouter sur les Alpes pour résister. En altitude, au niveau de la surface des 500 hpa, la dorsale de l’anticyclone subtropical en direction des Alpes est assez peu marquée. Il résulte de cette situation que le blocage a été réduit , ce sont donc les régions littorales recevant de plein fouet les vents pluvieux qui ont été touchées par les plus forts abats et ceux-ci ont été relativement plus modérés que d’habitude. De ce fait, les flux n’ont pas été redressés comme d’habitude, les vents de sud-est au sol sont restés modérés, le vent en altitude n’est pas de sud-est mais de sud-ouest et les pluies deviennent très faibles à l’intérieur.
L’analyse de l’image satellitaire confirme ces propos. On voit une énorme masse nuageuse remonter en Méditerranée occidentale le long des côtes de la Péninsule Ibérique et de la France selon une trajectoire de sud-ouest et la région marseillaise est le seul tronçon de côte d’orientation nord-ouest sud-est sur lequel vient buter les nuages pluvieux. Au nord au-delà de la crête du massif central, le ciel est dégagé, ce qui traduit un effet de foehn.
Ces phénomènes de blocages semblent vraiment importants en météorologie, a-t-on progressé dans la connaissance de ces phénomènes ?
Comme je vous le disais, j’étais la semaine dernière au congrès de l’AIC où j’ai entendu une communication concernant un modèle de prévision des blocages atmosphériques et force est de constater qu’il s’agit d’un domaine dans lequel nous avons beaucoup à apprendre et où il faut être modeste. Comme cet intervenant ne parlait pas des blocages en Méditerranée, je lui ai posé la question pour savoir s’il avait étudié ces phénomènes et il m’a avoué dans sa réponse que les blocages qui auraient dû se trouver en Méditerranée occidentale dans son modèle étaient décalés en direction de la mer Caspienne soit plusieurs milliers de kilomètres à l’est.
Dans cette région du globe, le modèle était donc loin d’être adapté à la réalité climatologique. Il existe encore des domaines où l’atmosphère n’a pas encore dévoilé tous ses secrets, les blocages atmosphériques à l’origine de très gros abats pluvieux, capables de donner des catastrophes sont encore des phénomènes mystérieux sur les conditions de leurs formations. Le jour où l’on aura une complète compréhension de ces phénomènes beaucoup d’épisodes calamiteux pourront être prévus avec beaucoup plus de fiabilité.
Au plaisir de vous retrouver vendredi prochain pour une nouvelle chronique de climatologie.
Commentaire actuel :
10 ans après, presque jours pour jours, un abat pluvieux très précoce affecte la vallée du Rhône, avec un mécanisme météorologique presque semblable et une différence de localisation géographique…. A analyser dans une prochaine chronique
Gérard Staron http://pagesperso-orange.fr/climatologie.staron