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6 septembre 2008 6 06 /09 /septembre /2008 18:56

 

   La vedette de la semaine a été Gustav. Après avoir montré sa force, ce cyclone qui s’était engagé dans le golfe du Mexique a été clément. Il a effleuré Cuba, puis a baissé d’intensité avant d’atteindre la Louisiane où sa venue était très redoutée après la catastrophe de Katrina en 2005.

En dépit des travaux importants effectués pour protéger les bas quartiers de la ville, Gustav a permis de mettre en évidence la malédiction de la Nouvelle Orléans et son extrême sensibilité au risque cyclonique, dangereux même dans le cas d’un ouragan déchu d’une grande partie de sa puissance. Les digues ont tenu en raison des travaux colossaux effectués depuis 2005 après beaucoup d’inquiétudes. Le coup est passé si près pourquoi ?

La Nouvelle Orléans bénéficie d’une situation exceptionnelle au débouché du Mississippi sur le golfe du Mexique. Cette localisation  est très favorable à l’implantation des activités humaines puisque tous les échanges sont naturellement drainés par le fleuve et les grandes plaines qui constituent son immense bassin vers cette ville, lieu d’échange naturel avec l’espace maritime.

Pourtant le Mississippi présente la difficulté majeure de terminer son cours par un delta, un milieu géographique instable où il a toujours été très difficile d’installer des sites portuaires  et des villes importantes. Très souvent, les grandes implantations humaines doivent trouver refuge hors du delta, comme par exemple Marseille à l’écart de celui  du Rhône, Anvers, Amsterdam ou Rotterdam ports successifs éloignés de celui du Rhin.

Un delta correspond à une zone où le fleuve dépose ses alluvions. Il le fait en effectuant un bourrelet de crue, son cours à tendance à s’exhausser par rapport aux marais voisins mélange d’eau douce ou maritime. En cas d’inondation, le fleuve passe par-dessus son bourrelet de crue et va installer son lit plus loin pour créer un nouveau bourrelet. C’est ainsi que de changements de lits en infidélités géographiques, peu à peu le fleuve forme une zone exondée qui se présente comme une suite de langues courbes et tortueuses correspondant aux rives des anciens cours.

Par ailleurs l’ensemble forme une zone de subsidence qui s’enfonce. Deux phénomènes s’opposent dans un delta, les alluvions apportées par les bras du fleuve augmentent les terres émergées, alors que l’enfoncement de l’ensemble a tendance à les faire passer sous le niveau de la mer. Cet équilibre est rompu dès qu’une ville s’installe.

Les premiers occupants ont recherché les rares points élevés et stables le long du fleuve susceptibles de fournir un ancrage suffisamment élevé, pour échapper à l’inondation. Quand le fleuve change de lit, le port périclite, s’ensable, et il faut changer de site. Surtout quand la ville se développe, les nouveaux quartiers s’implantent dans des zones basses en dessous du niveau des fleuves. Il faut les protéger par des digues dont l’histoire a trop souvent révélé la fiabilité douteuse.

Ces changements modifient la morphologie des deltas : D’abord plus question pour le fleuve de changer de lit à chaque inondation pour construire d’autres bourrelets de crues, les implantations humaines stabilisent son cours. Ensuite, le système d’évolution traditionnel du delta par dépôt des alluvions est perturbé et les zones basses continuent à s’enfoncer.

Quand un cyclone arrive sur ces zones sensibles, en plus de la vitesse énorme du vent qui provoque les dégâts de ce type de calamités naturelles, il s’ajoute des risques spécifiques liés à la montée des eaux sur une zone basse en dessous du niveau de la mer ou des lits du fleuve. Tout le monde a pu observer sur les reportages, des eaux à quelques centimètres du sommet des digues avec des amas d’eau énormes passant par-dessus.

Le risque d’inondation provient de plusieurs origines :

1)      la pluviométrie déversée par le cyclone est importante sans excès. Sur l’ensemble du delta, Gustav dépose entre 4 et 8 pouces, moins de 100 mm en unités françaises. Elle s’accumule dans les zones les plus basses où l’écoulement est difficile, mais elle n’intervient que pour une très faible part dans le risque d’inondation par rupture des digues.

2)      La « surcote » : les cyclones s’accompagnent d’une forte baisse des pressions atmosphériques ce qui attire la hausse du niveau de la mer. J’ai signalé le phénomène pour la tempête océanique du 10 mars en France. Le phénomène prend l’aspect de véritables raz de marée dans le cas des cyclones où la baisse de pression est encore plus brutale. Cette montée qui peut atteindre plusieurs mètres inonde régulièrement les littoraux.

3)      Par voie de conséquence, l’écoulement des bras du fleuve du delta dans la mer est empêché par la surcote et la houle qui rabat l’eau vers la côte. Ils forment un véritable mur pour perturber l’écoulement des cours d’eau du continent. En conséquence, les niveaux  montent d’autant en amont dans le delta

4)      Le vent violent qui accompagne le cyclone, plus de 63 nœuds sur une moyenne de 10 minutes, plus de 150 km/h en rafales contribue à envoyer d’énormes paquets d’eau sur les digues, certains passant par-dessus, ce qui contribue d’autan à ébranler leur solidité et à les éroder quand elles sont en matériaux friables.

Heureusement les digues ont tenu, ce qui permet de saluer le très gros travail des ingénieurs hydrologues américains depuis la grosse catastrophe de Katrina. Les conditions très difficiles du site de la Nouvelle Orléans expliquent l’extrême prudence des autorités américaines, l’évacuation de la population et l’attente après le passage du cyclone. Elles ont pris en compte les enseignements de la catastrophe de 2005. Gustav, par la baisse de son intensité, a limité les risques, mais l’histoire de l’hydrologie n’est qu’une suite de brèches dans les digues.

Quand on examine une carte des Etats-Unis, la situation exceptionnelle de la Nouvelle Orléans au débouché de l’immense gouttière des Grandes Plaines américaines drainées par le Mississippi aurait dû en faire le principal port et l’une des plus grosses agglomérations du pays.

Tel n’est pas le cas, la ville est plus connue par les aspects artistiques et musicaux que par la richesse de son économie, C’est peut être parce qu’elle subit deux malédictions.

Nous venons d’illustrer la première. La difficulté du site dans un delta augmente considérablement les risques en cas de cyclone. Ces derniers, comme Katrina en 2005 ou celui de 1934 qui avait déjà affecté la ville, peuvent contribuer à ruiner durablement la cité.

La seconde est historique. La Nouvelle Orléans a été installée par une première mise en valeur du continent qui utilisait le fleuve comme axe principal de communication du continent  à l’époque des Français pour commercer avec les tribus indiennes puis à celle de l’économie du coton du sud avec les fameux bateaux typiques et leurs roues à aube. La ville était alors le débouché naturel de toutes ces activités. Après la guerre de Sécession, les nordistes, vainqueurs, ont imposé une mise en valeur du continent à partir des ports de l’Atlantique en liaison avec des voies de chemin de fer qui traversent le continent d’est en ouest. Le Mississippi a perdu son rôle d’axe majeur et l’économie de la Nouvelle Orléans a été durablement affectée. La ville a dû faire connaître sa sensibilité par sa musique si particulière qui a assuré sa célébrité.

En 2008, La nouvelle Orléans a été sauvée des eaux, ce qui n’avait pas été le cas en 2005.

Gérard Staron vous donne rendez vous samedi prochain à 13h 15 sur les ondes de Radio Espérance, le teste étant repris sur les portails internet  zoom42 et zoom43.Fr et ce blog.

http://pagesperso-orange.fr/climatologie.staron

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