Au niveau des inondations, les événements du golfe de Saint Tropez ont fait passer au second plan les multiples montées de rivières que l’on trouve actuellement en France. Ceci montre qu’un événement ponctuel bref et localisé en milieu méditerranéen a toujours plus d’impact qu’une montée lente et diffuse en pays océanique. Pourtant ces dernières sont loin d’être négligeables avec des coupures de routes comme à Traves sur le haut bassin de la Saône Crues de la Saône (suivi) .
Vous pouvez suivre sur mon blog, l’évolution des crues des rivières océaniques françaises. Beaucoup s’éparpillent sur les différents bassins de la moitié nord du pays avec des décalages dans le temps et entre des tronçons de cours d’eaux proches. C’est ainsi que pour les rivières descendant des collines du Perche, L’orne a beaucoup réagi (3.14 m à Thury Harcourt) alors que les autres , Mayenne Sarthe ont bougé en retard et dans de moindre proportions. Pour celles descendant du plateau de Millevaches la Vienne a bien monté avec un maximum de 5.8 m à la Nouatre, et les cours d’eaux voisins bien moins. Il en a été de même pour les rivières descendant du Boulonnais, des plateaux de Thiérache ou du plateau de Langres.
Ces crues ressemblent à un puzzle sur lequel on a placé des pions épars mais que l’on a des difficultés à compléter. Encore modérées, elles ont des difficultés à passer de quelques bassins primaires à l’amont à l’ensemble des cours d’eaux. C’est ainsi que la montée de l’Arroux descendant du Morvan (2.5m) n’a provoqué qu’une intumescence limitée sur la Loire moyenne à Digoin. Il en est de même pour les montées limitées de L’Yonne et de la Marne amont qui ne font pas encore bouger la Seine en aval.
Les crues dites pluviales en pays océaniques sont des mécanismes lents de remplissage d’un bassin versant comme on peut le faire avec une baignoire. Les pluies moins intenses que sous d’autres climats ne sont pas capables de provoquer de montées très brutales dévastatrices des cours d’eaux comme en milieux méditerranéens comme un seul orage a pu provoquer les événements de Cogolin Port grimaud ou Sanary, près du golfe de Saint Tropez. En pays océanique la répétition des pluies sature d’abord les sols puis remplit peu à peu les bassins versants. On est au stade où de petits bassins amont sont déjà saturés et leurs rivières commencent à déborder, mais ce remplissage est encore insuffisant pour provoquer la réaction des cours d’eaux majeurs, fleuves ou principaux affluents. Les pluies ont été suffisantes pour provoquer localement cette première phase ce qui donne ce saupoudrage de crues moyennes, mais comme il s’agit de phénomènes sur un pas de temps assez long, la répétition des pluies dans les jours prochains pourrait permettre le passage à une crue générale des rivières océaniques françaises comme elles ont eu lieu en décembre 1981 ou décembre 1982 ou janvier 1995.
Il est cependant un bassin versant en France où cette évolution vers une crue importante est en train de se produire. Il s’agit de celui de la Saône. Les débordements du cours amont de la rivière au sortir du versant occidental des Vosges (3.44 m à Gray le 20 décembre) et de ses affluents l’ognon (4.2 m à Pesmes) et du Doubs (maximum de 5.97 m le 19 décembre) commencent à faire monter de façon significative la Saône après la confluence de Verdun sur le Doubs. La cote de 6.12 m était atteinte jeudi matin (6.46m le 22 décembre) alors que la rivière montait encore, elle approche (7.01 m en janvier 1994) le niveau des grands débordements. La crue commence à atteindre le val de Saône avec déjà 4.31 m à Macon jeudi, 4.72 m samedi. Ces niveaux augmenteront encore surtout si des pluies significatives contribuent à alimenter la montée des rivières !
Il convient de ne pas oublier que la Saône alimentée par les mêmes affluents en est à sa troisième crue significative depuis la fin novembre : la première les 28 et 29 novembre, la seconde les 5 et 6 décembre et la troisième actuellement. Si les niveaux maximums sont variables sur les affluents, ils sont croissants après la confluence sur la rivière principale. A Verdun sur le Doubs, la première atteint 4.59 m, la seconde 4.80 m et enfin l’actuelle plus de 6 mètres.
La comparaison avec les précipitations est intéressante. La première correspond aux pluies les plus intenses et abondantes et les autres ont reçu bien moins. Par exemple, à Besançon la journée la plus arrosée a cumulé 42.4 mm avant la crue de fin novembre, 25.4 mm avant celle du 6 décembre et seulement 15, 5 mm pour l’actuelle. C’est aussi visible pour le total des 5 jours qui précèdent : 79.7 mm avant la première, 42.4 mm avant la 2ème et 50.4 mm avant l’actuelle. En plus le total depuis début novembre est énorme 293.2 mm le 19 décembre, 303.1 mm le 21 et ça continue !
Cette évolution suggère bien le phénomène cumulatif d’une baignoire qu’on remplit avec saturation du sol, puis débordement des bassins primaires puis communication à la rivière majeure. La trajectoire des perturbations a plus particulièrement concerné la Saône qu’elles remontent du sud-ouest ou descendent du nord-ouest.
Il s’est ajouté aussi un autre phénomène thermique qui a concentré l’écoulement sur les périodes de redoux. En raison de sa position continentale et aussi de la présence de moyennes montagnes, une part importante des précipitations s’est effectuée sur le Jura et les Vosges sous forme de neige. Au moment des redoux, la lame de fusion de la neige s’est ajoutée à l’écoulement des précipitations en même temps que le sol encore gelé interdisait une infiltration importante ! La première crue est entièrement pluviale et elle est stoppée quand la précipitation passe à la neige avec 33 cm le 30 novembre à 1000 m à la Chaux de Fonds. La deuxième récupère en plus de la pluie, une part de fusion nivale puisque le manteau retombe à moins de 20 cm le 3 novembre, mais la crue cesse quand la neige retombe pour former un manteau de 68 cm le 12 décembre. La troisième récupère une fusion encore plus importante puisque le manteau est redescendu à 28 cm le 17 décembre ! En plus du phénomène purement pluvial, le redoux a ajouté une lame de fusion de la neige de plus en plus importante dans la crue de la Saône. Ce rôle nival aurait été insuffisant à lui seul pour provoquer la crue mais il a contribué à l’exagérer. Il faut pour cela un bassin de moyenne altitude capable de connaitre à la fois accumulation et forte fusion nivale, ce qui n’est pas le cas des Alpes où en raison des altitudes plus élevées l’accumulation nivale continue au-dessus de 2000m
Les rivières voisines descendant des massifs hercyniens du sud de l’Allemagne connaissent aussi des crues. Elles concernent d’abord des petits bassins le Riedem et surtout l’Itz qui est montée à 4.54 m proche de la grande crue du 3 janvier 2003 (4.75 m). Les grands fleuves montent. La Danube à Sigmaringen a déjà atteint 2.48 m, contre 2.66m le 20 décembre 1999 et le Rhin a dépassé les 7 m le long de la frontière entre la France et l’Allemagne. Seule différence, l’Allemagne a déclenché une véritable alerte aux crues. En France, le Schapy s’est contenté de placer les cours d’eaux en « jaune ».
Les rivières océaniques ont des crues de type pluvial en hiver, parfois il s’y ajoute un zeste de fusion nivale. La seule façon de faire cesser la montée des cours d’eaux serait une bonne vague de froid qui stopperait l’écoulement. Tant que le temps restera doux, tant que les perturbations déposeront leur eau jour après jour, les rivières monteront. Nous risquons de reparler de la question dans les jours à venir pour des débordements moins modérés !
Géard Staron donne rendez-vous samedi prochain sur Radio Espérance, Joyeux Noël à tous