Après un mois d’avril particulièrement sec, dans la région Centre-est avec une période consécutive de 22 jours sans précipitation, Mai inverse la tendance et déverse une masse pluvieuse qui sera salutaire pour reconstituer la ressource en eau tant qu’elle n’atteindra pas des excès possibles en cette saison. Les inondations de printemps ayant laissé des souvenirs désagréables en 1983, 1986 et 1977.
La situation de cette année montre que la reconstitution de la ressource en eau pendant la saison froide a été nettement inférieure à celle d’une année moyenne. Le Forez en particulier la Plaine et la retombée méridionale des monts ont été très concernés. La reconstitution de la réserve du sol qui était terminée presque partout à la fin de novembre 2009, n’a été complète qu’en janvier et même février dans la partie la plus à l’abri de l’ouest de la Plaine du Forez. Les régions de montagne ont connu un surplus hydrologique globalement inférieur d’une centaine de millimètres à celle d’une année normale. Le mois d’avril a apporté le point d’orgue de cette évolution sèche.
Depuis le 1er mai pour le calendrier civil ou le 30 avril pour les mesures météorologiques, des vagues pluvieuses ont déferlé sur les mêmes régions. J’ai relevé une centaine de millimètres à Saint Etienne pour la première décade. Les régions les plus arrosées en France correspondent au Bassin Aquitain avec 87 mm à Toulouse et 88 mm à Auch, aux dépressions de l’est du Massif central. Les Limagnes ont reçu 80 mm à Clermont, le bassin du Puy 92 mm. Dans une moindre mesure les couloirs du Rhône et de la Saône ont été très arrosés. Cet arrosage continue encore !
Cette répartition géographique n’a rien d’extraordinaire en France puisqu’il s’agit des régions qui présentent un maximum pluviométrique en mai. Elles correspondent à l’ensemble des dépressions et bassins situés entre les Montagnes qui s’étirent du Bassin Aquitain, aux plaines de l’Europe centrale, au point que certains avaient dans le passé qualifié ce climat de « danubien ». Ces régions encastrées entre les montagnes et les zones de climat océanique au nord et Méditerranéen au sud comprennent, outre le bassin Aquitain, les dépressions de la Loire et de l’Allier dans le nord est du Massif central, un partie du couloir séquano-rhodanien de la Bourgogne au défilé de Vienne, la plaine du Pô entre les Alpes et l’Apennin et enfin les plaines danubiennes dans leurs composantes hongroises ou roumaines. Ce maximum pluviométrique est d’une énorme variabilité. Par exemple à Saint Etienne Bouthéon, les précipitations s’étalent de 17 mm en 1996 à 230 mm en 1983, record mensuel depuis la seconde guerre mondiale, avec un rapport de 1 à 14 entre les années extrêmes. Ce contraste énorme doit être relié à la caractéristique de ces précipitations. En 2010, Mai a déjà, en grande partie, justifié son rôle de maximum pluviométrique.
Les types de temps qui correspondent sont hybrides. Il s’agit de perturbations de sud-ouest, ni franchement méditerranéennes comme les pluies cévenoles d’automne, ni nettement océaniques, ni vraiment des orages continentaux d’été, pourtant c’est un peu de tout cela.
Ces pluies de mai proviennent du sud-ouest, à l’origine ce sont souvent des perturbations océaniques qui descendent à une latitude très basse et qui progressent depuis l’Espagne ou le golfe de Gascogne. Vous en avez une illustration récente avec la descente de l’air arctique grossie des fameuses cendres du volcan islandais jusqu’en Espagne et même jusqu’au Maroc. Les perturbations arrivent ensuite vers nous. Ces précipitations ont l’allure de pluies océaniques mais il ne s’agit pas de véritables perturbations de sud-ouest comme elles pullulent pendant toute la saison hivernale sur les appendices de l’Europe de l’ouest
L’influence méditerranéenne est aussi très présente dans ces précipitations. Une grande partie des régions littorales du Levant espagnol à l’Italie connaît aussi une pluviométrie très importante en mai, parfois même ce mois dispute le maximum pluviométrique à ceux de l’automne. Quand l’air froid atteint la Grande Bleue, une dépression s’installe sur la mer tiède, les masses nuageuses et pluvieuses se forment et remontent ensuite en direction de notre pays. Ceci correspond en grande partie aux pluies qui se sont succédées du 1er au 6 mai 2010 et dont j’ai décrit la situation dans la précédente chronique. Toutefois en cette saison, la Méditerranée n’est pas assez réchauffée pour que ce phénomène prenne l’importance de l’automne où les eaux marines sont très chaudes après l’été. Surtout les pluies présentent une intensité bien plus faible.
Ces précipitations s’accompagnent parfois de phénomènes électriques dans une ambiance humide et moite qui augmente en cours de journée jusqu’au déclenchement de l’averse dans l’après-midi ou en soirée. La chaleur du soleil qui s’accumule au sol lors d’un mois qui présente parfois des caractéristiques estivales, la présence de gouttes froides en altitude comme cette année contribuent à exacerber l’instabilité de l’atmosphère, pendant mai, il est rare que ce phénomène de convection à l’origine des orages prédomine, comme on le constate en juillet ou en août. Dans les pluies depuis le début du mois, il y a eu ici ou là quelques coup de tonnerre mais ce n’est pas l’élément dominant.
Par contre les pluies de printemps sont souvent répétitives, c’est d’ailleurs la condition pour qu’elles provoquent des crues de rivières. Cette année les abats de la première vague du 1er au 6 mai n’ont pas fait bouger les rivières car l’eau a servi a humecter le sol, à reconstituer les réserves de toutes sortes, barrages comme nappes phréatiques, bien faibles auparavant. Plus les pluies quotidiennes continuent, plus la part du ruissellement vers les rivières prend de l’importance dans l’écoulement. La seconde vague de pluies du 10 et du 11 a d’ailleurs commencé à faire monter quelques cours d’eau. L’Ardèche a atteint près de 4 m à Vallon Pont d’Arc. L’Eyrieux, le Doux, la Cance ont connu une intumescence. La réaction de la Loire est encore négligeable. C’est pour cette raison que j’ai déjà mis discrètement dans mes prévisions une mention concernant l’esquisse d’un début de risque d’inondation dans le cas où ces pluies pourraient être localement très fortes. Tant que les totaux déposés régulièrement resteront modérés, ces quantités d’eau auront l’effet bénéfique de provoquer une ressource bienvenue avant les déficits de la saison estivale. Mai est le dernier mois où la pluviométrie est encore susceptible de dépasser quantitativement l’évaporation, après, c’est fini, sauf cas exceptionnel.
Les années où le mois de mai s’est distingué par des débordements de rivière, le phénomène s’est toujours produit dans un ensemble de pluies répétitives qui provoquent des ondes successives. Si je prends l’exemple des crues de la région stéphanoise du printemps 1983, les rivières commencent par une première inondation dans les derniers jours d’avril, les ondes se succèdent ensuite pendant la totalité de mai, le 1er mai, puis le 15 mai et enfin le 25 mai. On retrouve la même succession de pulsations brutales lors des événements de 1986 ou de 1977.
Le cas historiquement le plus célèbre est celui des orages de fin mai et du début juin 1856, où la multiplication de précipitations orageuses débouche sur une très grande crue affectant les rivières françaises en particulier le Rhône et la Loire où elles conservent souvent le niveau le plus élevé.
C’est cette répétition de pluies quotidiennes qui provoque le maximum pluviométrique du mois de mai. Elle est due à la persistance de la même situation atmosphérique sur les mêmes régions avec la descente arctique sur le proche Atlantique et la remontée en sens inverse depuis l’Espagne ou la Méditerranée. Tant qu’un changement majeur de la circulation atmosphérique n’interviendra pas, les arrosages quotidiens continueront avec quelques nuances selon les trajectoires des perturbations
Gérard Staron vous donne rendez vous samedi prochain sur les ondes de Radio Espérance, le texte étant repris sur mon blog : gesta.over-blog.com.