Chronique N°813
Il vous paraîtra probablement curieux de commencer par un extrait d’opérette. Plus précisément de Ciboulette de Reynaldo Hahn avec un air du début de l’acte II « C’est le calme de la campagne » qui vous semblera surréaliste quand vous saurez qu’il s’agissait de l’atmosphère d’Aubervilliers, village près de Paris à l’époque. Quand on sait que cette cité dans la ceinture maraîchère de la capitale à la fin du XIXème est passée à l’état de banlieue industrielle et résidentielle avec l’aspect récent de cité ghettos, on peut constater qu’aujourd'hui ce n’est plus le calme de la campagne, un hiatus que l’on peut comparer avec la situation atmosphérique actuelle
C’est en effet le calme au niveau d’Eole. La situation atmosphérique de l’air est en effet particulièrement stable avec des pressions très élevées autant au sol qu’en altitude et centrées à proximité ou sur notre pays.
Au sol elles ont dépassé 1035 hpa samedi dernier, depuis elles ont tendance à s’atténuer légèrement avec 1025 puis 1020 hpa ces derniers jours. Cette situation traduit bien l’évolution. Un reliquat de l’air continental très froid issu de la dernière vague d’invasion de nord-est résiste très bien plaqué dans les basses couches de l’atmosphère en raison de conditions thermiques saisonnières assez favorables à son maintien : durée longue des nuits et angle d’arrivée encore faible des rayons solaires.
Au dessus, le niveau de la surface des 500 Hpa (une demi atmosphère environ) est très haut pour la saison, plus de 5760 m et il s’agit d’un air en provenance de la chaîne des anticyclones subtropicaux qui a progressé depuis les Açores à partir du 3 février pour atteindre la péninsule ibérique le 4 et le 5 et la moitié sud de notre pays. L’association d’un air froid au sol et relativement plus chaud en altitude est particulièrement stable puisque celui qui est dense est en bas et celui qui est léger en haut. Ceci ne peut qu’engendrer le calme dans l’ordre des choses de la densité, contrairement au cas inverse que l’on trouve souvent en été. Pour cette raison, les anticyclones d’air froid en hiver sont toujours très tenaces. Les mouvements de l’atmosphère sont les plus faibles possibles dans le sens vertical. Au niveau horizontal, les flux engendrés par les dépressions océaniques lointaines arrivent très atténués et il ne subsiste que ceux engendrés par l’influence du relief et des différences entre les milieux géographiques.
Cette situation calme est aussi celle du beau temps ensoleillé qui concerne la plus grande partie de la France, surtout en montagne depuis quelques jours. Cet air contenait déjà peu d’humidité absolue au départ en raison de son froid d’origine. L’action de l’ensoleillement pendant la journée ne peut que l’éloigner de son point de condensation ce qui provoque la conjonction du ciel clair, de l’ensoleillement et de la hausse des températures pour donner l’impression d’un calme qui donne envie d’aller à la campagne pour déformer l’air de Reynaldo Hahn.
C’est dans la nuit que la situation s’agite comme celle d’Aubervilliers à l’époque où il fallait autrefois amener les légumes des maraîchers aux halles de Paris comme dans l’opérette où aujourd’hui pour une vie nocturne des cités urbaines bien moins avouable et plus violente.
Les gelées sont particulièrement tenaces dans une grande partie du pays. Avec quelques nuances quotidiennes, elles forment une diagonale de l’Allemagne jusqu’au centre de l’Espagne. Après un léger recul mardi, elles progressent mercredi en englobant le Benelux, les Ardennes et le nord de la Champagne, mais aussi la basse vallée du Rhône et celle de la Durance. De nombreuses régions dites de plaines sont englobées dans ces températures minimales négatives, lundi outre le Poitou, il fallait ajouter les plateaux du sud du bassin de Paris jusqu’à la Beauce. Le thermomètre descend bas, régulièrement à proximité de -5°- 6° au Puy en Velay et de -4° à Clermont Ferrand et Vichy.
Le petit matin est marqué par de très fortes inversions de températures. Pendant la nuit, l’air froid plus dense s’accumule dans les bas-fonds et cuvettes, alors que celui plus doux, léger, reste au dessus, ce qui correspond à une situation contraire à la normale où les températures baissent avec l’altitude. Certaines inversions sont spectaculaires. Lundi 7 février le minimum thermique est positif avec +3,3° à la Dôle sur les sommets du Jura à 1670 mètres d’altitude. Au pied de la montagne, il fait -5,4° à Genève à 420 m. Mercredi 9 février, le minimum descend -2 2° à Carpentras dans la plaine du Comtat quand il est mesuré à +4,2° au Mont Aigoual à plus de 1500 mètres. De même, il gèle au fond du bassin Aquitain avec -3,2° à Auch quand le Piémont pyrénéen garde un thermomètre au dessus de zéro à Pau Tarbes et Saint Girons. On pourrait aussi ajouter l’exemple cité dans mon blog dimanche entre les fonds de vallées et les plateaux de l’Yssingelais.
Ces inversions sont parfois accompagnées de brouillards dans les zones basses quand le ciel reste dégagé en montagne, mais ce n’est pas général. Ces brouillards matinaux ont eu une extension géographique bien plus limitée qu’en temps habituel. L’image que j’ai placée sur mon blog mercredi, montre qu’ils n’affectaient que les plaines de la Saône, celle de l’Alsace , les vallées de l’Yonne et de la Seine en amont de Paris et les zones basses de Champagne. Ce n’est d’ailleurs pas dans ces zones embrumées que la température a été la plus froide car la couverture nuageuse a freiné la baisse.
L’air actuel est tellement sec qu’il franchit rarement le point de condensation dans son refroidissement nocturne, et même s’il le franchit, il peut rester en surfusion s’il ne trouve pas assez de noyaux de condensation pour fixer les gouttelettes. Dans ces zones au ciel clair les inversions ont été les plus spectaculaires et n’avaient plus d’obstacles à leur développement.
Le calme de l’atmosphère, les inversions s’accompagnent de l’accumulation des polluants juste en dessous du niveau qui marque le passage de l’air froid emprisonné dans les cuvettes et celui plus doux qui reste au dessus. Sur les rejets des villes, ces pollutions constituent alors un halo qui atténue la puissance des rayons solaires et que le calme de l’air ne disperse que très difficilement.
Ceci nous permet d’aborder l’autre aspect du petit matin, le givre. Depuis la fin de la semaine dernière, sa formation est quotidienne dans les régions stéphanoises et de l’est du Massif central et j’avais déjà inventorié 8 jours consécutifs vendredi matin dans la capitale forézienne avec des couches souvent épaisses, dimanches, mercredi et jeudi !
Le sol très refroidi pendant la nuit sert en effet de noyau de congélation à ce qui reste encore d’humidité dans cette atmosphère très sèche. Il ne s’agit pas de précipitations dans un ciel qui reste très clair mais du passage direct de la vapeur d’eau de l’atmosphère à ces étoiles glacées qui viennent s’accumuler sur le sol, la végétation, les toitures, les véhicules et même les routes au point d’obliger à un salage pour éviter la traîtrise matinale sur les principaux axes.
Il est pourtant une région qui ne bénéficiait pas du calme de la campagne avec une tempête qui a traversé l’Europe du Nord des Iles britanniques à l’Allemagne. Le vent a soufflé à 183 km/h à Caingorn Mountains sur les hauteurs de l’Ecosse, et 162 km/h sur celle du Hartz, ce massif hercynien de Allemagne moyenne. Le vent a dépassé 140 km/H dans certains secteurs côtiers de L’Ecosse et plus de 120 km/H sur celles de l’Allemagne du nord ou le Schleswig-Holstein a subi les rafales les plus importantes mais aussi les pluies et les inondations. Décidément, les catastrophes naturelles de l’Europe du nord n’ont pas de chance avec nos médias. Je n’ai rien entendu sur ce sujet en France !
L’anticyclone qui entretient le calme de l’air chez nous a repoussé les dépressions et perturbations océaniques au nord selon une trajectoire Iles britanniques –Allemagne. Ces dépressions très creusées ont provoquée des vents d’autant plus violent qu’elles ont buté sur notre anticyclone qui leur a barré la route vers le sud, ce qui a augmenté la différence de pression et aussi la vitesse des rafales.
Le calme de l’air peut parfois être trompeur, mais il se termine ce samedi (12/02)
Gérard Staron vous donne rendez vous samedi prochain sur Radio Espérance ( émission à 13h 15).
Bonne semaine