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7 mars 2010 7 07 /03 /mars /2010 14:05

Chronique N°768

La tempête Xynthia du 28 février constitue le sujet incontournable de la semaine.


      Dans mon blog, j’ai déjà signalé, à l’aide des images de satellite transmises par Claude, la trajectoire très particulière de la tempête qui est remontée du sud-ouest pour traverser la France en diagonale.

Le centre de la dépression, 980 hpa, se situe le 27 à midi dans l’Atlantique au large de la Galice espagnole et le 28 à midi il atteint le Benelux. Ce cheminement erratique intermédiaire entre celui d’une tempête océanique d’ouest comme en décembre 1999 ou janvier 2009 et celui des coups de vents méditerranéens de sud ou sud-est, est lié à la rencontre de deux centres d’actions décalés.

Poussées par l’air froid très virulent de cet hiver, les dépressions et perturbations océaniques descendent très bas en latitude sur l’Atlantique, au niveau de Madère la semaine dernière, à celui des Açores cette semaine. Au même moment, l’anticyclone subtropical de nos étés tente une première poussée timide vers le nord selon l’axe Maghreb, Italie, jusqu’aux Alpes. Le contact suscite la tempête qui doit contourner l’obstacle de cet anticyclone, c’est ainsi que le coup de vent prend une orientation sud-ouest de la Galice au Benelux.

L’événement dessine sur notre pays des diagonales sud-ouest nord-est avec des rafales qui plafonnent entre 130 et 140 km/h en plaine contre 180 à 200 km/h pour les plus grosses tempêtes antérieures.

On distingue d’abord la tempête « sèche » non suivie de fortes précipitations. Elle s’effectue entre 20 heures le 27 et 2h le 28 sur le Massif central. Le flux atmosphérique est canalisé par les axes de la Loire et du Rhône. Ceci contribue à accélérer le vent et à le dévier selon une direction de sud. Il remonte du Mont Aigoual qui dépasse seul les 130 km/h jusqu’à la région lyonnaise et stéphanoise avec environ 110 km/h en rafales.

Xynthia
La tempête principale aborde le pays vers 1h le 28 par les côtes de Charente Poitou. La pointe de Chassiron connaît sa rafale maximale à 3 heures avec 141 km/h. Ensuite elle progresse en suivant le sud du Bassin parisien, selon  la carte jointe ( progression heure par heure des rafales supérieures à 100 km/H). Elle suit l’axe suivant avec des rafales qui culminent vers 130 km/h :  Poitiers atteint à 2 heures, Orléans à 5 h ,  Paris à 6 h, la Champagne à 8 heures. Ensuite Xynthia hésite. Dans un premier temps elle tente une percée vers la Lorraine dans la matinée et bute sur les Vosges. Les vitesses supérieures à 100 km/h ne dépasseront pas Strabourg. Dans le début de l’après midi, elle poursuit sa marche vers le nord et la Belgique où elle perturbe la classique cycliste Kuurne-Bruxelles-Kuurne.

La dernière diagonale concerne la « zone arrosée » qui s’étire de la Bretagne à la Flandre. Au nord du centre de la dépression, le vent faiblit mais les précipitations sont abondantes. Très fortes sur la Bretagne, 30 mm à Quimper, elles diminuent ensuite pour atteindre 10mm à Lille. Ce dimanche, il  pleut tout le jour à Rouen avec 26 mm pour l’épisode. Dans cette zone ce total au demeurant moyen s’ajoute à celui des perturbations précédentes. Il a plu tous les jours depuis le 20 février avec un total de 99 mm à Lorient, 78 mm à Rouen, 61 mm à Laval. Voilà des cumuls susceptibles de faire réagir les cours d’eaux : L’Orne, L’Eure, les rivières du Boulonnais et d’autres. La crue la plus importante se produit sur l’Oust affluent de la Vilaine. Son cours se situe en arrière des zones les plus arrosées de la côte méridionale de la Bretagne, surtout il est parallèle à la côte ce qui a pour conséquence d’arroser la totalité de son bassin versant. Avec 7,6 m au Guélin, la rivière monte au dessus de sa crue du 8 mars 2007 (7,31 m), niveau un peu en dessous de celle du 21 janvier 1995 (7,97 m) la plus importante sur son bassin.


Comment se fait-il qu’avec des rafales maximales limitées 140 km/h environ, la tempête ait pu provoquer la catastrophe d’importance relatée sur les côtes de Charente et de Vendée ?


 
Toutes proportions gardées, l’événement peut être comparé à la catastrophe de Katrina sur la Nouvelles Orléans. Comme dans ce cas, les effets de la tempête, ont été décuplés par la présence de polders, en particulier le marais poitevin, qui ont permis à l’océan de reprendre en quelques heures des territoires récupérés péniblement par les hommes depuis le Moyen Age.

Au pied de la ceinture des bas plateaux et des buttes calcaires, les hommes ont conquis au Moyen age le très touristique marais mouillé au lacis de canaux et de prairies arborées, au XVIIème les hollandais spécialistes dans l’art des polders, ont conquis le marais desséché réservé à l’agriculture et enfin jusqu’au début du XXème siècle, en construisant digues après digues la présence humaine a progressé autour de la baie de l’Aiguillon.

Certes il ne s’agit pas de terrains en dessous du niveau habituel de la mer, mais les altitudes ne dépassent pas 2 ou 3 mètres en arrière d’un cordon de Dunes qui atteint 9 mètres à La Faute sur Mer ou de digues bien plus basses, 4 m environ, autour de la baie de l’Aiguillon.

Le vent n’est pas seul en cause. Le passage de la tempête correspond à la présence de grandes marées. Entre le 24 et le 27 février le niveau de la marée haute monte de 1 mètres à Rochefort et celui de la marée basse baisse d’autant. La correspondance existe aussi au niveau horaire puisque le maximum de la marée haute s’effectue dans la seconde partie de la nuit au moment du passage de la tempête. La rafale maximale à Niort comme le maximum de la marée se produisent  vers 5 heures.

Il convient en plus d’ajouter la « surcote » de l’océan au moment du passage de la dépression. Comme la pression atmosphérique baisse, la surface maritime de l’océan compense et monte d’autant. Cette surcote diminue d’amplitude du Bordelais vers la Bretagne. Elle ajoute 1 mètre à Bordeaux, 88 cm à Royan, 70 cm environ à Rochefort et Nantes. Quand on ajoute cet effet à celui de la marée, on approche déjà 2 mètres de hauteur.

La tempête génère une forte houle qui dans le cas de rafales de cette vitesse peut atteindre facilement 4 à 5 mètres. Outre une force érosive très importante sur les cordons de dunes ou les digues, le cumul de toutes ces hausses montre qu’il fallait se trouver au moins à 7 mètres au dessus du niveau habituel de l’océan pour être à l’abri de l’événement. Je crains que dans les deux communes les plus affectées la Faute sur mer et l’Aiguillon, aucun point ne correspondait à ces conditions. Dans le marais poitevin, seuls les habitats médiévaux, à l’abri sur les anciens chicots rocheux qui sont disséminés dans la zone basse, sont vraiment à l’abri.

Depuis le XVIIème, des fermes isolées ont peu à peu colonisé le marais, puis des villages se sont installés, l’Aiguillon et les stations balnéaires de la Faute sur Mer et de la Tranche sur mer sur le cordon littoral sur le canton de Moutiers-les-Mautfaits (tout un programme). On entend actuellement qu’il faudrait interdire les constructions inondables avec un PPRNPI. Si l’on applique bêtement cette notion administrative à la Française, il faudrait chasser toute la population du secteur, soit quelques dizaines de milliers de personnes.

La plupart des polders français ont été construits par les néerlandais. L’un des canaux du marais poitevin porte d’ailleurs le nom de « ceinture des Hollandais ». Ces derniers ont toujours été les spécialistes de ce type d’aménagement et surtout ils savent les entretenir. A chaque problème, les digues françaises craquent, plusieurs fois en Camargue, en 1999 dans le Blayais,  car nous ne savons ni les entretenir, ni prévenir de telles catastrophes comme nos amis néerlandais et que nous laissons souvent à l’abandon la sécurité de nos polders. L’entretien et le renforcement  des digues sont des options judicieuses couplée avec des mesures préventives dans ces zone inondables par nature.

Un PPRNPI doit s’adapter à la géographie locale, sinon il peut aggraver une situation, quand on confond crue des rivières et inondations marines où dans ailleurs, écoulement urbains et débordement des cours d’eaux traditionnels.


Gérard Staron vous donne rendez vous samedi prochain 13 h 15 sur les ondes de Radio Espérance, texte repris sur le blog gesta.over-blog.com.

 Bonne semaine à tous…..

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commentaires

S
<br /> Bonjour,<br /> Les données de météo france concernant la vitesse maximale des rafales sont complètements fausses. Une rafale est ponctuelle donc localisée. Le maillage des stations de mesure de météo france ne<br /> permet que des extrapolations sur un territoire. Pour preuve voici les mesures effectuées sur une station de mesure privé et conforme au norme météo france: 1H du matin 177km/H,..., 6H du matin<br /> 186km/H...<br /> <br /> <br />
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G
<br /> Vous mettez l'accent sur un sujet sans fin : les mesures de vent en météorologie....<br /> La caractère très lache du réseau d'observation ( quelques postes par départements) contraste avec la variabilité géographique des rafales modifiées par des effets de couloirs ou autres<br /> situations topographiques ( sommets , vallées orientation des reliefs etc.....) mais aussi par des exagérations locales... il serait d'ailleurs intéressant de connaitre les particularités du<br /> lieu où ces vitesses ont été enregistrées, ceci permettrait probablement de comprendre. Que des valeurs supérieures aient été enregistrées ponctuellement est tout à fait vraisemblable!<br /> Dire que les mesures de Météo France sont fausses serait éxagéré, elles se situent à une échelle géographique globale qui n'est pas celle à laquelle vous vous placez. Elles ont<br /> cependant deux avantages, elles permettent la comparaison avec d'autres tempêtes antérieures et prétendent "notion criticable" être placées en des lieux représentatifs.<br /> Même avec les valeurs que vous présentez, Xinthia présente des vitesses inférieures à celles des principales tempêtes antérieures !<br /> Les mesures en météorologie, en matière de vent sont un sujet sans fin...surtout pour les rafales<br /> C'est effectivement un phénomène global affecté d'accélération locales donc d'autant plus difficile à saisir, mais c'est aussi celui qui est générateur d'impact et dont il est<br /> indispensable d'analyser l'ordre de grandeur !<br /> En plus nous n'abordons pas le problème des vents moyens sur 10 minutes qui servent de référence principale mais sans grande signification quand on analyse les problèmes liés à une tempête<br /> Gérard Staron<br /> <br /> <br />
A
<br /> Merci pour vos explications sur la petite tempête sèche qui a affecté le Massif Central en marge de Xynthia et qui me laissait perplexe. Quelques fortes rafales ont causé des dégâts forestiers non<br /> négligables dans les Monts du Forez ( notamment secteur de Noirétable- St Priest la Vêtre notamment, plus de 5000 m3 estimés)même si l'ensemble des chablis reste disséminé.<br /> <br /> <br />
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G
<br /> Merci pour le commentaire,<br /> Le point du département que vous citez est toujours l'un des plus affecté du département dans le cas des tempêtes océaniques qui frappent souvent dans la Loire à partir du nord des Monts du Forez,<br /> c'est aussi la zone du département la plus sensible aux vents d'ouest<br /> C'était déjà le cas en décembre 1999<br /> <br /> <br />
R
<br /> Je viens de passer chez mécépatou, et j'ai eu envie de passer vous voir, sur un sujet qui m'intéresse (je fus prof de géo)...J'écris, dans le même sens, je crois, mais en moins<br /> documenté...Autrefois, je fréquentais beaucoup la station météo d'Angers-Avrillé...mais je suis en retraite depuis 10 ans, et je suis moins documenté, et moins "sur le terrain"...<br /> Je retiens ton adresse, et on se reverra, je pense!<br /> <br /> <br />
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G
<br /> A bientôt cher collègue de géographie retraité !<br /> merci pour le commentaire<br /> <br /> <br />

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