Chronique N°997
Le problème du moment concerne la répétition des grosses pluies cévenoles sur le Languedoc qui en a déjà subi 4 consécutives :
Celle du 16 au 18 sur les premiers contreforts des monts de Lacaune et des Cévennes avec localement plus de 400 mm en 5 jours sur ces reliefs et même 504 mm à Saint Gervais sur mare dont nous avons déjà traité
Celle du 28 et 29 sur l’agglomération de Montpellier, où il est effectivement tombé 300 mm en 24 heures dont 93 mm en 1 heure 184 mm en 2 heures et 247 mm en 3 heures dont nous traitions la semaine dernière
Celle de la nuit de lundi 6 à mardi 7 octobre dans un secteur proche au nord de la capitale languedocienne où Prades le lez a reçu 262 mm en 24 heures. Grabels, Juvignac et le stade de la Mosson ont été très affectés.
Il convient de noter qu’au fil de ces trois épisodes méditerranéens l’espace géographique concerné s’est réduit progressivement ainsi que les quantités de pluviométrie déposées au point de se limiter à un espace très localisé dans le dernier du début de cette semaine.
Par ailleurs rien ne dit que cette répétition de grosses pluies soit terminée. Une nouvelle était en cours d’approche en fin de journée de jeudi et a sévi sur le Gard dans la nuit de vendredi à samedi. Une semble arriver en fin de week-end avec des intensités pluviométriques et une localisation géographique encore à préciser, peut-être sous réserves, plus centrée sur les Cévennes !
Une suite de grosses pluies méditerranéennes catastrophiques est un phénomène habituel dont je signale moult exemples dans mon livre de 2003 « le ciel tomberait-il sur nos têtes » On constate deux types d’enchainements
Le premier correspond à une même perturbation qui dans sa progression connait plusieurs paroxysmes pluvieux. Le cas que je signale souvent est celui du 22 au 25 septembre 1993 qui commence sur le limousin , connait un premier paroxysme sur les Cévennes dans la matinée du 22 avec de grosses crues sur les rivières qui en descendent, la calamité se déplace ensuite sur la Drome en début d’après-midi, affecte la région d’Aix en Provence et de Pertuis en Soirée, passe ensuite sur la Corse et la ligurie le 23, avant de continuer dans la plaine du Pô et de revenir sur les Alpes en passant par-dessus pour atteindre la Maurienne en France et surtout la ville de Brigg en Suisse détruite par une coulée descendant du Simplon
Le deuxième enchainement plus courant correspond à une suite de perturbation qui viennent s’empaler dans le même obstacle pour donner des calamités sur des zones proches
Par exemple la catastrophe de Vaison la Romaine du 22 septembre 1992 avait été précédé la veille d’une grosse pluie sur les Cévennes et suivie quelques jours après ( le 26 septembre ) de nouvelles inondations sur la haute vallée de l’Aude à Reines les bains et Couixa et enfin du 3 au 6 octobre par des grosses pluies sur la côte d’azur
De même la catastrophe de Nimes du 3 octobre 1988 avait été suivie de très grosses pluies sur l’isère le 9 avec des problèmes pour les routes et voies ferrées et enfin le 11 octobre la Drome et l’Ardèche sont concernés
Certains de ces enchainements affectent l’ensemble du Bassin méditerranéen. En 2000 on commence par la catastrophe du camping de Calabre début septembre, on continue ensuite par l’inondation de Marseille du 19 septembre , la troisième affecte les Cévennes les 28 et 29 septembre , la quatrième concerne à la mi-octobre la Côte d’azur, la plaine du Po et la retombée italienne des Alpes et la 5ème le levant espagnol.
Les incident isolés sont rares comme la crue de la Loire de septembre 1980, par contre je pourrais multiplier les exemples anciens ou récents de ces séries qui concentrent plusieurs événements sur une période assez courte, j’aurais pu citer novembre 1951, octobre 1960, d’août à novembre 1963, septembre et octobre 1965, octobre et novembre 1976.
La seule variante de ce début d’automne est la propension de frapper au même endroit 3 fois de suite alors que souvent la localisation géographique frappe un panel de régions plus éloignées ! Ces répétitions sont à relier à la persistance de la situation atmosphérique.
Sur les trois éléments qui constituent une grosse pluie méditerranéenne quel est le plus persistant ?
Il faut d’abord une descente froide qui atteigne la Méditerranée
Il y a eu celle du 15 qui donne les pluies du 16 au 19, celle du 26 et 27 qui sont arrivés sur Montpellier le 29, et celle du 6 qui est arrivé le 7 sur l’Hérault. Elles paraissent plutôt poussives, par exemple celle qui fournit les pluies les plus importantes de Montpellier est à peine visible sur les cartes météorologiques dans une ambiance anticycloniques ! Celle qui descend le 6 octobre est beaucoup plus forte avec une dépression qui commence à 980 hpa sur l’Islande pour arriver à 985 hpa au sud de l’Irlande ! La descente d’air froid est le facteur déclenchant, mais sa force ne semble pas déterminer l’intensité ni la localisation des pluies ultérieures
J’ai entendu évoquer la chaleur de la Méditerranée qui serait cette année particulièrement élevée ! La « grande bleue » est toujours très chaude à l’arrière-saison. Pour les 10 ans de 1989 à 1999, ses eaux de surface moyennes sur la partie occidentale atteignent 25° pour l’ensemble d’Août, 24° pour Septembre et 21° pour octobre. Or en ce début d’octobre ses eaux sont comprises entre 22° le long des côtes du Languedoc à la mer d’Alboran et 24° le long des côtes du Maghreb. Les 25° ne concernent que la Méditerranée orientale le long du sud de la Tunisie et de Libye. Au degré près, on se trouve dans une situation normale dans la première partie de l’Automne car les masses pluvieuses ont remonté chaque fois le long des côtes ibériques les plus fraîches actuellement. La grande bleue n’est dans ce type de situation qu’une réserve d’humidité illimitée pour recharger les masses nuageuses !
Le troisième élément correspond aux hautes pressions derrière les Alpes qui bloquent les pluies. Elles sont en place depuis la mi-septembre avec un chevauchement au sol de l’anticyclone d’Europe centrale et au-dessus en altitude les hautes pressions subtropicales remontant de Tunisie. Ceci les rend très stable et solide. Dans les trois grosses pluies du début de cet automne, cet aspect prend une localisation géographique identique, la limite de la masse anticyclonique se moulant sur l’arc alpin. C’est très net du 16 au 19 septembre, puis les 28 et 29 septembre et enfin le 7 octobre. Entre ces dates et après la dernière, les hautes pressions renforcent de plus en plus leur présence. Tant que cette barrière subsistera, les perturbations renforcées d’humidité sur la grande bleue stoppées dans leur progression remonteront, tant que la limite des hautes pressions sera stable sur le massif alpin, cette remontée se fera un peu plus à l’ouest selon un axe du Languedoc aux Cévennes et peut être au délà, avec un vent du sud préalable.
La différence entre les épisodes à répétition actuels sur le Languedoc et beaucoup d’enchainements calamiteux pluvieux méditerranéens, c’est que souvent le blocage par les hautes pressions change d’endroit, soit avec des phases de reculs successifs face à la progression de la même perturbation, soit avec des phases allers et retours du blocage à chaque perturbation.
Cette année, le blocage a été stable géographiquement, hélas pour le Languedoc !
Gérard Staron vous donne rendez-vous samedi sur Radio Espérance, bonne semaine