Chronique n°904
La France connait actuellement la fin de la vague hivernale commencée dans les derniers jours de novembre, pourtant notre pays n’est que l’appendice d’un continent européen qui s’est installé dans les frimas !
La neige occupe maintenant la plus grande partie du continent européen. A partir de la Scandinavie et de la Russie, l’ensemble enneigé occupe le continent jusqu’aux confins de l’Allemagne et des pays du Benelux avec une incursion du manteau blanc sur le Luxembourg et les collines glaciaires de la Drenthe et un retrait dans la Ruhr. Les chutes ont été importantes le 10 décembre sur l’Allemagne
La masse blanche a débordé à son maximum sur l’est de la France jusqu’aux Vosges et à la lorraine, aux plateaux du Massif central à partir de 500 m.
Plus au sud la neige s’est seulement abstenue de pénétrer sur le domaine méditerranéen. Elle longe le rebord du sud du massif central et des Alpes autant en France qu’en Italie. Elle domine les littoraux de la mer Adriatique et suit globalement les frontières de l’Albanie et de la Bulgarie avec la Grèce
Plus loin le manteau blanc atteint les côtes de la mer Noire de Burgas en Bulgarie à Odessa en Ukraine, pour s’en éloigner plus à l’est, non en raison de l’absence de froid, mais en manque d’approvisionnement par le ciel.
Sur les montagnes la couche monte inexorablement. Sur le Jura nous avions laissé le manteau à 45cm à la Chaux de fonds nous le retrouvons à 68 cm le 12 décembre. Sur les Alpes Suisses, nous l’avions abandonné à 44 cm à Disentis à 1200 m et à 1.91 m à Santis à 2500 m d’altitude, nous l’observons respectivement à 80 cm et 250 m le 12 décembre. Ces épaisseurs n’ont rien d’exceptionnel pour une mi-décembre, mais chaque journée a apporté sa couche depuis le début du mois.
L’Europe est aussi dominée par le froid jusqu’à l’Allemagne et à la Suisse. Les gelées qui affectaient les zones montagneuses se sont étendues aux plaines à partir du 4 décembre pour l’Allemagne et du 6 pour les journées sans dégel à l’exception des parties les plus occidentales du pays dans les secteurs rhénans et des littoraux de la mer du Nord. La plaine centrale suisse et les vallées alpines ont connu un retard pour l’arrivée des journées sans dégel par rapport au voisin germanique
Et la France n’est que la variable d’ajustement de l’hiver à l’extrémité du continent entre des côtes atlantiques et méditerranéennes presque jamais atteintes par les gelées et pas encore concernées par la neige et un nord-est et des Alpes placées sous le manteau blanc
Les journées sans dégel ont rarement débordé sur notre pays à l’exception du nord-est et des régions de montagne des Alpes des Pyrénées du Jura, des Vosges et du Massif central. Leur extension maximale, le mercredi 12 décembre, est arrivée jusqu’à une ligne des Ardennes au Morvan et aux Alpes englobant la Lorraine, les plaines de la Saône et l’Alsace et une excroissance sur le Massif central.
Ce sont, à peu de différences près, ces mêmes régions qui ont été recouvertes par un manteau neigeux depuis la semaine précédente. Les couches ont recouvert les reliefs, au-dessus de 500 mètres sur le Massif central et dans les zones de plaines , celles de la Saône intéressées par la chute du 8 décembre. Macon avait une vingtaine de centimètres pendant ce dernier week-end.
Par contre la géographie des gelées s’est accompagnée d’avancées et de retraits successifs.
Le 8 décembre, ces températures négatives matinales sont limitées à une grande moitié orientale au-delà d’une ligne du nord au Massif central et aux Alpes incluant aussi la vallée du Rhône
Le 9, cette zone progresse sur l’ensemble du pays sans atteindre les côtes atlantiques et méditerranéennes, le val de Loire angevin et nantais et une partie du Bassin aquitain
Le 10, le secteur des gelées se rétracte pour se limiter à l’est de la lorraine aux Alpes avec une extension au Massif central.
Le 11, il avance à nouveau jusqu’aux collines du Perche, à celles de Vendée, au Bordelais et au pays toulousain
Le 12, l’extension est maximale, seuls quelques petits secteurs côtiers atlantiques et méditerranéens échappent au thermomètre négatif.
Le 13 le recul des gelées commence à peine mais le redoux arrive dans les heures suivantes et le 14 il a balayé les températures minimales négatives de la plus grande partie du territoire national. La neige qu’il apporte dans les premières heures du redoux fond très vite.
Comment expliquer cette géographie climatique actuelle de l’Europe ?
Partout l’air qui arrive provient maintenant des hautes latitudes mais tout s’explique par son cheminement pour atteindre notre continent.
Sur l’est de l’Europe, cet air froid est arrivé de deux façons. D’abord par le biais de l’anticyclone russe, il s’est établi pendant le mois de novembre et revient régulièrement. Il est le résultat d’un air polaire qui s’est refroidi au contact de la masse continentale. Sur cette dernière les apports d’énergie solaire diurne sont inférieurs en cette saison aux déperditions par rayonnement lors des interminables nuits d’hiver, le tout aggravé par la réflexion sur le sol enneigé. L’air se continentalise et devient de plus en plus froid ;
Ensuite depuis les mois de décembre, les perturbations arrivées sur cette Europe centrale descendaient en provenance directe du nord par les mers du Nord ou Baltique. Ceci s’est produit les 7/8 et les 9/10 décembre. Le cheminement rapide depuis les régions arctiques n’a pu amener qu’un air froid avec des précipitations exclusivement neigeuses. Ces perturbations ont simplement mordu sur l’est de la France, celle du 7 /8 a pénétré chez nous jusqu’au Beaujolais avec plus de 20 cm sur le village de Saint Cyr le Chatoux, celle du 9/10 n’a quasiment pas concerné la France, limitant sa neige à l’Allemagne et à l’est des Alpes avec 46 cm de neige fraiche à Davos.
Cet air froid continentalisé ou en provenance directe de l’Arctique , entre en contact sur la France avec un autre air arctique qui vient du Labrador entre Terre neuve et le Groenland. Il est aussi froid que l’autre au départ mais Les dépressions et les perturbations qui le véhiculent effectuent un long trajet sur l’Atlantique avant de nous atteindre. La douceur de l’Océan, la traversée du Gulf Stream, le contact avec l’air plus chaud des basses latitudes qui s’insinuent dans ses fronts chauds, atténuent progressivement le froid qu’il véhicule. Par exemple un air qui part à -8° du Groenland peut arriver à +6 ou +8 à la pointe de l’Irlande ou de la Bretagne.
Si l’air froid continentalisé reste le maitre à l’intérieur du continent pour entretenir la neige et le gel dès l’est de notre pays, le reste de la France est concerné alternativement par les pulsions de l’un ou de l’autre. Quand les perturbations océaniques arrivent, le redoux progresse, sinon le froid occupe le territoire. Ceci explique la valse des températures de la douceur au froid et les précipitations qui en résultent avec une zone d’affrontement qui se situe souvent des Ardennes au Massif central.
Gérard Staron vous donne rendez-vous samedi prochain sur les ondes de Radio Espérance, bonne semaine.