Nous venons de connaître la première offensive à qualifier d’hivernale.
Elle s’est manifestée par le retour de la neige dimanche 17. Ce dernier ne s’est pas seulement effectué sur le massif alpin à des hautes altitudes, mais il est descendu à des niveaux bien plus bas. Des moyennes montagnes comme les Vosges ou l’est du Massif central ont été concernées.
Comme je l’ai déjà signalé, les flocons sont descendus à 800 mètres dans la matinée de Dimanche dans l’est du Massif central, le sol a blanchi à partir de 900 mètres avec une couche importante sur le Pilat. Le manteau a reculé ensuite, mais vendredi les sommets du Mézenc et de l’Alambre étaient encore blancs à 1500 mètres environ.
L’air froid qui s’est installé ensuite a provoqué des gelées sous abri sur des régions de plaine où elles peuvent surprendre en octobre.
Le lundi 18, ces températures négatives concernent une bande des régions en arrière des côtes océaniques qui s’étire de la Flandre belge au cœur des Landes. On y trouve un ensemble picard de Saint Quentin à Creil, avec -2,6° à Beauvais, une zone des plateaux de l’ouest du Bassin Parisien, de la Beauce au Poitou, et enfin quelques stations landaises de l’intérieur dont Mont de Marsan.
Le mardi 19, les gelées sous abri se déplacent vers l’est. Dans les zones basses de Bourgogne de Luxeuil à Nevers en passant par Dijon et dans des secteurs du Massif central avec Aurillac et Mende, mais pas encore le Puy !
Le 20 octobre, on constate un répit. Le gel ne concerne que quelques sommets ou bassins intramontagnards comme Embrun et même Soria en Espagne, mais la neige revient sur les massifs de l’est de la France en particulier les Alpes.
Le 21 octobre, les gelées matinales connaissent leur extension maximale. Il ne s’agit pas de quelques secteurs isolés, mais de l’ensemble de la France du nord à l’exception des littoraux de la Manche et de l’Atlantique et à l’est de l’Alsace de façon plus surprenante.
Au sud la Limite des gelées est classique, elle suit la limite occidentale du Massif central à l’exception du bas Limousin, la vallée du Tarn à l’intérieur et enfin la bordure orientale des Cévennes à la région Lyonnaise. Plus à l’est, il s’agit des Alpes autant en France qu’en Italie.
Certaines températures sont très basses comme les -5,6° de Romorantin, les -4,6° de Chartres ou les -4,1° de Beauvais. Ces stations du Bassin Parisien ont connu un gel bien plus sévère que de nombreuses zones de montagnes, comme le Mont Aigoual ou les sommets du Jura qui détiennent pourtant les records de froid du pays.
Naturellement, la cause de cette première offensive de l’hiver correspond à des descentes en provenance du nord.
La neige se produit à la fin du passage d’une perturbation de nord qui descend en provenance directe des régions arctiques par les mers de Norvège et du Nord. Le front froid se situe au niveau de Londres le vendredi à la mi journée. Il atteint un axe du Limousin à la Suisse le lendemain. Il passe en Méditerranée le dimanche où il provoque la fameuse dépression du golfe de Gènes.
L’air qui suit son passage est particulièrement froid, de l’ordre de 7° au niveau de la mer, mais surtout en altitude. Au niveau de la surface des 500 hpa vers 5500 mètres d’altitude, il part de -29 à -30° de Scandinavie, pour arriver à -25° au dessus de Payerne mais aussi de Marseille.
L’arrivée de cet air particulièrement froid en altitude combiné avec la fin du passage de la perturbation au petit matin du dimanche, au moment des températures les plus basses de la journée, a permis le passage de la pluie à la neige à ces altitudes moyennes.
Ensuite le rythme des gelées provient de deux facteurs, l’état du ciel et l’approvisionnement en air froid en provenance du pôle.
Quand le ciel reste couvert, il empêche une grande partie du rayonnement nocturne, soit la perte d’énergie du sol pendant la nuit, surtout à une époque de l’année où la terre peu refroidie garde quelques souvenirs thermiques de la saison chaude. Au contraire quand le ciel est dégagé, surtout quand l’atmosphère est froide, cette perte d’énergie est maximale.
Ainsi, la géographie des gelées de lundi et de mardi correspond à des zones de ciel clair pendant la nuit.
Lundi 18, il s’agit de la zone comprise entre les nuages maritimes qui débordent sur les littoraux et les nébulosités qui s’accrochent aux reliefs en liaison avec les derniers restes de la perturbation de la veille.
Mardi 19, la zone des gelées s’est déplacée vers l’est de la même façon que celle de ciel clair, en suivant la circulation de l’atmosphère entre la perturbation du dimanche qui s’est évacuée en laissant seulement des restes nuageux sur les reliefs et la suivante qui aborde la France par les côtes de la Manche.
L’approvisionnement en air froid en provenance des pôles explique aussi cette géographie.
La première pulsion froide est arrivée dimanche et c’est lundi que les gelées sont importantes, puis ces dernières diminuent car l’alimentation en air polaire se laisse édulcorer par le milieu plus tiède de la France
Après le passage de la perturbation de mercredi, arrive une seconde pulsion polaire avec des températures bien plus basses en altitude. L’air part de -39° en Scandinavie au niveau de la surface des 500 hpa pour arriver à -33° sur le nord de la France.
Les fortes gelées de jeudi matin résultent alors d’un double phénomène, cette nouvelle alimentation froide doublée d’un retour du ciel clair dans la nuit de mercredi à jeudi après le passage de la perturbation !
Ces neiges et ces gelées sont elles exceptionnelles pour une mi-octobre ?
Autant pour la neige que pour les basses températures, il ne semble pas que des records anciens soient tombés. Pour l’arrivée de la neige sur le Massif central, la fin septembre et le début octobre 1974 avaient fait plus précoce, pour les gelées dans le bassin Parisien, les mois d’octobre 1955 et 1956 avaient subi les températures bien plus basses.
Les stations qui s’approchent à quelques dixièmes de ces records de basses températures sont celles de Picardie, Beauvais et Saint Quentin ou de Haute Normandie avec Rouen.
Par contre, pour la neige comme pour les premières gelées, cette vague de mi-octobre correspond à une précocité de plusieurs semaines par rapport à un début d’hiver normal.
A titre d’exemples, pris dans ma thèse l’hiver dans le Massif central pour les dates médianes, soit une année sur deux :
- une première chute de neige arrive à Dunières le 9 novembre, 3 semaines d’avance en 2010
- une première neige au sol arrive à Tarentaise dans le Pilat le 10 novembre et à Fay sur Lignon au pied du Mézenc le 8 novembre, même écart
- une première gelée sous abri se produit le 7 novembre à Chartres , écart semblable.
Il s’agit d’un événement très précoce qui se produit moins d’une année sur 4 ! Naturellement ceci n’est valable que pour les neiges de moyenne altitude du Massif central et des Vosges, les Alpes avaient déjà été blanchies, et que pour les gelées du bassin Parisien, les zones de montagne du Massif central en ont déjà connu cette année.
Après un précédent hiver très froid, une année aux températures médiocres, l’hiver redémarre très tôt. Qui osera parler encore de réchauffement !
Par ailleurs dans mon ouvrage de 2003(1), je développais au long d’un chapitre entier un rapport entre les agitations révolutionnaires ou sociales, et la rigueur des hiver qui précèdent ou au moment de leur déclenchement. Les deux étant réalisés, qui osera encore critiquer ce lien au vu des événements radicaux de la semaine !
Gérard Staron vous donne rendez vous la semaine prochaine pour la 800 ème, le texte étant repris sur mon blog : gesta.over-blog.com. Bonne semaine….
(1) Gérard Staron " Le ciel tomberait-il sur nos têtes" 2003 Editions ALEAS Lyon chapitre 2 "Climat révolutionnaire"