Chronique N°812
Le froid sec d’origine continentale qui fait de la résistance chez nous depuis la seconde partie de janvier semble bien peu de chose à côté des calamités hivernales que subissent actuellement les Etats-Unis et des cyclones qui affectent l’Océanie dans des positions géographiques assez inhabituelles. Un premier, Wilma est venu lécher le nord des îles de Nouvelle Zélande dans la région d’Oakland et un autre Yasi s’est empalé dans le nord-est de l’Australie au niveau de la ville de Cairns, un peu au nord de la zone la plus affectée par les inondations des derniers mois, dans le même état du Queensland. Après avoir dévasté les côtes de la mer de Corail, il pénètre ensuite au cœur du continent australien où ayant perdu une partie de la vitesse de ses vents, il apporte des précipitations très inhabituelles sur une zone désertique.
Il est des semaines où plusieurs chroniques seraient nécessaires et nous concentrerons notre propos sur l’hiver des Etats-Unis qui illustre la dualité du froid et de la neige, signalée en fin de chronique la semaine dernière.
Si notre hiver est à base de froid sec sans neige, depuis les premiers jours de 2011, la côte atlantique du nord-est des Etats-Unis au nord de Washington ploie sous la neige.
Une tempête blanche est venue ajouter sa couche aux précédentes, le 26 et le 27 janvier, et a ajouté 48 cm à New York, 38 à Philadelphie et 25 cm à Boston . A New York les chutes de neige représentent 92 cm pour le mois de janvier 2010, battant le précédent record de 1925. Depuis le début de la saison, leur cumul représente 142,5 cm de neige fraîche, soit 72 cm de plus qu’un hiver normal. La saison en cours a concentré 2 des 10 plus violentes tempêtes nivales connues à New York et 3 pour Philadelphie.
Une fois de plus ce dernier abat neigeux est dû à la remontée de dépressions chaudes le long des côtes de l’Atlantique depuis la Floride. Elles viennent s’empaler dans l’anticyclone très froid qui occupe les provinces Atlantiques du Canada et le Québec
Cette nouvelle tempête de neige de fin janvier a constitué la première phase de l’offensive hivernale que subit l’Amérique du nord. La seconde des premiers jours de février, a été provoquée par la descente d’une langue d’air froid en provenance des régions arctiques. Elle s’est produite entre les hautes pressions centrées sur l’ouest du pays et le Pacifique et une dépression centrée au sud des grands lacs. La progression de cet air froid a été d’autant plus facile depuis la baie d’Hudson qu’elle s’est produite par le couloir des grandes plaines entre les montagnes des Appalaches et des Rocheuses.
A l’avant cet air froid est entré en contact avec l’air chaud tropical en provenance du golfe du Mexique , ce qui a provoqué de fortes précipitations pluvieuses puis neigeuses le long de la zone de contact qui s’est étirée du nord du Texas jusqu’aux nord-est du pays. L’univers impitoyable de Dallas n’a pas été amélioré par les chutes de neige et les épaisseurs ont dépassé 40 cm au sol de l’Oklahoma à la Mégalopolis en passant par Saint Louis et la vallée de l’Ohio. Il est possible que les chutes atteignent le golfe du Mexique au niveau de la Louisiane.
En arrière de cette zone enneigée, les températures étaient particulièrement basses le 3 février au matin selon un axe parralèle au nord de la zone la zone la plus enneigée avec -21° autant à Albuquerque qu’à Kansas City, -18° à Chicago. Les gelées ont atteint vers le sud la côte du Golfe du Mexique avec -3° à Brownsville près de l’Embouchure du Rio Grande et aussi à Atlanta.
Naturellement, vous avez pu observer les conséquences sur la circulation routière comme aérienne totalement paralysée. 400000 personnes ont aussi été privées d’électricité par la chute du 26 janvier dans la région de Washington.
Ces deux vagues hivernales correspondent à des types de temps classiques en Amérique du nord que l’on retrouve chaque année.
Les caractéristiques de la saison sont ici exagérées par rapport à la vieille Europe en raison des très grands contrastes facilités par le relief méridien comprenant un couloir central de plaines le long du Mississippi, bordé de montagnes Appalaches d’un côté, Rocheuses de l’autre avec une cote atlantique de même direction.
Le nord-est des Etats-Unis, les Provinces maritimes et le Québec sont les très rares climats continentaux capables de subir de très grosses chutes de neige ou de glaces comme à Montréal, il y a environ une dizaine d’années. Ce sont les seuls qui peuvent allier froid et neige intense avec de fortes tempêtes où le vent souffle parfois à près de 100km/H : le Blizzard ( 96 km/h le 27 janvier dans le Massachussets). Cette particularité est liée à la possibilité que l’air doux atlantique a de s’empaler dans l’air arctique du Labrador en remontant le long des côtes. Cette année la répétition de ces situations atmosphériques a exagéré les cumuls de neige déposés sur la Mégalopolis américaine
De même la gouttière centrale du pays avec les plaines du bassin du Mississippi permet la descente sans obstacles de l’air arctique en hiver jusqu’au golfe du Mexique au climat tropical et inversement en été pour la remontée de l’air chaud.
L’orientation très différente des principaux reliefs en Europe qui s’étirent d’ouest en Est des Pyrénées aux Alpes et aux Carpates a des effets totalement différents sur le climat. Ils constituent une barrière au franchissement difficile et ce n’est qu’au niveau du Massif central, aux altitudes plus basses, qu’il est moins difficile de communiquer entre le nord et le sud du continent.
Ces orientations très différentes des reliefs augmentent les contrastes thermiques méridiens sur la nouveau monde alors qu’elle les atténuent et les cloisonnent sur le vieux continent. La communication avec les masses d’eau chaudes dans le golfe du Mexique et dans l’Atlantique facilite les très fortes chutes de neige sur le nord-est du continent américain alors que la communication avec la Méditerranée est plus difficile en Europe en raison de la barrière des reliefs transversaux. L’air continental reste sec au nord des montagnes comme dans la vague de froid de fin janvier.
Par ailleurs en 2010-2011, on constate un décalage dans le temps dans le déclenchement de la saison entre les deux continents à une exception près , les fortes chutes de neige constatées pour Noël, autant sur la moitié nord de la France et l’Allemagne, que sur la Mégalopolis américaine (chronique antérieure).
L’Europe a connu un déclenchement très précoce de la saison dès novembre. Décembre a été la partie la plus froide et la plus neigeuse. La recrudescence de la fin janvier et des premiers jours de février n’a pas eu la même ampleur. Elle montre seulement la résistance du froid quand il s’est établi sur une région.
Au contraire, le déclenchement de la saison froide a été très tardif sur le continent américain. Les températures sont restées longtemps très modérées. La baie d’Hudson, en particulier sa partie orientale, a mis très longtemps à être prise par les glaces et cette opération n’a été terminée qu’au début du mois de janvier avec près d’un mois de retard.
Pour la neige, janvier a connu des chutes exceptionnelles dans le nord-est des Etats-Unis au point de battre les records alors que le mois a été très peu enneigé en Europe, sauf en Corse
Rares sont en effet les années où une concordance est visible de part et d’autres de l’Atlantique pendant une même saison.
La circulation générale de l’atmosphère est faite d’ondulations montantes et descendantes à la latitude de contact entre les airs chauds et froids. Quand il existe une branche descendante froide en provenance des pôles à un endroit déterminé, quelques milliers de kilomètres plus loin, on se trouve dans une branche montante chaude en provenance des basses latitudes. Le plus souvent ceci provoque des divergences de part et d’autres de l’Atlantique.
Gérard Staron vous donne rendez vous samedi prochain sur les ondes de Radio Espérance, et bonne semaine à tous.