Chronique N°906
Le petit coup de chaleur de Noel a réveillé climatiquement les médias ! Il s’est ajouté à une relative douceur pendant 48 heures.
Dans une France où quasiment partout le thermomètre dépasse déjà 10°, les températures maximales enflent la veille de Noël selon un axe des Pyrénées atlantiques à l’Alsace avec quatre ensembles régionaux qui dépassent 15° du sud-ouest au nord-est.
D’abord L’ensemble de l’Aquitaine du piémont des Pyrénées où sont enregistrés les maximums les plus élevés avec plus de 20° à Pau et Biarritz, jusqu’au Périgord.
Puis La retombée septentrionale du Massif central et du limousin avec plus de 18° autant à Clermont-Ferrand qu’à Guéret et une extension jusqu’au Berry. Il est à noter que les températures étaient nettement en retrait sur les dépressions de la Loire supérieure.
Le troisième plus surprenant correspond au sud de la Champagne avec 16.2° à Saint Dizier et enfin le quatrième et dernier ensemble concerne l’Alsace avec un maximum de 16.1° à Colmar.
Le lendemain les fortes températures supérieures à 15° correspondent à un espace géographique plus réduit et décalé vers l’est par rapport à la veille. Outre quelques stations éparses du littoral provençal habitué à de telles douceurs comme Cassis, le Luc. Il s’ajoute quelques secteurs de la vallée du Rhône comme Orange ou Carpentras, de la retombée septentrionale du Massif central comme Clermont Ferrand ou le col des Sauvages de façon plus surprenante. La zone qui concentre les températures les plus élevées de métropole se situe dans les sillons de la Porte de Bourgogne et de l’Alsace de Besançon à Strasbourg avec 17.1° à Colmar Ouest.
Je ne dispose pas de données complètes de températures de toutes ces stations. Pour la seule série 1951-1980, j’ai toujours trouvé au moins une température en décembre largement supérieure à celle mesurée la veille ou le jour de Noël 2012.
Par exemple les 16.3° de Strasbourg ont largement été dépassés par les 18.3° du 19 décembre 1965, les 18.1° de Clermont Ferrand sont devancés par les 19.6° du 4 décembre 1961, il en est de même des 22.8° de Biarritz par rapport au 23.1° du 31 décembre 1959. Je pourrais continuer la litanie, même les 15.2° de Tarare les Sauvages sont loin des 16.8° du 5 décembre 1979. Vous constaterez que j’ai choisi ma série dans des temps anciens où l’on ne causait pas encore de réchauffement de la planète, dans les années récentes d’autres valeurs ont complété la liste comme 1983 ! Les maximums absolus de décembre 2011 sont souvent à peine inférieurs aux valeurs de ce Noël par exemple 17.4° à Clermont Ferrand !
Le petit coup de chaleur de Noël 2012 n’est donc en aucun cas exceptionnel, mais il s’agit d’un événement intéressant qui mérite une analyse météorologique.
Depuis la fin de novembre, notre pays était placé dans des masses d’air en provenance des hautes latitudes qu’il s’agisse de celle froide qui nous avait apporté l’épisode hivernal du début du mois ou de celle réchauffée après un long trajet sur l’atlantique qui a apporté le redoux de la seconde partie du mois. Les anticyclones subtropicaux, celui des Açores en particulier, étaient sortis de l’horizon
Entre ces deux airs en provenance des hautes latitudes, le très froid de la Russie et le réchauffé de l’océan, l’air subtropical de l’anticyclone des Açores a réussi à s’infiltrer quelques heures au moment de Noel sur la France. Comment a-t-il réussi cette intrusion inopinée ?
En liaison avec une dépression centrée à l’ouest de l’Irlande, une perturbation arrive sur l’Atlantique le 23 et le 24 décembre. Son front chaud passe très vite sur la France du nord. Son front froid en arrière descend très bas en latitude sur l’Atlantique puisqu’on le retrouve jusqu’au large du Portugal. Entre le front chaud et le front froid d’une perturbation, il y a toujours une remontée d’air plus chaud en provenance du sud. C’est cette dernière d’origine méridionale qui va être exagérée sur la France au moment de Noël.
Cette remontée d’air chaud est déjà boostée par la configuration de la perturbation. Elle se situe à l’avant du front froid. Comme ce dernier est descendu très bas vers le sud , il draine un air d’autant plus méridional , en la circonstance du Maroc. Comme à l’avant le front chaud est parti loin vers le nord sur le Bénélux et l’Allemagne. Cet air peut ainsi remonter très haut vers le nord devant le front froid sur la France. Son orientation sud-ouest nord-est explique la géographie des 4 secteurs particulièrement doux le 24 décembre.
Deux éléments vont accentuer le flux de sud.
Un de nature météorologique, un petit anticyclone remonte sur les Alpes le 24 décembre, sa présence accentue le vent du sud en augmentant le gradient entre ces hautes pressions et la dépression au large de l’Irlande. Le vent de sud souffle entre 90 et 100 Km/h au Mont Aigoual, mais aussi à Lyon Bron dans la nuit de Noël ! L’air subtropical est donc propulsé très loin vers le nord !
L’autre élément est géographique. Quand l’air après avoir franchi les reliefs redescend sur les versants septentrionaux, débarrassé de son humidité, il se réchauffe très vite selon les lois de la physique avec un phénomène de foehn. Toutes les températures les plus élevées se sont produites lors de la descente de cet air sur un versant nord : sur le piémont pyrénéen après avoir franchi la chaine du même nom, sur la retombée du plateau de Millevaches et du Sancy, au nord du Morvan en Champagne, sur le versant sous le vent des Vosges et du Jura en Alsace. Cette situation est courante par flux de sud susceptible de provoquer des coups de chaleur sur ces régions, mais le phénomène ne se produit pas forcément pour Noël !
Dans ce cas on entend toujours la même réflexion, « Noel aux balcon, Pâques aux Tisons », le dicton a la vie dure mais sa véracité scientifique est aléatoire. Je vous renvoie à l’une de mes premières chroniques N° 14 du 30 décembre 1994 Chronique ancienne mais actuelle: Noël au balcon Pâques aux tisons . Vous constaterez au passage que le Noel 1983 avait été bien plus chaud que celui de 2012 avec des températures supérieures à 20° à Saint Etienne. Sur une étude de 20 ans de 1974 à 1994, la corrélation est loin d’être claire entre les Noëls agréables les plus doux et les fêtes pascales les plus froides ou au temps déplorable. Sur les 4 noëls les plus doux de la série étudiée 1978, 1983, 1985 et 1988, 3 avaient connu des températures pascales supérieures à 20°. De même, en sens inverse il est difficile d’effectuer un lien entre les fêtes de la nativité les plus froides et celles de Pâques les plus agréables. Par exemple en 1979, les deux avaient été très froids. Il n’est vraiment pas sûr que les dernières années aient modifié la tendance.
Enfin alors que tous les médias ont glosé sur la chaleur de Noël 2012, un fait bien plus important continue d’être totalement ignoré. Près d’une moitié des rivières océanique de la France du nord est en crue avec la succession des perturbations qui déposent leur pluie depuis plus d’un mois. Pour citer les plus importantes, L’orne, la Liane, la Mayenne, la Marne, la Seine, La Meuse, la Vienne et la dernière la Canche montent les unes après les autres et j’aurais pu citer bien d’autres cours d’eaux. La Saône a franchement débordé dans son val, son maximum se déplace actuellement en Saône et Loire, elle commence à transmettre sa crue au Rhône. Les débordements sont encore modérées, mais l’ampleur géographique des bassins affectés commence à rendre le phénomène très important. Pourquoi ce silence ? Serait-ce parce qu’il faut maintenir le mythe de la sécheresse ?
Gérard Staron vous donne rendez-vous samedi prochain sur les ondes de radio Espérance, bonne semaine et par avance surtout bonne année 2013 !