Chronique N°909
(Passée sur radio espérance le 19 janvier, traitant des événements des 16 et 17 janvier, les événements multiples du week-end ont provoqué le retard de sa programmation sur le blog ....les passages en italiques correspondent à une actualisation...)
L’hiver est revenu pour la mi janvier
Il nous a gratifiés d’un contraste nord-sud tout à fait saisissant comme pour justifier le film bienvenu chez les chtis
Ce n’est certes pas les -20, -30, -40 de la tirade de Michel Galabru mais les -12.3° de jeudi matin ont fait de Lille la métropole française la plus froide . Y compris Saint Quentin, des températures minimales plus basses n’ont été observées que dans certains secteurs du Jura ou du Massif central. La grande ville du nord s’inscrit dans une langue de la frontière belge jusqu’aux portes de l’agglomération parisienne où les températures ont dépassé le seuil du grand froid avec -10° dans les plaines de Flandre ou de Picardie. Ces très basses températures étaient arrivées la veille, mercredi sur l’axe des collines de l’Artois entre les hauteurs du Boulonnais et celles de la Thiérache où il faisait déjà -13.5° à Sant Quentin. Vendredi, l’intensité du froid diminue.
Dans un pays où les gelées recouvrent presque la totalité du territoire à l’exception de quelques littoraux, le grand froid de jeudi ne concerne par ailleurs que des zones d’altitude sur les Vosges avec -12.2° à Luxeuil, sur le Jura avec -14.7° à la Dole, le Massif central avec -15.2° à Aurillac et naturellement les Alpes où il a été mesuré -27.5 à la Jungfrauch en Suisse à 3580 m d’altitude
En même temps, ce froid est accompagné par la progression du manteau nival qui a recouvert l’ensemble du continent européen jusqu’aux zones montagneuses de l’est de la France, et aussi le nord du Bassin parisien en particulier le secteur entre Seine et Flandre où nous avons constaté le grand froid en plaine.
A l’opposé le versant septentrional des Pyrénées et de la Chaine cantabrique a reçu des précipitations exceptionnelles entre le 12 et le 16 janvier. Le maximum a été enregistré à proximité de la frontière franco espagnole avec 190 mm en 5 jours à Saint Sébastien et 159.8 mm à la Pointe de Socoa en France. Les totaux baissent vers l’ouest dans les Asturies avec 142 mm à Bilbao et moins au délà en direction de la Galice. La baisse est encore plus rapide du côté Français avec 126 mm à Biarritz, et entre 60 et 80 mm en suivant le pied des Pyrénées centrales entre Pau et Saint Girons. Seul le versant septentrional a reçu les fortes précipitations, les cumuls s’effondrent sur le versant Navarrais ou castillan. Il en est de même dans le Bassin Aquitain en France, les précipitations sont divisées par deux entre le pied de la montagne et la plaine des Landes.
En dépit de ces énormes précipitations, les crues des rivières descendant des Pyrénées ont été relativement faible à l’exception de celle de la Nive qui atteint 4m à Cambo dans la zone la plus arrosée soit presque aussi haut que les crues récentes les plus élevées en février 2003 et mars 2006. L’Adour, les gaves ont monté de l’ordre de 1 mètres, dans des proportions bien moindre qu’elles ne l’ont fait à l’automne en octobre dernier, pourtant les précipitations ont été bien plus fortes du 12 au 16 janvier. Dès les altitudes moyennes, les précipitations sont passées à la neige ce qui a limité l’écoulement vers les rivières et réduit d’autant l’ampleur de la crue. Par contre l’accumulation neigeuse a été très importante au point de multiplier les coulées de neige et les avalanches. La fusion de cette neige cumulée à de nouvelles fortes pluies ce week-end (19-20/01) font repartir actuellement les crues de rivières de Gascogne (Baise Gers) .
Cette concentration du froid sur le nord et des précipitations sur l’extrème sud-ouest sur le flanc des Pyrénées est le résultat de la confrontation entre les perturbations en provenance de l’Atlantique nord et un anticyclone continental russe.
Le 12 janvier passe la dernière perturbation venant de l’Atlantique nord qui peut continuer en direction de l’Europe centrale selon une trajectoire globalement nord-ouest sud-est.
Cette trajectoire va basculer selon une orientation nettement sud-nord. La progression de l’anticyclone en provenance du nord de la Russie avance en suivant la plaine d’Allemagne du nord. Le 14 il atteint le Rhin, puis le 16 il pousse son avantage jusqu’à la région parisienne. Cet air en provenance de la Russie a une origine très froide. La première région de plaine affectée en France correspond au nord du Bassin parisien entre la Belgique et la Seine. Même après le redoux du week-end, le froid résiste encore sur ces régions.
La progression de cet anticyclone a dévié les perturbations atlantiques. Ces dernières ne peuvent plus progresser selon leur trajectoire de la Manche au Golfe de Gènes, elles doivent contourner l’anticyclone, et elles prennent une orientation de plein nord qui les envois de plein fouet contre la Chaine Pyrénéo cantabrique au niveau du Pays basque. Les précipitations qui les accompagnent sont donc bloquées contre la masse montagneuse et le versant nord reçoit des cumuls importants. Cette situation a duré 4 jours à partir du 12 janvier.
Cette vague hivernale pose deux questions. Que penser de son intensité ?
Les températures minimales ne paraissent celles d’un hiver remarquable que dans l’extrême nord de la France. Saint Quentin a connu deux jours de grands froid consécutifs or c’est dejà la moyenne atteinte par un hiver entier lors de la série de 1951-1980. Les -13.5° du 15 janvier sont assez loin du record de -15.8° du 1er janvier 1979, températures la plus basse atteinte en janvier ou les -18.6° du 14 février 1956 pour l’hiver entier lors de la Série 1951-1980 . A Lille les -12.3° du 16 janvier sont encore plus loin du record du minimum absolu de -17° du 1er janvier 1971 pour le mois ou du -17.8° du 21 février 1956 pour le record absolu de l’hiver entier pour la série 1951-1980. Ne vous étonnez pas que les dates ne soient pas les mêmes pour les deux stations ou pour le jour du mois. Les records pour un jour déterminé ont beaucoup moins de signification que ceux pour un mois ou l’hiver entier car chaque année les phases les plus extrèmes ne se situent pas les mêmes jours du mois ou au même moment de l’hiver, ou à la même station. La comparaison de l’intensité des diverses vagues de froid ne peut se faire valablement qu’à l’échelle du mois ou de l’hiver entier.
Les précipitations du pays basque sont beaucoup plus exceptionnelles, mais leur répartition sur 5 jours rend difficile les comparaisons puisque ces dernières s’effectuent à l’échelle du jour ou du mois. Pendant la première quinzaine de janvier, il est tombé à Biarritz 144.1 mm, plus que la moyenne de la totalité du mois de 134.4 mm.
Cette saison hivernale connait-elle un déroulement exceptionnel avec une première vague de froid et de neige de fin novembre à la mi-décembre, une période de douceur au moment des fêtes et une vague hivernale à la mi-janvier ? Les probabilités de déroulement de la saison que j’avais établi pour ma thèse « l’hiver dans le Massif central » montrent qu’après un début de saison très variable selon l’année, il existe souvent une période de répit pour les fêtes avant un premier maximum de la saison hivernale. Le 16 janvier présente une première probabilité maximale d’enneigement dans la saison dans les zones de basse altitude. Une vague de froid et de neige à la mi-janvier est parfaitement à sa place dans la saison, mais sa répartition géographique concentrant la neige sur les Pyrénées et le froid sur l’extrème nord du Pays de la Picardie à la Flandre est originale. En temps ordinaire , le Jura est la région la plus froide de France et les alpes le massif le plus enneigé et le plus sensible aux avalanches. Les anomalies géographiques sont légions en France en ce moment Anomalie neigeuse ! (20/01/2013) .
Gérard Staron vous donne rendez-vous samedi prochain sur Radio Espérance , bonne semaine…