Chronique N°953
Les tribulations de ce début d’hiver forment encore l’actualité de la semaine!
Après la neige, le froid a pris le relais. Les températures maximales ont peu évolué, les journées sans dégel sont restées cantonnées dans les massifs montagneux, en particulier dans le Jura et le Massif central sur les sols enneigés et dans le reste du pays, les maximums sont à peine positifs à l’exception des secteurs littoraux les plus influencés par l’air océanique de la pointe de la Bretagne et de la Côte d’Azur.
Les gelées matinales ont progressé à partir du début de la semaine et se sont étendues à partir des régions de montagne à l’ensemble du pays. En plaine, le lundi 25 elles ne concernent que l’Alsace Lorraine et la Franche Comté avec -2.3° à Strasbourg. Mardi 26, elles s’étendent à une diagonale du bassin aquitain aux frontières du nord-est. D’un côté, elles débordent sur la champagne et de l’autre les plaines des vallées du Rhône et de la Saône échappent de peu à la gelée. Au sud elles débordent en Espagne sur une partie du bassin de l’Ebre. Le mercredi 27, la géographie des températures négatives matinales change peu, les progressions sur le Limousin et dans les plaines du Rhône et de la Saône sont compensées par un léger recul sur la Champagne. Le jeudi 28 est la journée la plus froide de la semaine et seuls les littoraux de l’ouest de la Vendée au Pas-de-Calais échappent au gel. Même ceux de la Méditerranée sont partiellement atteints.
L’intensité des gelées est aussi progressive. Par exemple au Puy-en-Velay, la température minimale est de 0° le 25, de -4.8° le 26, de -7° le 27 et enfin de -11.9° le 28. Si le franchissement du seuil de la forte gelée -5° fin novembre correspond à une date normale, la médiane se situant le 22 novembre, les jours de grand froid, -10° ou en dessous, sont très rares pendant l’hiver, moins de 10 en moyenne pour l’ensemble de la saison au Puy et encore plus en novembre. La même progression de l’intensité des gelées au cours de la semaine de lundi à jeudi est sensible sur l’ensemble du territoire. Jeudi 28 novembre elles descendent en dessous de -5°, outre dans les régions d’altitude, dans de nombreuses plaines du Bassin aquitain avec -5.4° à Agen ou des dépressions du Massif central avec -7.8° à Clermont-Ferrand ou celles du Rhône avec -7.2° à Ambérieu.
Le développement du froid après la neige est un classique du genre surtout après une grosse chute méditerranéenne. Par exemple, le record de l’épaisseur de neige à Saint Etienne du 2 janvier 1971 de 54 cm est suivi deux jours après le 4 janvier 1971 de la température minimale la plus basse connue à Bouthéon de -24.6°. De même, les journées qui suivent les grosses chutes de décembre 1978 ou décembre 1990 sont très froides.
Cette succession est d’abord logique en raison de l’évolution des types de temps de la situation météorologique. L’air froid s’installe toujours après la chute car dans la bataille qui l’oppose à l’air méditerranéen précédent, il gagne toujours et le chasse.
Ceci se passe encore cette fois par le biais de l’anticyclone centré sur L’Irlande, non seulement il repousse l’air méditerranéen de la dépression du golfe de Gènes qui n’est plus capable de revenir sur la France, mais en plus il continue d’alimenter la région en air froid par le flux de nord qui descend en ligne directe des hautes latitudes sur le flanc oriental des hautes pressions.
A cette alimentation froide s’ajoute deux circonstances aggravantes.
La première correspond à l’état du ciel. Tant que ce dernier reste couvert en liaison avec le maintien des nuages résiduels des chutes antérieures, ces derniers empêchent la baisse des températures nocturnes. Il faut attendre le retour d’un ciel clair pour que l’origine froide de l’air combinée avec le vent du nord et la déperdition d’énergie par rayonnement nocturne permette la baisse régulière des températures nocturnes.
Dans les zones enneigées, la couleur blanche du sol accentue la déperdition d’énergie par rayonnement pendant la nuit et empêche l’efficacité des rayons du soleil en les réfléchissant pendant la journée, ce qui accentue encore la baisse des températures.
Seule particularité, l’air froid a mis plus de temps à s’imposer à la fin novembre qu’il ne le fait au cœur de l’hiver. Les gelées ont mis 5 jours de dimanche à jeudi pour s’imposer et s’intensifier sur l’ensemble du pays.
La deuxième actualité de la semaine correspond à la chute de neige du littoral méditerranéen de mercredi dans les secteurs de la Camargue et du Languedoc. Qui n’a pas vu l’image des murailles d’Aigues Mortes blanches.
Cet épisode peut être comparé à un débarquement stoppé sur les plages. L‘air méditerranéen de la dépression italienne tente d’arriver. Au niveau de la Camargue, il entre en contact avec l’air froid qui descend de la vallée du Rhône accéléré sous la forme du mistral. Ce dernier transforme en neige l’air méditerranéen et stoppe immédiatement sa progression.
Cette neige sur les plages de la Grande Bleue est un phénomène courant quand la froidure occupe le continent. Ceci se produit chaque fois que l’air sibérien envahit l’Europe comme en février 1956 ou février 2012. Cette particularité se produit le plus souvent au cœur de l’hiver, jamais à ma connaissance en novembre et avec un anticyclone différent sur le continent, le plus souvent continental avec un air froid et sec, rarement avec des hautes pressions irlandaises et un air polaire arctique.
Enfin la dernière question qui hante les esprits actuellement à la suite d’une prophétie dont je ne connais l’origine : « Allons-nous connaitre l’hiver le plus rude du siècle ? » je n’arrête pas d’être interrogé sur le sujet alors autant l’évoquer !
L’hiver est par nature une saison particulièrement capricieuse dont il est difficile de tirer des conséquences avec seulement ses exploits du début. Ce début tonitruant ne permet de ne donner aucune indication sur la suite. Il en est comme 1974-75 qui ont débuté dès octobre et qui ont connu une suite particulièrement douce. D’autres comme 1955-1956 ou 2011-2012 ont commencé par une grande douceur puis février a tout glacé Bien plus que toutes les autres saisons, l’hiver est certainement celle qui présente la moindre continuité dans son déroulement. Dans ma thèse « L’hiver dans le Massif central », je n’avais pu observer aucune règle dans ce domaine en particulier au début jusqu’aux fêtes de fin d’année où l’installation du froid et de la neige est entièrement aléatoire. Après la situation est un peu différente. Donc à la date d’aujourd’hui, aucun climatologue sérieux ne peut annoncer ce que sera la suite de la saison.
Il y a cependant un point qui mérite attention. Les chutes de neige ont installé la semaine dernière des couches importantes sur des régions où l’épaisseur de neige est souvent déficiente et où le manteau disparait souvent très vite. Cette masse neigeuse est un excellent réfrigérateur installée par la nature. Par sa couleur blanche, elle facilite le rayonnement nocturne et réfléchit les rayons du soleil. Par son inertie, elle a toutes les chances de permettre la pérennité du manteau tout au long de la saison sur des massifs ou habituellement ce dernier est marqué par des allers et venues comme sur le Massif central. Cette installation précoce à la mi-novembre, va contribuer tant que ce manteau durera à baisser les températures sur les régions concernée. Par exemple les stéphanois peuvent observer combien 31 cm à l’origine peuvent résister pendant plus de 10 jours. c’est le seul élément qui peut être invoqué pour corser la dureté de l’hiver et encore il ne peut être invoqué que sur les régions enneigées ou proches de ces dernières !
Gérard Staron donne rendez-vous samedi prochain sur Radio Espérance. Bonne semaine !