Chronique N° 946
Une semaine où j’avais peu de sujet pour alimenter cette chronique, j’ai reçu d’une collègue de ma première vie de professeur un conte météorologique qui montre à quel point il peut y avoir un problème entre la météorologie et les français.
Il s’agit d’un roi qui voulant aller pêcher demande à son météorologue s’il va pleuvoir et il prévoit que non. Le roi croise un paysan avec un âne qui lui donne l’avis inverse et il se met alors à pleuvoir.
Le roi congédie le météorologue « grassement payé » parait-il, il veut engager le paysan qui refuse en déclarant qu’il n’y connait rien et qu’il pleut quand son âne baisse la tête. Le roi engage l’âne et le conte conclut que depuis « on recrute en France des ânes pour conseiller les mieux payés et que l’on a créé pour cela l’ENA, école nationale des Anes »
Le personnage du Météorologiste m’a rappelé de façon désolante une époque où l’on nous associait aux astrologues de louis XI, aux sorciers, ou à un certain Albert Simon et sa grenouille qui effectuaient des prévisions à plusieurs mois à une époque où scientifiquement il n’était pas sérieux d’élucider le temps à plus de 24, puis 48 et bien plus tard 72 heures.
Ce météorologue est décrit comme un fossile d’une autre époque où la météo se trompait toujours et où il était de bon ton de se moquer dans les milieux de l’élite professorale de ces « diafoirus ». J’ai connu jeune, un collègue qui m’abreuvait de ses sarcasmes alors que je me piquais déjà de météorologie et qui pourtant est mort d’avoir sous-estimé les effets d’une perturbation de nord en montagne dans les Alpes à 3000 m d’altitude! Le retour de la neige, du gel et du brouillard même en plein été! Les vieux clichés ont la vie dure. Une telle vision déformée de la météorologie était déjà déconnectée de la réalité, il y a 40 ans, mais encore plus aujourd’hui !
Le paysan incarne ce que les scientifiques nomment pudiquement les savoirs populaires celui des dictons, des liens entre le comportement des animaux, ici un âne, ou même nos rhumatismes et les changements de temps ! Il y a toujours eu une opposition marquée entre la météorologie des scientifiques et celle de ces signes auxquels on tente de donner un sens. Il ne fallait pas parler à la Météorologie nationale de l’époque, ou Météo France d’aujourd’hui, des dictons des quatre temps et autre. J’ai souvent analysé la question. Dans ces croyances populaires, on remarque parfois un fond d’observation mais il est tellement dévié de sa signification d’origine qu’il est facile de mettre en cause sa valeur. Par exemple, j’ai souvent constaté des changements de situation atmosphérique au moment des quatre temps d’automne, même cette année, parfois le début de la saison des grosses pluies cévenoles, mais de là à aller déduire que les trois jours en questions seront significatifs du temps des trois mois qui suivent, l’exagération est manifeste ! De même, l’analyse statistique valide globalement l’existence de « l’été de la Saint Martin » environ 2 année sur 3, mais rend très discutable le dicton « Noel aux balcons, Pâques aux Tisons » et beaucoup d’autres. Nous pourrions continuer !
Dire que l’on va remplacer le météorologue par l’âne est facile mais le contresens du conte est manifeste quand il s’en prend aux conseillers des mieux payés et à l’ENA.
J’ai d’ailleurs répondu à ma collègue que la cible est mauvaise. J’aurais compris que la critique s’adresse à Météo France , à l’école de la météorologie de Toulouse, à la société météorologique de France devenue Météo et Climat, à l’OMM (organisation météorologique mondiale) et même au président de l’association des météorologistes d’entre Rhône et Loire, votre serviteur, qui vient de sortir son bulletin N° 93 avec les articles et surtout les données d’un réseau de 40 stations sur les deux départements, mais à L’ENA ou dans les hautes sphères de l’état, on ne fait pas de météorologie chez ces gens-là, ce serait dégradant, on s’en plaint seulement, on veut seulement la sanctionner quand la neige ou le verglas déclenche la pagaille sur Paris . Très peu de grandes écoles en France, consentent à placer dans leur cursus un peu de météorologie quand on exclut celles liées à l’aviation, à la marine et parfois l’agriculture. On ne fait pas de météo à Polytechnique, ni à Centrale, ni aux Mines etc. Dans les services de l’état où l’on pourrait faire de la météorologie, il y a toujours une séparation préjudiciable avec ce qui reste du ressort de Météo France. Vous connaissez des ministres, politiques ou PDG de grandes entreprises ou leurs conseillers qui sont issues des milieux météorologiques en France. C’est possible ailleurs mais pas chez nous ! Citez-moi un météorologue ayant réussi une carrière politique ? Certains ont tenté même à Saint Etienne et ils ont fait 5% des voix.
Le problème est qu’il y a une différence totale de conception entre la météorologie et ses milieux dirigeants. Le conseiller de cabinet, le ministre, le parlementaire, le politique assène ses vérités avec toute la suprématie de sa fonction, alors que le météorologue sait que le temps lui réserve des surprises et le ciel relativise son propos. La prévision du temps enseigne avant tout la modestie par rapport à l’événement alors que toutes ces élites vous dominent de leur conviction. Le météorologiste qui n’a pas des doutes sur une situation atmosphérique n’est pas un vrai professionnel, même quand vous avez compris la situation, il y a souvent le petit problème de dosage qui donne l’impression de l’erreur
Lors de ce précédent week-end, une grosse pluie méditerranéenne arrivait, aujourd’hui on les identifie bien, mais aucun météorologiste ne pouvait prévoir qu’il tomberait 88 mm à Sète, un total pourtant modeste pour une précipitation de ce type et qu’elle se transformerait en inondation urbaine avec les particularités du site de la ville et sa pente !
De lundi à mercredi, un flux de nord-est terminait sa course sur le centre-est de la France. Cette situation apporte beaucoup de nuages et parfois des petites précipitations qui se terminent souvent sur le Pilat, il a suffit d’un léger décalage qui amène une couche de stratus tenace pour changer totalement l’impression donnée par le temps devenu frais avec l’absence totale de soleil sous le couvercle de grisaille.
Cette confrontation avec toutes les nuances du ciel inculque au météorologue une modestie une prudence qui est incompatible avec le récital d’égo que l’on trouve autour des personnalités politiques ou de leurs conseillers des hautes sphères de l’état !
Ce conte montre seulement qu’il y a un divorce entre les élites intellectuelles et la météorologie. Le ciel échappe encore en grande partie par ses phénomènes, par ses évolutions à la connaissance et au contrôle de l’homme. Ce dernier a découvert de grande chose dans les sciences et tous les domaines, il se laisse griser par son pouvoir infini sur l’univers, or il reste un domaine qui échappe totalement à son pouvoir dans lequel il est incapable de voir au-delà de quelques jours, du bout de son nez : le temps météorologique.
Si nos élites ont adhéré massivement aux discours tenu sur les dangers à venir du réchauffement de la planète. C’est d’abord parce qu’il est plus facile dans un milieu subjugué par l’apocalypse de prévoir des catastrophes climatiques que le beau temps, mais ensuite c’est retrouver l’illusion d’une domination sur la planète même si ce serait pour la détruire. Un moyen d’établir son pouvoir sur le temps à l’échelle du siècle , quand il ne peut pas le faire à quelques jours, en plus c’est sans risque car personne ne pourra vérifier.
Ce conte utilise le météorologue par facilité, le comparer avec un âne ne pouvait que provoquer un accueil amusé pour des cibles sans risques.
J’attends donc mon bonnet d’âne !
Gérard Staron vous retrouvera samedi prochain sur radio Espérance , bonne semaine…..