Avoir le « babo ou babau » en langue de Saint Etienne, le parler gaga, correspond à un état de déprime où « on va mal », où « tout va mal », où l’on se laisse « entrainer par ses vieux démons ». Au-delà du jeu de mots, ceci continue de désigner l’état de ce pays.
Le mot démocratie a été utilisé pour les événements du début avril. On peut le comprendre dans le sens de l’application « comptable » des résultats électoraux de novembre dernier. En réalité dans un pays constitué par une bande méridienne, il s’agit d’un basculement entre le nord et le sud avec une forte implication climatique.
Le nord, zone de la Savane au climat tropical à saison sèche qui s’inscrit dans le sahel de religion musulmane, à l’économie agricole vivrière en très forte crise, menacée de sécheresse et à la société tribale pauvre vient de prendre le pouvoir politique au dépens du sud , le pays de la forêt au climat équatorial humide avec deux saisons pluvieuses, converti au christianisme et possédant les atouts économiques de l’agriculture de plantation café , cacao, fruits tropicaux, les ports et les villes.
Comment s’est effectué ce basculement du nord contre le sud !
La densité de population du nord était initialement plus forte que celle du sud mais ce dernier disposait d’un territoire infiniment plus vaste. L’équilibre a été modifié par une immigration importante attisée par l’essor du sud mais aussi par une particularité qui voulait que la propriété de la terre appartient à celui qui la cultive. Cet appel de population en provenance du nord pauvre du pays mais aussi de ses voisins qui ne connaissaient pas son essor dans les années 70 et 80, a contribué à modifier la population aux dépens des tribus ivoiriennes d’origine des régions concernées.
Cette prise du pouvoir du nord qui prend la suite de sa longue rébellion pose moult questions :
1) En plus de la domination politique, le nord voudra-il imposer le pouvoir religieux musulman du nord aux chrétiens du sud ?
La leçon des pays voisins qui possèdent les mêmes bandes de climat et de religion, la symbolique du 11 ème jour du mois, semblent des signes inquiétants
2) Le nord voudra-t-il s’emparer aussi de la richesse économique du sud ?
Cette question pose le sort réservé à deux minorités qui ont joué un rôle important dans l’essor antérieur à la période de troubles : les libanais chrétiens venus lors de la guerre civile de leur pays qui ont un rôle important dans le négoce du cacao, première ressource du pays, les européens en particulier Français qui gardent un poids dans les rouages économiques des villes du sud.
3) La démocratie contient l’idée d’alternance et de respect des vaincus d’hier, pour permettre leur retour éventuel à l’élection suivante. Ce basculement est-il un aller simple ? Quand on commence à juger ses prédécesseurs alors que les deux camps semblent avoir de même façon les mains tachées de sang, ce n’est pas un bon signe de maintien de démocratie dans le futur.
Les propos de réconciliation et de droits de l’homme seront-ils des paroles ou des actes ?
Le point de vue du gouvernement français ou des élites « bobos » parisiennes est-il le même que celui de nos concitoyens confrontés sur le terrain au problème ?
La Cote d’ivoire a donc toutes les chances de conserver le « babo ou babau » en parler « gaga »
Gérard Staron