Chronique N°991
Nous avons connu en 2014 une année à fruits, les jardiniers ont vu les arbres ployer sous leur abondance, le printemps doux et sec, indemne de gelées tardives a été l’un des responsable de cette situation, mais à la fin de cet été frais et très pluvieux, une autre question apparait, dans quelle mesure ces conditions estivales médiocres et même parfois franchement pourries peuvent-elles dégrader la qualité du prochain millésime du vin ?
Lors des deux années précédente, la grêle avait frappé et affecté la quantité de la récolte, cette année, cette calamité a été plus discrète avec des problèmes localisés sur les vignobles du Bordelais, région de Saint-Emilion, et en Bourgogne sur les côtes de Beaune, mais traditionnellement les mois de l’été sont ceux où le raisin accumule les sucres et substances qui feront ultérieurement la qualité du vin, sa teneur en alcool mais aussi à contrario en eau dont dépend en grande partie le rendement, grand ennemi de la qualité quand il est élevé. C’est aussi la période où des maladies comme le mildiou sont susceptibles d’affecter la plantation. Dans quelle mesure la forte pluviométrie et les températures médiocres depuis juillet peuvent-elles affecter la vendange 2014 ? Dans le passé, il y avait eu quelques précédents fâcheux, en 1963, 1965 et 1968 en raison du froid et de la pluie. Le millésime 1977, avait aussi été sauvé d’extrême justesse après un été pourri en raison d’un début de septembre sec.
Il y a quelques années, j’avais eu la curiosité de confronter au moyen d’une corrélation mathématique simple, la cotation de 0 à 20 du guide Hachette des vins pour les principaux vignobles français avec un certain nombre de critères climatiques de l’été. Mes calculs avaient porté sur la période 1964 – 2002 où je possédais à la fois cette notation et les données de la station synoptique la plus proche qui semblait représentative du vignoble. J’avais choisi Bordeaux pour le Bordelais et Dijon pour la Bourgogne, certains pourront objecter que Mérignac pour la première et Longvic pour la seconde ne sont pas au cœur du vignoble mais si proches. Au niveau des critères climatiques j’avais choisi les cumuls de précipitations, les températures maximales et moyennes mensuelles et la durée de l’insolation avec chaque fois 3 possibilités , septembre seul car il s’agit du mois des vendanges, le cumul ou la moyenne selon le critère sur deux mois Août et septembre et sur trois Juillet août et septembre pour connaitre l’impact sur la récolte de la période antérieure et quand commence à se mettre en place la maturation qui déterminera La qualité.
A l’époque j’avais limité mes investigations aux deux principaux vignobles français du Bordelais et de la Bourgogne et ils ne sont pas sensibles aux mêmes critères climatiques.
En Bourgogne, la qualité du millésime est très dépendante de la pluviométrie. Naturellement, il s’agit d’une corrélation négative, chaque fois que les précipitations sont importantes, la notation du millésime est basse et inversement. Le coefficient de corrélation est excellent pour ce type de comparaison et dépasse 0.7 pour l’ensemble des calculs et même 0.75 pour la pluviométrie du mois de septembre alors que le maximum mathématique possible pour deux séries est de 1. La corrélation la meilleure entre les très fortes pluies et la mauvaise qualité ultérieure du vin correspond à la situation de septembre, elle concerne autant les vins rouges que les blancs, mais si le coefficient baisse un peu pour les cumuls de pluies du bimestre août septembre ou du trimestre juillet septembre , il reste très important pour les vins rouges et il baisse un peu plus pour les blancs.
La pluie de septembre et dans une moindre mesure de l’été depuis Juillet est le grand ennemi de la qualité des vins de Bourgogne, or c’est justement le problème potentiel de 2014 puisque le cumul provisoire de juillet et de Août, ce dernier mois étant incomplet atteint déjà 180 mm or dans la série de l’étude faite à l’époque, seul 1977, été pourri fort connu, présente un total supérieur de ce bimestre. La venue d’une période sèche dans les jours à venir et jusqu’à la vendange sera donc décisive pour assurer sa qualité
Les vins de Bourgogne semblent moins sensibles aux critères thermiques pour lesquels les coefficients de corrélation sont assez médiocres. Seuls sont significatifs et de même sens à plus de 0.5, les relations avec l’insolation et les températures maximales pour le trimestre entier juillet septembre. Il est curieux de constater que la corrélation est très médiocre pour ses deux critères climatiques pour le seul mois de septembre, et à peine moyenne pour le bimestre août et septembre. Ceci montre que ces critères thermiques des températures maximales et de l’insolation n’interviennent que de façon cumulative au cours de l’été en lien avec l’accumulation des sucres dans le raisin et en commençant dès juillet. Les valeurs de 2014 sont relativement faibles, maximums moyens de 25° en juillet et de 23.3° en Août pour l’instant à Dijon, mais le problème semble secondaire par rapport à celui de la pluviométrie. Les températures moyennes mensuelles n’ont quasiment aucune influence, corrélation non significative.
Les vins de bordeaux ne réagissent pas aux mêmes critères climatiques pour assurer leur qualité. La relation entre les cumuls de pluviométrie et la notation des millésimes n’est quasiment jamais significative, sauf de justesse pour les vins rouges et le cumul du bimestre de Août et septembre. Ceci peut s’expliquer car nous sommes dans des régions de climat océanique sur les sols de terrasse graveleuse alors qu’en Bourgogne on se situe sur des coteaux dans une ambiance continentale.
D’une façon générale, les corrélations dans le Bordelais sont plus mauvaises que pour le vignoble de Bourgogne, et presque toujours en dessous ou à proximité de 0.5. On retrouve pour les critères thermique les phénomènes d’accumulation avec une relation meilleure pour le trimestre juillet septembre , par rapport au bimestre aout septembre et au seul dernier mois. Les vins rouges sont aussi bien plus sensibles aux facteurs climatiques que les liquoreux (Sauternes et Cie) et surtout les blancs secs sauf dans un cas l’ensoleillement auxquels semblent plus sensibles les liquoreux.
Il y a cependant un cas extrêmement précis de bonne corrélation des températures maximales mensuelles du trimestre juillet septembre pour les seuls vins rouges. Là encore il s’agit d’un phénomène d’accumulation puisque la relation est bien plus mauvaise pour le bimestre août septembre, ou pour seulement le dernier mois. Le même phénomène est moins marqué pour les vins liquoreux et faible pour les blancs secs.
Le problème des températures et de la pluviométrie de l’été 2014 semble bien moins marqué dans le Bordelais que dans la Bourgogne, car à Bordeaux les précipitations présentent pour l’instant un cumul de 105 mm depuis le début de juillet et les températures maximales moyennes de 26.1° en juillet et de 24.7° pour l’instant pour Août n’ont rien de très alarmantes même si elles sont loin des conditions qui ont provoqué les meilleurs millésimes.
Il convient de préciser pour terminer que l’amélioration des conditions de vinification permet d’éviter les gros problèmes des années 1965 et 1968 et maintenant une qualité minimale est maintenue, même dans les cas de conditions climatiques médiocres.
Cette petite étude semble toutefois montrer que une façon générale la Bourgogne et avec elles les vignobles de l’est de la France sont plus sensibles aux conditions climatiques que le Bordelais. Comme les vins rouges, par rapport aux vins blancs !
Gérard Staron vous donne rendez-vous samedi à 13h15 sur Radio Espérance , Bonne semaine