Chronique N° 855
La Saint Sylvestre est toujours l’occasion des bilans de changement d’années. Comme en Climatologie, 2011 ne sera règlementairement terminée que demain au petit matin autant pour les observations de températures que de précipitations, permettez-moi de reprendre mes anciens habits de professeur d’histoire, pour constater que 2011 présente un grand air de ressemblance avec 1848.
C’est d’abord visible au niveau des révolutions dans les pays du Maghreb et du proche orient, qui ont commencé comme en 1848 par une euphorie du printemps des peuples pour se terminer en gueule de bois.
A la fin de février 1848, la monarchie de juillet de Louis Philippe est renversée en quelques jours quand l’armée et la garde nationale passent dans le camp des insurgés et le roi doit fuir. Son régime ressemblait un peu à celui de la Tunisie d’avant 2011, il avait assuré l’essor économique avec le slogan « enrichissez-vous », mais il présentait un déficit en matière de liberté politique avec un refus des réformes depuis 1831. Dans les deux cas il s’agissait plus de régimes autoritaires que de véritables dictatures.
Les similitudes de déroulement concernent aussi l’extension, dans les jours qui suivent, de l’épidémie révolutionnaire. En 1848 après la France, il s’agit de l’Empire d’Autriche, des états d’Allemagne et d’Italie, de la Prusse. En 2011 après la Tunisie, la fièvre touche l’Egypte avec un processus semblable, la Libye, le Yémen et la Syrie. Certains pays réussissent avec quelques réformes à stopper le processus, la Prusse en 1848, le Maroc en 2011.
Après le printemps des peuples vient le temps des répressions. En 1848, les révolutions butent sur les véritables monarchies absolues, L’empire d’Autriche rétablit l’ordre brutalement à Vienne, avec le système de Bach mais aussi en Italie avec les victoires du vieux maréchal Radetski, celui de la marche, et en Allemagne, au point qu’à la fin tous les souverains absolus avaient été rétablies dans leurs états. En 2011, des régimes autoritaires ont été renversés, mais les vrais dictateurs sont toujours en place comme en Syrie où n’ont été chassés que par l’intervention militaire européenne après un semestre de bombardements en Lybie. Comme en 1848, la répression est sanglante, bien plus que la phase révolutionnaire qui précède.
Lorsque les révolutions paraissent avoir gagné la partie, des élections libres sont annoncées. Dans tous les cas, France en 1848, Tunisie et Egypte en 2011, les mouvements dits républicains ou démocrates qui les ont provoquées, tentent par tous les moyens de les retarder, avec des manifestations et le même argument : avoir le temps de faire connaitre leurs thèses. Le report ne peut être que symbolique, une supposée démocratie ne peut maintenir indéfiniment un gouvernement provisoire sans légitimité populaire. Ces mouvements souvent récents, crées à l’occasion de la révolution sont écrasés aux élections par des partis qui refont surface après une période de clandestinité sous les régime précédent, et qui profitent de leur implantation souterraine antérieure, alors qu’ils ne sont en rien démocrates. En décembre 1848, le Poète Lamartine, l’homme de février 1848, comme tous les républicains, sont laminés à la première élection présidentielle au suffrage universel par Louis Napoléon Bonaparte, élu au premier tour, héritier de l’Empire qu’il réussira à rétablir. Les mouvements démocrates de Tunisie ou de la place Tahrir en Egypte ont été étrillés par les islamistes qui représentent un type de régime politique totalement contradictoire avec les idéaux de ceux qui avaient commencé ces révolutions. Souvenez-vous, nos élites en extase devant ces révolutions déclaraient au printemps qu’il n’existait aucun risque de ce type et fustigeaient ceux qui étaient plus réservés : naiveté, simulation, ou plus grave pour des intellectuels, une méconnaissance totale de l’histoire?
L’un des premiers actes des révolutionnaires de 1848 en France a été d’établir le suffrage universel, masculin à l’époque. Auparavant, le suffrage était censitaire, et le cens à rêgler était de 200 Francs depuis la réforme de 1830. Depuis personne n’avait réussi ou osé remettre le suffrage universel en cause. Le parti de l’ordre avait tenté en 1851, mais cette bévue avait permis au futur Napoléon III de justifier son coup d’état du 2 décembre en déclarant le rétablir. Même s’il s’agit d’une « primaire », il a fallu attendre 2011, pour qu’il soit demandé en France un paiement lors d’une élection. Un euro parait symbolique, mais placé dans un système qui ressemble à celui des appels téléphonique surtaxés des émissions de téléréalité, il a fourni un très gros pactole en raison de la multiplicité des participants. Démocratie : que fait-on en ton nom ?
Au niveau économique les comparaisons avec 1848 ne manquent pas. Dans les deux cas apparait un nouveau type de crise. Elles commencent de façon classique puis changent de nature au cours de leur développement.
La crise 1846-1848 est la dernière d’origine agricole avec des mauvaises récoltes qui provoquent une hausse des prix des denrées alimentaires, une famine avec une pointe de la mortalité et enfin des conséquences sur l’industrie et les finances. Puis dans un second temps, elle devient la première de l’âge industriel avec surproduction et baisse des prix. Agricoles elles affectaient régulièrement l’Europe depuis le Moyen Age, industrielles elles concerneront le monde après 1848.
La crise de 2008 à 2011 commence par une bulle financière classique avec krach boursier et faillite d’une grande banque en raison des subprimes. Depuis la grande crise de 1929, les états viennent au secours du système financier en péril pour éviter les trop grandes conséquences sur l’économie réelle. Alors que l’on croit que le pire est passé, arrive la seconde phase d’un genre nouveau, avec la crise dite des dettes souveraines. La première phase a accentué les déficits des budgets et les dettes des états, et certains sont en situation de faillite. Alors que depuis la seconde guerre mondiale, les états considéraient comme une bonne gestion un certain déficit pour assurer leur développement, une impasse selon la dénomination d’autrefois, le gouffre a pris tellement d’ampleur que l’impasse se termine par le mur !
Une révolution provoque toujours un recul économique jusqu’au retour du pays à la stabilité politique. La crise de 1848 a duré jusqu’au début du Second Empire en France en raison des difficultés entre le Président et l’assemblée, alors qu’elle était fini depuis bien longtemps ailleurs. Le tourisme activité principale des pays affectés par les révolutions de 2011 s’est effondré. L’impact a été d’autant plus fort qu’il s’agit d’une activité où les questions de sécurité jouent un rôle important de dissuasion
2011 donne l’impression d’un retour en arrière de 163 ans, dans un monde qui a totalement oublié les leçons de l’histoire.
En 1848 tout le monde savait qu’avec la révolution industrielle naissante, la prospérité allait vite revenir, fulgurante sous le second Empire. Aujourd’hui, qui possède le vrai remède ?
En 1848, la marche des monarchies absolues vers les régimes parlementaires semblait inéluctable. Même Napoléon III et François Joseph, les fossoyeurs des révolutions de 1848, évolueront ! En 2011, les régimes qui s’installent dans les pays qui ont effectué leur révolution semblent figés, tournés vers des modèles du passé ! L’inquiétude pour leurs minorités chrétiennes n’en est qu’une illustration !
Notre monde a plus que jamais besoin « d’Espérance » !
Gérard Staron vous retrouvera samedi prochain sur les ondes de Radio Espérance et dans l’attente vous présente tous ses vœux pour la nouvelle année.