Chronique N°832
Vous avez tous appris en Histoire que, sous le règne de Louis XIII, avait existé la journée des dupes. En 2011, juin peut être qualifié de mois des dupes !
Le 11 novembre 1630, la mère et l’épouse du roi avec l’aide de quelques seigneurs avaient cru obtenir de Louis XIII la disgrâce de Richelieu, or en réalité le pouvoir de ce dernier avait été renforcé.
Pendant ce dernier mois de juin, vous avez continué à entendre le discours sur la chaleur et le réchauffement à la suite du printemps aux températures élevées de mars à mai, mais aussi les diatribes sur la sécheresse après 5 mois de déficience pluviométrique sur le pays avec des comparaisons appuyées avec 1976. En réalité ce dernier mois vient de marquer un changement de tendance suffisamment contrasté au niveau géographique pour que l’on puisse annoncer tout et son contraire !
Le cas le plus typique est celui de la pluviométrie qui a présenté de très gros écarts sur quelques kilomètres. Plusieurs agglomérations, ont deux stations météorologiques peu espacées qui présentent rarement de tels écarts. Pour Lyon, Bron a reçu 85,5 mm mais Satolas seulement 53,1 mm. Pour Nancy, Ochey a atteint 87,1 mm, mais Essey seulement 62 mm. Pour Nîmes, Courbessac a reçu 69 mm quand Garons s’est contenté 42.6 mm. Dans l’agglomération parisienne, Melun a dépassé 100 mm avec 109.1 mm alors que le Bourget est quasiment à la moitié avec 59 mm. Sur quelques kilomètres, le total a pu varier dans des proportions, comprises entre le tiers et la moitié, qui permettent toutes les interprétations possibles. Dans chacune des agglomérations françaises, il suffit de choisir son poste pour déclarer que la sécheresse commencée en avril s’est aggravée ou atténuée. Saint Etienne n’échappe pas à cette opposition. Il est tombé 141 mm à Tarentaise sur le Pilat quand je n’ai relevé que 80 mm à mon poste de saint Etienne et que la station officielle d’Andrézieux se limite à 68.3 mm. A cette dernière station, alors que le total des précipitations à la fin d’avril depuis janvier 2011 était le 3ème plus faible depuis 1946, que celui du mois de mai était le 7 ème plus bas pour la même période de 66 ans, le cumul de l’ensemble mai et juin est seulement le 11ème plus sec, ce qui montre l’amélioration liée à ce dernier mois.
Une remarque de même nature peut être effectuée au niveau des températures. La pointe de chaleur de la fin du mois a permis de masquer des moyennes généralement assez quelconques pour un mois de juin. Le maximum absolu enregistré du 26 au 28 dépasse 30° sur une très grande majorité du pays. Dans plus de 70 stations synoptiques, il se situe au-dessus de 35° et dans plusieurs d’entre elles, dans le Bordelais ou le nord de l’Auvergne, 39° ont été dépassés. Ce coup de chaleur aussi brutal qu’élevé, masque une moyenne générale du mois assez médiocre. Près de la moitié des stations françaises, 79 sur 170, ont une moyenne mensuelle inférieure à 18°. Près d’une station sur 5 a connu une température moyenne inférieure à 16° soit 28 sur 170. Cette relative fraicheur est confirmée dans la région stéphanoise puisqu’autant à ma station de Saint Etienne qu’à celle de Montregard , ce mois de juin présente la moyenne la plus basse depuis le début des observations en 2006. A Montregard les 14° ont seulement été égalé en 2010 et à Saint Etienne les 18° ont été également observés en 2007 et 2008. Sur une plus longue durée à Andrézieux Bouthéon, les 18,1° observés pendant ce mois de juin 2011 ont été dépassés 14 fois depuis 1966 soit sur 45 ans.
Le changement de tendance de juin vers plus de fraîcheur et de pluviométrie est flagrant mais les contrastes énormes qu’il présente au niveau de la répartition géographique des pluies ou de l’opposition des coups de chaleurs brutaux dans une situation générale assez fraîche permettent de masquer cette évolution et de continuer à tenir le discours de la sécheresse et du réchauffement. Ceci permet de justifier cette appellation de mois des dupes !
La situation générale de l’atmosphère permet d’expliquer cette situation. L’anticyclone des Açores s’est refugie sur l’Atlantique pendant une grande partie du mois. Ceci a permis sur son flanc oriental la descente de flux de nord nord–ouest plus ou moins perturbés par un couloir situé sur son flanc oriental. Chaque fois que ceci s’est produit une chute brutale de température est intervenue. Elle a affecté en priorité les côtes de la Manche par où ces flux rafraichis arrivent. De la Pointe du Raz jusqu’au Pas de Calais, les températures moyennes des régions littorales sont inférieures à 16°, à 15° pour Brest et Saint Brieuc et même 14° à Cherbourg (13,9°). Cet air frais envahit alors l’ensemble du pays jusqu’à la crête du Massif central. Seul le littoral méditerranéen conserve par ce temps des températures élevées car l’air se réchauffe vite en descendant des hauteurs vers la Méditerranée, mais il est soufflé par le mistral.
Lors de brèves périodes, cet anticyclone atlantique a poussé des avancées vers notre pays. Il a alors pu provoquer de très brèves bouffées de chaleur en raison de sa grande solidité en altitude, de l’importance de l’ensoleillement et de flux de sud faisant remonter de l’air très chaud en provenance des basses latitudes. L’importance des températures lors de ces brefs paroxysmes chauds a pu faire oublier la fraicheur persistante de nombreuses journées.
Au niveau des précipitations, l’arrivée de ces descentes d’air froid s’est accompagnée de perturbations. Ces dernières souvent assez peu actives ont déposé quelques précipitations en abordant le pays, mais en arrivant sur un continent réchauffé par la période anticyclonique antérieure, ces perturbations ont vite pris un caractère orageux. On est donc passé de fronts linéaires déposant quelques millimètres en traversant le pays de façon homogène, à des cellules localisées qui ont pu laisser à quelques kilomètres d’intervalle des quantités d’eau très diverses. Ceci explique les grands contrastes géographiques signalés au début de cette chronique sur des distances très faibles.
Il convient toutefois de préciser plusieurs aspects qui ont contribué à atténuer en douceur la sécheresse antérieure.
Les phénomènes orageux qui ont accompagné ces perturbations ont rarement été très intenses. A l’exception du coup de vent en Côte d’or, de quelques trainées de grêle ou de très rares inondations localisés, la violence des orages a été limitée ce qui a permis d’apporter une pluie favorable pour le développement de la végétation et l’état hydrique des sols. Cette relative modération de phénomènes souvent violents est à mettre sur le compte de la situation de l’atmosphère en altitude. A ce niveau, les phénomènes orageux n’ont pas été relayés par des dépressions creusées avec des gouttes froides pour aspirer massivement l’air chaud du sol. Si les perturbations orageuses ont été stimulées par la convection dans la basse atmosphère, le phénomène a été freiné en altitude. Ceci a limité l’intensité des pluies qui ont très rarement atteint des niveaux dangereux.
La multiplicité de ces situations perturbées a contribué à répartir la pluviométrie sur de nombreux épisodes au cours du mois. Par exemple dans l’agglomération stéphanoise, la pluviométrie s’est répartie en 5 principaux épisodes, les 4, 7, 16 et 17, 22 et 28 juin harmonieusement disposée à l’intérieur du mois. Il en est de même quantitativement. Ces divers épisodes pluvieux ont réparti leurs effets de façon variable entre ou à l’intérieur des régions. C’est rarement le même jour qui présente le maximum pluviométrique du mois dans des zones pourtant proches. Pour les stations de Lyon, l’ordre des totaux déposés est très variable : pluies du 22 devant celle du 17 à Bron et du 17 devant celle du 7 à Satolas.
En réalité juin a sauvé beaucoup de récoltes compromises, bien sûr, il y a eu des oubliés du ciel qui protestent, et surtout en France toute amélioration est par nature insuffisante. Ce mois peut permettre aussi toutes les interprétations, continuation ou atténuation de la sécheresse, réchauffement ou retour de la fraicheur :
Un vrai mois de dupes.
Gérard Staron vous donne rendez vous la semaine prochaine sur radio espérance. Bonne semaine …