Chronique N°827
Le sujet à la mode concerne la comparaison de la sécheresse de 2011 avec celle de 1976. Pour se livrer à cet exercice, il vaut mieux posséder de bonnes archives, j’ai consulté le résumé mensuel du temps en France et les fameux BQR dont j’ai été abonné depuis 1964 et 1974. Aujourd’hui ces documents ne sont plus publiés sous la même forme.
On peut constater de nombreuses ressemblances entre les conditions météorologiques des mois de mai 1976 et mai 2011.
Comme cette année, notre pays est pris en tenaille entre deux anticyclones centrés sur l’Atlantique et l’Europe orientale qui effectuent leur jonction sur notre pays et présentent de rares faiblesses pour laisser remonter quelques orages en provenance de Méditerranée. Par ailleurs, ils bloquent les perturbations océaniques qui arrivent très affaiblies ou directement du nord, soit sans grande humidité.
Ceci détermine pour les deux années une faiblesse générale des précipitations avec une répartition géographique approchante. En 1976, elle oppose une France du nord-ouest particulièrement sèche jusqu’à une ligne qui remonte de l’Aquitaine jusqu’aux Vosges en contournant le Massif central, aux régions de montagnes assez arrosées, Pyrénées, Massif central, Jura et Vosges. L’intérieur de la Bretagne était en mai 1976 la région la plus sèche de France avec moins de 10 mm : un paradoxe !
En 2011, la diagonale au nord-ouest de l’Aquitaine aux Vosges est globalement aussi sèche. Toutefois beaucoup de régions font un peu mieux qu’en 1976, une grande partie de l’ouest de la Bretagne intérieure à la Vendée et un axe de la Beauce à la Touraine et au Limousin. La Champagne et la lorraine font même bien mieux qu’en 1976 avec une pluviométrie quasi normale.
Dans la partie méridionale plus arrosée, les Alpes du nord avec une extension en direction du Lyonnais font mieux qu’en 1976, ainsi que le piémont Pyrénéen qui a même connu des inondations dans la région paloise le 19 mai et sur l’agglomération de Tarbes le 30 mai.
Par contre les plaines méditerranéennes du Roussillon du Languedoc, de la vallée du Rhône de la Provence et de la côte d’Azur, ont connu une pénurie très supérieure à celle de 1976.
En 1976 comme en 2011, cette géographie n’est qu’approximative en raison de précipitations sous forme d’orages qui ont déposé à quelques kilomètres d’intervalles de véritables déluges et presque rien, ce que je nomme depuis quelques semaines « la loterie de la pluie ».
Par exemple le 9 mai 1976, un gros orage de 92 mm affecte le petit bourg de Chomelix en Haute Loire et à la fin du mois, la petite cité avec 127 mm s’oppose aux 30 mm du Puy en Velay très proche . En Haute Saône, à quelques kilomètres il est tombé pour le mois entier 103 mm à Combeaufontaine et 20 mm à Vauvillers en 1976. Pour la seule journée du 6, le rapport est de 75 à 6 mm. De Même en mai 2011, les gros orages de Pau et de Tarbes opposent l’abondance arrivée en une heure de ces deux cités avec la déficience de l’entourage. Le total mensuel atteint 143 mm à Pau, 114 mm à Tarbes contre seulement 44 mm à Auch ou 20 mm à Mont de Marsan. En haut du Pilat, Tarentaise reçoit plus de 100mm contre environ 30 mm en bas à Saint Etienne
Les deux années sont particulièrement ensoleillées, avec des durées un peu supérieures en 2011 par rapport à 1976 dans le nord du pays, alors que c’est l’inverse dans le sud. Par exemple, la durée d’ensoleillement a été plus forte en 2011 à Lille ou Abbeville alors que c’est l’inverse à Clermont Ferrand ou Saint Etienne pour une quinzaine d’heures d’écart.
La seule différence porte sur les températures en nette hausse par rapport à 1976. Quelques soit la région de France, l’écart entre mai 1976 et 2011 est de l’ordre de 1°. Par exemple à Abbeville ou à Lille l’écart est de l’ordre de 1,1°, plus au sud, de l’ordre de 2° autant à Clermont Ferrand que Saint Etienne.
Globalement il est difficile de considérer sur le seul mois de mai que la situation est pire que celle de 1976. La comparaison montre cette année, un peu plus de précipitations, un peu plus d’évaporation, un ensoleillement semblable, des types de temps anticycloniques ou orageux, une répartition géographique globalement semblable, sauf dans le détail. Seul problème, une sécheresse ne s’évalue pas sur un seul mois, la différence à ce niveau porte peu sur ceux qui précèdent mais surtout sur celui qui suit et dans ce domaine la différence est déjà essentielle.
En 2011, on parle de sécheresse depuis avril, le message devient assourdissant en mai. En 1976, le problème est apparu en juin. Pourquoi ?
En réalité le mois de mai 1976 a été quasiment le plus arrosé du premier semestre de l’année et celui de juin a connu un déficit de pluviométrie encore plus drastique. Il convient de savoir que la pluviométrie a été quasiment nulle, 0 mm au mieux 1 mm, sur plus d’une moitié de la France, soit toutes les zones au nord-ouest d’une ligne des Landes, au Limousin, aux plaines de la Saône et aux Ardennes et même dans les plaines du bas Rhône. Zéro pointé autant au Mans, à Laval, à Nantes, à Paris-le-Bourget, à Nîmes, à Carcassonne, à Niort, à Blois, à Limoges, à Dijon, et la liste des stations serait longue à décliner! Saint Etienne et Clermont Ferrand faisaient figure de privilégiés avec 9 et 5 mm en juin 1976. Les totaux n’ont été à peine corrects que dans les Alpes du sud et l’est de la chaîne pyrénéenne. Heureusement, rien de tel n’a été encore constaté en 2011, ne pas utiliser à des fins perverses la mémoire des événements anciens ! Quand nous aurons connu un tel mois, à ce moment seulement, on pourra prétendre que la sécheresse est équivalente à celle de 1976 !
Je peux déjà annoncer que de nombreuses stations météorologiques auront au moment où vous m’entendrez le 4 juin, dépassé depuis le 1er, le total complet de celui du mois entier de juin 1976 ! C’est déjà le cas au moment où j’écris cette chronique dans la moitié sud du pays ! Vu l’évolution des prochains jours, dès la fin du week-end, le total des premiers jours de juin 2011 aura dépassé celui du mois entier de 1976 partout dans le pays. Ceci ne veut pas dire que la sécheresse actuelle sera terminée, nous en subirons probablement quelques séquelles jusqu’à la fin de l’été, la situation restera probablement difficile pour l’agriculture, mais ceci n’autorise pas les discours délirants actuels !
Le ciel est très iconoclaste pour tous ceux qui tentent de se servir des événements météorologiques pour tenter d’assouvir leur soif de pouvoir. Les événements et discours qui se bousculent ces derniers jours ne manquent pas de piments.
La concomitance de la réunion et des décisions sur la sécheresse en matière agricole avec le premier arrosage important du printemps accompagné d’inondations liées à l’orage sur l’agglomération de Tarbes, fait partie des contrepieds que la nature réserve aux idéologues. Une sécheresse de printemps se termine toujours par un gros arrosage. Les premiers orages sont souvent dévastateurs comme au début mai 2007 sur la région stéphanoise et lyonnaise, par exemple au Chambon Fougerolles ou à Pierre Bénite, le 30 avril 2007. Plus ce changement est tard, plus il est attendu et plus la sécheresse qui précède est préjudiciable, ce qui ne préjuge en rien des mois qui suivent.
La concomitance de l’annonce du printemps le plus chaud depuis 1900, ce qui demande à être précisé au niveau des calculs et d’une arrivée d’air froid qui a provoqué de la neige en dessous de 1000 mètres d’altitude sur les Alpes, les Pyrénées et même sur le Mézenc au début de juin, ne manque pas non plus de sel.
Très souvent le climat est fait de périodes excessives qui sont ensuite compensées par d’autres périodes excessives dans un sens inverse. Nous avons connu 3 mois à dominante anticyclonique avec un fort ensoleillement apportant chaleur et sécheresse. La fête de l’ascension vient de sonner la fin de cette récréation. Pour combien de temps ? Au moins pour quelques jours. Je ne me hasarderai à faire de pronostics pour l’été pourtant déjà annoncé si chaud comme d’habitude depuis 2003.
Le ciel réserve toujours des surprises!
Gérard Staron vous donne rendez-vous samedi prochain sur les ondes de Radio Espérance. Bonne semaine.