Chronique N°816
Les révolutions qui affectent depuis plus d’un mois les pays des rivages méridionaux de la Méditerranée, ressemblent étrangement à celles du XIXème siècle en Europe, surtout celles de 1848 !
Que vient faire la climatologie sur ce sujet ?
Sa place est pourtant importante. Dans mon livre de 2003, « le ciel tomberait-il sur nos têtes ? », j’avais constaté que presque toutes ces éruptions révolutionnaires, aussi spontanées qu’imprévisibles, avaient été précédées d’hivers rudes. Les trente glorieuses de 1830 prenaient la suite de la saison hivernale la plus froide connue du siècle avec l’hiver 1829-1830. Il en était de même de l’hiver 1847-1848 précédant le printemps des peuples commencé en février en France. L’hiver 1870-71 avec la commune de Paris est bien froid et ne parlons pas de celui de 1916 à 1917 avant la révolution russe en 2 étapes février puis octobre
Les événements du début de 2011 n’ont pas failli à cette règle, même s’il faut les transposer au climat de l’autre côté de la Méditerranée. Les eaux profondes de la grande bleue, toujours tièdes vers 13°, ont un pouvoir adoucissant lors de la traversée des vagues de froid.
Au niveau des moyennes, il est difficile de trouver quelques mois après les températures, mais les cartes américaines de Noaa, montrent qu’en novembre et décembre, Tunis a subi des températures inférieures de plus de 1° aux normales. Je n’ai pas pu trouver l’équivalent pour Le Caire ou Tripoli. Par contre les grandes descentes froides arctiques ont presque toujours franchi la Méditerranée cette hiver, celles qui nous ont touché en novembre et décembre en particulier au début à la moitié et pour Noël, mais aussi celles qui nous ont épargnés ensuite en descendant directement par l’Europe centrale.
Tout au long de janvier et février, ce qui a apporté la neige et le gel en Italie du centre et du sud, Sicile comprise, ce qui est déjà assez rare, a donné des températures maximales inférieures à celles des eaux profondes de la mer, 24 heures après l’avoir traversé, à Tunis, ce fût le cas au début janvier, puis vers le 11-12, les jours qui suivent le 20, ceux à la jonction des deux mois, puis après les 7 , 16 et 24 février.
Les similitudes avec les révolutions de 1848 en France et en Europe ne s’arrêtent pas à l’aspect climatique !
Elles commencent par les états les plus modérés, la France de Louis Philippe, l’un des rares pays constitutionnels avec l’Angleterre dans une Europe de monarchies absolues en 1848, mais aussi les régimes les plus modérés du monde arabe d’aujourd’hui, Tunisie ou Egypte, dans une ensemble où subsistent des monarchies quasiment absolues anachroniques, et des dictateurs dangereux par leurs excentricités parfois sanguinaires.
Les deux premiers pays touchés joignent un déficit de libertés politiques, ou de souveraineté populaire. Les élections alibis à 95% équivalent aux suffrages censitaires du XIXème. Dans les deux cas, ces régimes avaient provoqué le début d’un développement économique de leurs pays, le célèbre enrichissez vous de Guizot à l’amorce de la révolution industrielle ou l’essor du tourisme dans les pays au-delà de la Méditerranée, où beaucoup sont allés et pas seulement des ministres !
C’est lorsque l’essor économique débutant de ces pays s’écroule, avec la fameuse crise de 1846 à 1848, marquée par la maladie de la pomme de terre en Irlande et des mauvaises récoltes de céréales avec la hausse du prix du blé, ou la crise actuelle, avec aujourd’hui une hausse aussi forte des prix des matières premières agricoles, que les classes sociales qui assuraient le soutien de ces régimes les lâchent très vite !
Encore faut –il préciser que la France de louis Philippe par où commencent les révolutions de 1848 n’est pas le pays le plus affecté par la crise agricole, moins que l’Irlande ou l’Europe centrale. La Tunisie ou l’Egypte d’aujourd’hui sont des pays où les produits agricoles de première nécessité en particulier le pain sont subventionnés ce qui limite l’impact de la hausse sur la population.
Ces régimes, privés de leurs soutiens économiques, s’effondrent en quelques jours. Louis Philippe est chassé très vite à la fin de février 1848 en France, de même pour le président tunisien, puis celui d’Egypte en 2011. Pour cela, une partie de la force militaire bascule en faveur de la révolution, la garde nationale en 1848 en France, l’armée en Tunisie et Egypte.
Les similitudes entre les événements révolutionnaire de 1848, ou 1830 et ceux de 2011 ne s’arrêtent pas au cas des premiers pays affectés, mais aussi aux tentatives d’extensions.
Il est facile de faire disparaître des dictateurs d’opérette, il est infiniment plus difficile de chasser des régimes qui n’hésitent devant des excès sanguinaire pour maintenir leur pouvoir !
Les événements de 1848, victorieux un temps en France, en Allemagne et en Italie butent sur l’Empire d’Autriche. La révolution à Vienne, un temps incertaine, échoue.
Même remarque en 1830, les 3 glorieuses en France, la révolution à Bruxelles, sont vite des échecs en Allemagne, en Italie et surtout en Pologne avec la répression du Tsar.
En 2011, il suffit de voir les tentatives avortées en Iran et dans les émirats du Golfe, les difficultés extrêmes pour chasser Khadafi en Libye qui n’hésite pas au bain de sang et qui réussit à maintenir pour l’instant son pouvoir sur sa capitale.
Au moment où j’écris ces lignes, les mouvements révolutionnaires de 2011 ont des difficultés à trouver leur deuxième souffle. C’est très net en Libye ! Il ne semble pas que d’autres pays aux dictatures pourtant très dures semblent en mesure de tomber, sauf peut être le Yémen ! Après une première phase euphorique, la suite est souvent dramatique !
Je serais toujours ébahi par la frénésie révolutionnaire de nos élites politiques ou intellectuelles. Alors que jeune professeur, je faisais remarquer mon scepticisme sur les excès de certaines révolutions, on m’avait répondu « mais enfin c’est une révolution et cela se respecte ». Aujourd’hui, j’observe avec stupéfaction, cette vénération, admiration, dévotion face aux révolutions de l’autre côté de la Méditerranée ! L’éducation dans notre pays a certainement son rôle avec le zèle de notre histoire pour les périodes révolutionnaires, l’importance des thèmes de la révolte en français, et autres aspects, mais je crains qu’il y ait beaucoup de naïveté et d’exagération dans cet enthousiasme de nos politiques et intellectuels !
Ont-ils oublié qu’un pouvoir n’est légal en démocratie que lorsqu’il est issu d’élections libres aux résultats incontestables, on ne les voit guère venir et elles avaient eu lieu très vite en France en 1848 ? Que pensent-ils d’une révolution qui commence par chasser ses populations immigrées quand on connaît leur position en France ?
Si je continue la comparaison avec 1848, après une phase d’action, il y a celle de la réaction. Les printemps des peuples ont souvent débouché sur des étés ou des automnes opposés. La seconde phase est souvent plus meurtrière que la première avec des guerres multiples en 1848 en Italie, en Hongrie et des répressions en Autriche, en France avec les journées de juin etc.
Quelques années après 1848, il ne restait plus aucun des régimes nés des révolutions de 1848. Les monarchies absolues, étaient revenues presque partout, à l’exception de l’Angleterre. En France le second empire était dans sa phase autoritaire !
Ces révolutions spontanées, manquent de structures politiques organisées pour assurer leur pérennité. Après une période incertaine, on assiste souvent au retour des pouvoirs antérieurs. Des forces souterraines peuvent aussi profiter de l’occasion, les bolcheviks en Russie en 1917, et vous pouvez deviner dans les pays arabes celle, discrète en ce moment, qui paraît susceptible de récupérer les fruits de la fin des régimes autoritaires modérés ou durs.
IL y a même des contre pieds assez amusants de l’histoire. Il est de bon ton de terminer les concerts, cérémonies comme celle des victoires de la musique classique par la marche de Radetski en faisant applaudir le public ! Qui était le vieux maréchal autrichien Radetski ? Il a réprimé les révolutions de 1848 en Italie pour le compte de L’Empereur d’Autriche et la marche a été composée par Johann Strauss Père pour l’en remercier ! Si certains savaient ça !
Gérard Staron vous donne rendez vous samedi prochain sur les ondes de Radio Espérance. Bonne semaine