Ce n’est pas un hasard si le premier air de l’opérette « Fandango du Pays basque », chante la « Pluie ». Autrefois il était interprété par Luis Mariano, à l’origine locale à Escangues incontestable.
Depuis le début de ce mois de novembre, le Pays basque justifie cette réputation arrosée. Le total de la station de Biarritz dépasse déjà 280 mm. Celui de sa voisine espagnole San Sébastien atteint 257 mm. Cette quantité énorme est le résultat de pluies quotidiennes inégales après une entrée en matière de l’ordre de 20mm le jour de la Toussaint. On distingue en effet 3 paroxysmes pluviométriques.
Le premier celui du 4 et du 5 est le plus important avec plus de 100 mm à Biarritz
Le second dépose le 7 et le 8, 57 mm à la même station
Le troisième ajoute encore 50 mm environ le 10.
Les rivières qui descendent du flanc atlantique des Pyrénées convertissent en pointe de crue chacune de ces précipitations avec un petit décalage, mais l’importance de la montée des eaux est croissante chronologiquement ce qui représente un impact inverse par rapport au total de chacune des pluies.
La montée du 5 novembre n’est qu’une intumescence limitée qui atteint 2 m sur le Gave d’Oloron à Escos, 2,13 m sur la Nivelle, 2,7 m sur les Gaves réunis à Peyrehorade.
Celle du 8 novembre monte les niveaux des Cours d’eau un peu plus haut sur la Nivelle avec 2,18 m, beaucoup plus haut sur le gave d’Oloron avec 2,80 m et encore plus haut sur les gaves réunis à Peyrehorade avec 3,40 m.
La crue du 11 novembre monte encore plus haut en dépit de précipitations moins efficientes que les précédentes. On atteint 2,80 m sur la Nivelle, 3,70 m sur le Gave d’Oloron et surtout plus de 4,20 m pour les Gaves réunis à Peyrehorade.
Cette fois des niveaux dangereux sont atteints à peine en dessous des grandes crues historiques. Sur le Gave d’Oloron à Escos, les écarts sont les plus faibles par rapport aux inondations de référence, la crue de mars 2006 passe moins de 10 cm au dessus, celle de septembre 2003 moins de 30 cm au dessus et celle du 6 octobre 1992 dépasse à peine de 1 mètre. Sur les Gaves réunis à Peyrehorade, la différence avec la même inondation historique d’octobre 1992 parait encore plus faible soit 4,85 m contre 4,20 m ces derniers jours.
La contradiction entre l’intensité décroissante des paroxysmes pluvieux et celle croissante des niveaux des rivières n’est pas une surprise. Les premières pluies servent surtout à saturer les sols, en remplissant sa réserve, mais aussi par une capacité provisoire de stockage des eaux qui est ensuite restituée par ressuyage. Les pluies qui arrivent ensuite présentent un pourcentage d’écoulement de plus en plus fort vers la rivière. Le phénomène est accentué si le ressuyage n’a pu se faire par le retour régulier de précipitations quotidiennes. Cet aspect est attesté par le fait qu’entre chacune des pointes la rivière ne revient pas complètement à son niveau antérieur.
J’avais déjà constaté le phénomène lors de plusieurs épisodes pluvieux cévenols successifs. L’exemple classique est celui de novembre 1951, où la pluie du 8 est supérieure à celle du 19 alors que la crue du 19 dépasse celle du 8.
Le Pays basque est climatiquement en région océanique. La répétition quotidienne de pluies substantielles pendant une dizaine de jours avec des paroxysmes limités le confirme, mais la montée rapide des rivières, près de 4m en 24 heures avec des intumescences séparées les unes des autres pour séparer l’impact des différentes précipitations est plus un phénomène de nature méditerranéenne. La forte pente des rivières qui joignent directement sur une distance courte les reliefs des Pyrénées atlantiques à l’Océan facilite un écoulement rapide qui explique cette ressemblance avec les épisodes méditerranéens.
Ceci permet d’aborder le problème géographique et météorologique qui a permis l’accumulation de toutes ces pluies dans l’entonnoir du Pays basque.
Par les temps océaniques perturbés, l’air froid en provenance des hautes latitudes se recharge en humidité sur les eaux encore tièdes du golfe de Gascogne et il vient ensuite buter sur la barrière montagneuse des Pyrénées et des monts Cantabriques qui se situent à cet endroit juste en arrière de la côte. Ceci accroît d’autant le total déposé sur le Pays basque.
Depuis le début du mois ce type de temps est d’une persistance rare. Tous les jours de l’air humide a buté sur ces reliefs et a déposé ses pluies orographiques. Chaque perturbation organisée a provoqué l’un des paroxysmes pluvieux cités ci-dessus.
Le reste n’est qu’une question de trajectoire qui dirige ou non sur le Pays basque l’essentiel des pluies.
Celles d’ouest longent l’ensemble des côtes du nord-ouest de l’Espagne depuis la Galice. Toutes les régions qui longent ce littoral sont arrosées de façon semblable. La pluie du 1er novembre qui apporte une vingtaine de millimètres est à ranger dans cette trajectoire.
Les perturbations qui viennent de plein nord arrivent avec une humidité plus faible liée au froid plus marqué de l’air qui peut moins contenir d’eau précipitable. Il en est ainsi de celle qui se présente le 8 et le 9 novembre.
Ce sont celles de nord –ouest qui effectuent une courbure sur le golfe de Gascogne avant de plonger au fond vers le Pays basque qui apportent l’essentiel des pluies. Au total il y en a eu 3 lors des 3 paroxysmes, pluvieux puis hydrologiques déjà présentés. Les totaux déposés ont tendance à baisser de l’une à l’autre car ces dernières rencontrent des milieux géographiques, océans comme continents, de moins en moins chauds depuis la fin octobre ce qui limite d’autant la recharge en humidité.
Ce n’est pas un hasard si l’axe montagneux Pyrénéo-cantabrique est une limite climatique majeure de l’Espagne entre ce qu’il est classique de nommer l’Ibérie humide au nord de la Galice au Pays basque et l’Ibérie sèche de la Vieille Castille à la Navarre. De l’autre côté de ce relief, les totaux pluviométriques ont été dérisoires depuis le début de novembre. Les paysages présentent un contraste majeur en toutes saison de l’ocre de la sécheresse au verdoyant des forets et prairies de Galice et des Asturies.
La pluie, lors du passage du Tour d’Espagne sur les terres océaniques du nord-ouest du pays, a souvent eu un rôle majeur sur l’Epreuve cycliste. Ces dernières années, Valverde y a perdu une Vuelta sous la pluie dans une descente. D’autres ont chu dans un sprint sous un grain pluvieux à Santander.
Dans le passé, le col de Pajares qui correspond à l’un des points de passages majeurs de ces montagnes à 1379 m d’altitude entre Oviédo et Léon a souvent marqué par sa pluie et même la neige, les étapes les plus dantesques. Que les coureurs trouvent brutalement la pluie et la neige en passant de l’Ibérie sèche à celle humide, ou lors d’étapes entièrement arrosées sur le versant atlantique !
Une occasion de vous signaler que vous pourrez me rencontrer ainsi que jean Paul Bourgier à la « ballade autour du Livre » de Lorette les 28 et 29 novembre où nous dédicacerons nos ouvrages en particulier « Conditions climatiques et compétitions cyclistes ».
Gérard Staron vous retrouvera samedi prochain pour une nouvelle chronique, le texte étant repris sur zoom42.fr et ce blog :http:// gesta.over-blog.com
Bonne semaine à tous