Chronique N°754: Le vent : vedette de novembre !
Depuis le début du mois le vent souffle vigoureusement sur les côtes de l’Atlantique et de la Manche, ce n’est sûrement pas fini et ça commence ! Sur les 20 premiers jours du mois, la rafale maximale quotidienne a dépassé 6 jours 100 km/h à Ouessant, 11 90 km/h et 13 jours 80 km/h. Nous sommes certes loin des excès des mois de janvier et février 1990 où le vent avait dépassé 150 km /h plus de 15 jours, sur un lieu très exposé aux vents océaniques à la pointe de la Bretagne. Cette persistance quotidienne à des niveaux proches de la tempête a connu trois paroxysmes depuis le début du mois.
--- Lors des 4 premiers jours, l’arrivée des premières perturbations de nord-ouest a accompagné les premières rafales de 100 km/h le 2 et le 4.
--- La descente de nord provoque une première tempête le 7 et le 8 avec des pointes à 115 km/h d’origine septentrionale.
--- Enfin la tempête médiatique des 13 et 14 a maintenu le vent deux jours consécutifs au dessus de 110 km/h avec une direction de sud-ouest dominante.
Les premières rafales supérieures à 100 km/h commencent à affecter la Pointe du Raz et l’Ile d’Ouessant à partir du 13 novembre à 16 heures. Cette tempête va ensuite glisser le long des côtes de la Manche, d’ouest en est. Le littoral français en commençant par la Bretagne est affecté simultanément avec celui du Royaume Uni, à partir de la Cornouaille, un peu plus tard à partir de 20h à Plymouth. Pendant la soirée du 13, seule la pointe du Finistère est concernée. Après avoir hésité entre la Côte Atlantique et la Manche au changement de jour, avec des rafales à plus de 100 km/h à Belle Ile, Saint Sauveur ou Chemoulin, la tempête décide de continuer en Manche avec le Cotentin, puis après la mi journée, les côtes du pays de Caux avec la pointe de la Hève, et enfin celles du Boulonnais jusqu’en soirée. Du côté britannique, la tempête suit un cheminement semblable de la Cornouaille aux côtes du Kent.
Cette tempête est exclusivement littorale et réserve ses rafales les plus violentes aux caps et pointes les plus exposées. Dès que l’on pénètre à l’intérieur des terres, les vitesses baissent sensiblement et tombent nettement en dessous de 80 km/h dans les régions de plaine. Le bassin de Rennes, l’agglomération parisienne ont bien senti un zéphyr soutenu sans atteindre le stade de la tempête. Seules quelques crêtes montagneuses exposées ont connu quelques rafales de l’ordre de 100 km /h, le sommet du Mont Aigoual, les hauteurs de la Dôle sur le Jura, quelques stations d’altitude des Alpes. Sur les reliefs du Velay et du Vivarais, cette tempête s’est transformée dans la nuit en un petit coup de vent de sud, suffisant pour se faire remarquer, mais incapable d’effectuer des dégâts.
Cette petite tempête est le résultat de la confrontation entre des systèmes dépressionnaires qui accompagnent la descente de l’air froid en provenance des régions polaires et les hautes pressions qui restent tenaces en Méditerranée et empêchent l’air froid de descendre plus bas en latitude. Quand la dépression s’approche, cette résistance des hautes pressions contribue à provoquer un fort gradient ou différence de pression entre deux régions, ce qui accélère d’autant la vitesse des flux atmosphériques. Les dépressions sont mêmes parfois contraintes de modifier leur trajectoire.
Par exemple, le 13 novembre à midi, le centre de la dépression qui progresse selon une trajectoire en provenance du nord ouest se situe au large de la Bretagne avec une pression de 980 hpa. L’anticyclone est alors situé au loin, au sud d’une ligne Lisbonne, Madrid, Lyon.
Le lendemain, la dépression s’est installée sur le sud de l’Angleterre, elle a donc dévié de sa direction initiale, alors que la limite des hautes pressions n’a quasiment pas bougé. La distance entre les deux centres d’actions a diminué d’un tiers environ, cette augmentation du gradient de pression a accéléré d’autant la vitesse des flux atmosphériques.
Il suffit d’observer la carte météorologique du 14 à midi pour constater que c’est juste au sud du centre de la dépression que les lignes d’égales pressions sont les plus rapprochées, de plus elles suivent l’orientation des côtes de la Manche à partir du moment où la dépression a été dérouté de sa trajectoire initiale. Ceci explique que les régions littorales et surtout le centre de cette mer aient connu les vitesses maximales.
Un autre phénomène a accentué le caractère littoral de cette tempête. La vitesse des vents est toujours supérieure d’environ 1/3 sur une surface maritime que sur un continent où la rugosité du relief et de la végétation contribue à diminuer les rafales. La conjonction de ce facteur avec le précédent explique que le phénomène n’ait quasiment pas pénétré à l’intérieur des terres.
Par contre en altitude, au niveau de la surface des 500 hpa, cet affrontement entre l’air froid de la dépression et celui des anticyclones est surmonté par un courant très rapide, le jet stream. Celui-ci, dégagé des contraintes géographiques du sol, est descendu plus bas vers le sud et sa vitesse maximale, 85 nœuds, environ 150 km/h, s’étire sur une ligne à plus de 5500 mètres d’altitude de la Galice au Bordelais et à l’est de la France. Les reliefs isolés ou exposés situés au dessus de 1500 mètres comme L’Aigoual, le Jura , ou les Alpes du Nord ont senti les débuts de son influence et de façon ponctuelle ont connu des vitesses de vent aussi importantes que celles qui régnaient sur les côtes de la Manche.
Il ne faut pas s’étonner de cette apparition des premières tempêtes hivernales au mois de Novembre. Celle de la semaine dernière est d’ailleurs très modeste par rapport à ses illustres devancières susceptibles d’atteindre plus de 200 km/h comme le 16 octobre 1987. Selon mes informations, d’autres risquent de suivre bientôt jusqu’à ce qu’elles aient fait sauter la résistance de cet anticyclone qui occupe le bassin méditerranéen. Au moment où vous m’écouterez, une autre dont il est difficile d’évaluer l’importance sera probablement en cours, (elle est déjà commencée). Depuis l’été, je vous ai souvent entretenu des hautes pressions qui occupe la Méditerranée, elles débordent régulièrement jusqu’au sud de notre pays et sont particulièrement tenaces cette année. L’hiver ne reviendra que lorsque le verrou de ces hautes pressions aura sauté, si non, les dépressions qui descendent des hautes latitudes vont s’épuiser à tenter de les repousser, le vent soufflera en Manche et le beau temps continuera chez nous !
Comme la semaine dernière, il était logique d’élargir le sujet à propos du pays basque à l’ensemble climatique du nord-ouest de l’Espagne dans lequel il est inséré, cette fois il en est de même pour tenter d’expliquer comment ces coups de vent se manifestent dans nos régions de l’est du Massif central qui sont souvent en limite entre les deux ensembles.
Il y a deux cas de figure :
-- Soit celui qui nous intéresse aujourd’hui des 13 et 14 novembre, les flux arrivent plutôt du sud ouest, ils sont alors déviés par les axes des reliefs méridiens, des Alpes mais aussi des couloirs du Rhône et de la Loire. Ces tempêtes océaniques se transforment en un vent de sud qui balaie les plateaux et redescend dans les dépressions qui suivent la Loire et l’Allier. Ces déviations peuvent parfois donner des rafales violentes, car la canalisation des flux atmosphériques contribue à les accélérer
-- Soit dans les tempêtes de plein ouest, la bordure nord du Massif central, le Bourbonnais, le Roannais sont encore touchés, mais plus au sud, dès que l’on rentre dans l’intérieur des reliefs, la vitesse du vent s’écroule et comme en 1999, ces régions sont au moins partiellement à l’abri des grandes tempêtes océaniques. La ligne au sud de laquelle les vents d’ouest sont inexistants en Forez dans les dépressions s’étire de Boën sur Lignon à Feurs
Gérard Staron vous donne rendez vous samedi prochain pour une nouvelle chronique de climatologie, le texte étant repris sur le portail Internet zoom42.fr et mon blog : http://gesta.over-blog.com.
Bonne semaine