Tous les 10 ans, un orage calamiteux affecte Chalmazel. Le Dimanche 27 juin 1999 une tornade avait même dévasté la petite cité. Le village avait peu souffert, mais les forêts proches avaient subi une traînée dévastatrice. L’événement s’est produit à des heures proches de l’après-midi (15 h en 1999 contre 16 h en 2009) pour une trajectoire orageuse classique sud-ouest nord-est traversant les monts du Forez.
Outre la forme différente de l’orage, déluge en 2009, tornade en 1999, une localisation géographique doit être signalée.
En 1999 la tornade s’était formée sur le seul versant forézien dans la descente après le franchissement du sommet de Pierre sur Haute
En 2009, tous les versants de la montagne ont été très copieusement arrosés car les rivières descendant de trois versants différents ont réagi : La Dore du côté auvergnat, Le Lignon du Forez qui coule à Chalmazel mais aussi l’Ance du Nord vers le Velay (voir précédent article sur le blog). Cette pluie restera celle de Chalmazel car elle a rempli le pluviomètre de la petite station de sports d’hiver et qu’il n’existe guère d’autres points de mesure de la pluviométrie sur les sommets des monts du Forez.
A titre de rappel voici comment j’expliquais la tornade de Chalmazel et les autres calamités du même jour dans ma chronique du 2 juillet 1999 sur Radio Espérance
Chronique climatologie N°234 (texte d’origine)
Avec Gérard et Marie Gabrielle
La journée de Dimanche a été très agitée au niveau climatologique. On peut citer les perturbations du Grand prix de France de Formule 1 vers 15 heures, la tornade sur Chalmazel dans les monts du Forez et ici et là des orages plus ou moins violents occasionnant des impacts de foudre, des accidents comme sur la rocade de saint Etienne. Que s’est-il donc passé ?
Dans les jours qui précédaient, l’anticyclone des Açores avait poussé une dorsale sur l’Europe très visible au sol avec même une poussée jusqu’aux Iles britanniques, un peu moins nette en altitude au niveau de la surface des 500 Hpa.
Cet anticyclone présente deux faiblesses successives :
- la 1ère commence le 25 avec l’apparition d’une petite dépression relative sur le golfe de Gascogne, les fronts qui l’accompagnent, 2 lignes qui remontent du sud-ouest, l’une le long des côtes françaises de l’atlantique et l’autre au niveau des Asturies, sont très visibles sur l’image satellite, mais ils n’ont pas toujours été reportés sur les cartes météo, cette 1re vague de mauvais temps va balayer la France le samedi 26 dans la matinée.
- La seconde faiblesse est celle de dimanche, elle correspond à la descente d’une perturbation océanique classique de Nord Ouest. Cette dernière surtout caractérisée par son front froid se situe au sud de l’Islande le 25 Juin, associé à la fameuse dépression d’Islande le 26 l’ensemble amorce sa descente vers le sud et forme une gigantesque virgule nuageuse qui s’étire du Golfe de Gascogne à l’Irlande, le 27 la dépression se déplace sur l’Ecosse quand le front froid traverse la France.
Qu’est-ce qui peut expliquer que seule la perturbation de dimanche ait fait parler d’elle ?
Essentiellement le contraste thermique, la première faiblesse, celle du samedi ne correspond pas vraiment à un affrontement de masse d’air, il s’agit de petites lignes de cisaillement à l’intérieur d’un air peu différencié.
Ce n’est pas le cas de la perturbation de dimanche, qui apporte un air froid nettement distinct en raison de son origine de Nord-ouest et cet air froid vient s’empaler sur une France au sol surchauffé en raison de la période de beau temps précédente au moment où l’ensoleillement et la durée des jours sont les plus importants dans l’année. Brest dans l’air encore tiède le 26 avait 19°, il en récupère 15 après le passage du front froid. De même Bordeaux descend de 23 à 18°.
Le contraste est d’autant plus violent qu’en avant de la perturbation remonte un très fort courant de sud-ouest chaud et instable et qu’en arrière on retrouve l’air septentrional. Ceci s’accompagne d’un renforcement des vents très visible en altitude au niveau des 500 hpa avec en avant de une direction de sud ouest de 45 à 45 nœuds de Bordeaux au nord de la France, et en arrière une direction de Nord-ouest de 40 nœuds sur le sud de L’Irlande
La violence des précipitations et des phénomènes orageux est le résultat du cumul de 2 phénomènes qui se sont ajoutés pour rendre l’atmosphère particulièrement instable.
Le premier est l’ascendance de l’air lors des perturbations, dans le cas d’un front froid, l’air froid dense qui arrive derrière repousse violemment en altitude l’air plus chaud qui se trouve en avant.
Ce phénomène est doublé par un second d’origine thermique et qui est très visible sur les images de satellite. Ces fronts dans leur approche sur l’Océan ne sont qu’une bande peu large et peu épaisse de nuages. Quand ils abordent le continent, la masse nuageuse enfle démesurément et s’épaissit, c’est très net autant pour la première que la seconde perturbation. On observe un doublement, voir un triplement de la masse nuageuse en superficie. L’explication est fort simple. A cette époque de l’année les continents sont particulièrement réchauffés. Cet air chaud ne demande qu’à s’élever en altitude avec un phénomène que l’on nomme la convection. Il ne le pouvait pas les jours précédents en raison de l’anticyclone. L’arrivée de la perturbation stimule cette instabilité. Tant que les perturbations sont sur des océans encore assez frais à cette époque de l’année à cause de leur inertie thermique la masse nuageuse reste limitée à l’arc du front. Dès qu’elle passe sur le continent la convection fait croître les nuages et il se développe en avant, des orages isolés que l’on distingue sur l’image de satellite
Comment se fait il que des régions n’aient eu que quelques gouttes alors que d’autres ont subi de véritables tornades ?
La seule perturbation océanique de dimanche, n’aurait apporté à elle seule que des précipitations et vents médiocres. La convection thermique qui s’ajoute détermine ces orages, par nature locaux et irréguliers. Les trombes ou les tornades sur une surface de quelques kilomètres sont une exagération locale de l’instabilité de l’air avec une propulsion brutale de l’air chaud en altitude, ce qui déclenche au sol des vents tourbillonnants qui peuvent dépasser largement les 100 Km/h. Elles se produisent au moment de la journée où il fait le plus chaud. C’est le cas à Chalmazel, puisque l’événement se produit vers 15 heures et que la zone concernée couvre une bande de 5 km de long pour 60 à 100 mètres de large.
Ce phénomène local violent à l’intérieur de l’orage a certainement été exacerbé par le relief qui facilite l’ascendance de l’air pour son franchissement. Nous sommes en effet dans les Monts du Forez à peine en dessous de la zone sommitale sur le versant oriental, juste après son franchissement par les masses pluvio-orageuses. On peut émettre l’hypothèse d’une invasion d’air froid surplombante qui aurait stimulé l’instabilité de l’air. Les masses orageuses en provenance de l’autre versant ont d’abord escaladé les monts du Forez du côté auvergnat, puis elles ont surplombé après le passage du sommet la vallée de Chalmazel en aspirant l‘air chaud qui s’y trouvait et remontait de la plaine du Forez
Au plaisir de vous retrouver pour une nouvelle chronique de climatologie…….
Commentaire :
Le mécanisme météorologique est proche en 2009. Seules nuances, un anticyclone méditerranéen d’altitude présent depuis de longues semaine, responsable de la forte chaleur antérieure, bloque les masses nuageuses sur la région et exacerbe les précipitations (suite prochaine chronique).