Chronique N°731: Gradients altitudinaux exceptionnels de températures en mai !
Ceux qui suivent les prévisions météorologiques sur le blog http://gesta.over-blog.com ont pu lire souvent l’annonce de très grands contrastes thermiques entre les plateaux du Massif central frais et les dépressions qui longent la Loire du bassin du Puy à La plaine du Forez affectées de coups de chaleur pendant ce dernier mois de mai.
J’ai pu mesurer le phénomène en comparant mes observations de températures de Saint Etienne, à 500 mètres d’altitude dans le bas de la ville à proximité du technopole, et celles de Montregard à 990 mètres près de Montfaucon en Velay sur le haut du versant vellave des monts du Vivarais.
J’ai donc mesuré le gradient, soit la différence de température entre ces deux postes en mai 2009. Pour l’ensemble du mois l’écart de 3,8° soit 0,77° par 100 mètres d’altitude est déjà très élevé puisqu’il est habituel de trouver 0,6° par 100 mètres. 3 journées les températures moyennes présentent une différence supérieure à 5° les 21 et 30 et même à plus de 6° le 9 mai.
Au niveau des températures maximales moyennes l’écart moyen du mois monte à 4,4° soit un gradient de 0,9° par 100 mètres qui s’approche déjà de 1° par vite selon l’altitude. Mais ce dernier seuil est allègrement franchi pendant 13 jours au niveau des températures maximales où l’écart a atteint ou dépassé 5°. Lors des deux jours exceptionnellement chauds, les 24 et 25 mai avec 33 et 32° à Saint Etienne, il faisait à peine plus de 26° sur les hautes terres aux confins du Velay et du Vivarais. Des écarts énormes ont été atteints avec 6,7° et 7,3° soit des gradients de 1,3° et près de 1,5° par 100 mètres.
Les écarts au niveau des températures minimales sont logiquement plus modérés. Avec 3° ils dépassent déjà 0,6° par 100 mètres au niveau de la moyenne mensuelle. Les inversions de températures, courantes le matin entre les deux postes, se sont limitées à deux journées, les 9 et 24 mai. Plus curieusement à 4 reprises, l’écart des minimales a dépassé 5° soit le gradient de 1° pour 100 mètres avec un maximum de 6,1° le 28 mai soit 1,24° pour 100 mètres.
La chaleur étouffante de la ville de Saint Etienne opposée à l’air frais des plateaux qui dominent la ville explique probablement une partie de la propension des stéphanois à venir respirer l’été sur les hauteurs et la vogue des résidences secondaires. D’ailleurs ce n’est peut-être pas pour rien que le villégiateur estival est parfois nommé par les locaux des hautes terres « un prend l’air ». Mais il faut dire qu’en ce domaine, mai 2009 a fait très fort, avec ces différences exceptionnelles de températures entre les Monts du Vivarais et le bassin stéphanois.
Qu’est ce qui peut expliquer de telles différences thermiques ?
Sûrement pas le matériel utilisé, les températures sont prises de la même façon avec une mesure toutes les 2 minutes, une sonde dans un abri à coupelle et un hobo-pro.
Certainement pas l’exposition qui jouerait plutôt pour minimiser les écarts. En effet mon poste de Saint Etienne est plutôt exposé nord-ouest alors que celui d’altitude est sur un adret plein sud.
L’analyse des journées où l’écart des températures maximales dépasse 5°, soit plus de 1° par 100 m, montrent qu’elles se regroupent en 4 épisodes qui présentent des types de temps semblables du 9 au 14 mai, du 19 au 21, les 24 et 25 , et enfin les 30 et 31. Pendant ces journées une perturbation tente de progresser sur la France mais a des difficultés énormes à avancer car elle est bloquée plusieurs jours consécutifs par un anticyclone souvent centré sur l’Italie du sud.
Cette situation de confrontation provoque un flux de sud ou de sud ouest virulent qui provient parfois directement du Sahara comme les 24 et 25 mai. Quand il arrive sur la région, il est canalisé par les axes du Rhône et de la Loire. L’air doit escalader le versant ardéchois des reliefs de la bordure orientale du Massif central du Mézenc au Pilat avant de redescendre sur le versant stéphanois. Il atteint ma station vellave quand il vient de franchir la zone sommitale, et celle de Saint Etienne alors qu’il a effectué l’essentiel de la redescente. Ceci correspond à une situation de foehn traditionnel, l’air qui descend se réchauffe très vite au rythme de l’adiabatique sèche soit 1° par 100 mètres selon les lois de la physique, ce qui détermine un coup de chaleur dans les dépressions situées au nord de ces reliefs, soit sur des villes comme Clermont Ferrand, Saint-Etienne, l’agglomération Lyonnaise ou Grenoble, très chaudes ce dernier mois de mai.
Cette explication, déjà donnée dans mon blog est insuffisante seule, car la différence de température dépasse largement 1° par 100 m dans de nombreux cas, d’autres phénomènes viennent donc s’ajouter.
Le premier correspond à la couverture nuageuse plus abondante sur la zone sommitale au moment où l’air est le plus rafraîchi et à l’ensoleillement amplifié dans la zone basse après sa descente. Ce phénomène lié au précédent et à l’humidité de l’air a joué de façon marginale.
Le second, la sensibilité au vent a certainement eu un impact plus fort. J’ai pu constater en me déplaçant de l’un à l’autre lieu, une différence de vitesse notable opposant un flux virulent en altitude et un doux zéphyr plus bas, mais aussi un ressenti opposé entre un élément rafraîchissant dans un cas et un souffle chaud et étouffant dans l’autre.
La corrélation entre les écarts quotidiens des deux postes et les températures de Saint Etienne est significative pour les maximales, graphiques joints sur le blog ( un problème de mise en page a obligé d'attendre un peu leur parution). Les différences de températures croissent en même temps que les mesures du thermomètre. On distingue toutefois deux groupes de points (populations pour les statisticiens) parallèles. La série de 8 points qui présentent des écarts plus faibles, mais tout aussi croissants avec la température, correspond aux jours de début des périodes chaudes quand le mécanisme remontant du sud n’a pas encore atteint l’agglomération stéphanoise.
Cette relation montre l’amplification du gradient altitudinal de température pendant ce mois en fonction de la chaleur.
Au contraire aucune relation de ce type n’est visible pour les températures minimales. La dispersion des points est aléatoire, la droite de régression incohérente. L’analyse montre des contradictions notoires. Les deux inversions de températures se produisent lors de journées très chaudes qui par ailleurs présentent un écart très fort de températures maximales entre les deux postes. Le 23 mai, le coup de chaleur avec 33° à Saint Etienne, avec un écart de 6,7° pour les maximales, correspond à une température minimale supérieure de 0,1° en altitude par rapport à la ville 500 mètres plus bas. Le 9 mai, second jour d’inversion fournit la même information. Traditionnellement, les inversions se produisent par temps anticycloniques, c’est le cas en altitude pour les deux jours, mais la situation météorologique est bien différente au sol. Les écarts les plus forts pour les températures minimales ont lieu dans les jours de chute du thermomètre qui suivent les coups de chaleur. Des flux de nord arrivent et ils affectent plus nettement les plateaux que la ville qui conserve plus longtemps sa chaleur.
Le mois de mai a été marqué par un gradient altitudinal exceptionnel des températures maximales. Ce dernier est lié aux coups de chaleur qui ont affecté les dépressions du nord du Massif central dans l’après-midi. Il explique peut être l’envie des habitants des villes, Saint Etienne mais aussi Lyon, d’aller prendre le frais en été sur les plateaux de la Haute Loire dont beaucoup sont originaires. Le réchauffement de l’air descendant des reliefs est aggravé par des phénomènes géographiques, flux de sud canalisés et accentués par les axes méridiens du relief, en liaison avec l’insolation et la sensibilité au vent.
Gérard Staron vous donne rendez vous samedi prochain sur les ondes de radio espérance, le texte étant repris sur zoom42.fr et ce blog .gesta.over-blog.com.
Bonne semaine à tous