(enregistrée le 6/4/06 passage antenne 8/04/06 13h15 sur Radio Espérance 93,9)
De fidèles auditeurs de Louhans, que je salue au passage, ont attiré mon attention par un courrier sur une tornade qui a touché la bourgade d’Ambérieu en Bugey le vendredi 10 mars un peu après 13 heures. Dans la coupure de presse envoyée par nos auditeurs, le témoignage d’un professeur de mathématiques du Lycée, dont un bâtiment s’est ouvert, correspond tout à fait à une tornade. Je cite « j’ai vu une haute colonne blanche très serrée s’avancer vers nous entourée de grandes écharpes qui tournaient autour ». La haute colonne blanche correspond au Tuba, tourbillon qui propulse violemment l’air du sol en altitude jusqu’aux nuages, les écharpes qui tournaient autour se nomment le buisson, formé de poussières et de débris divers soulevés et arrachés par la violence de l’aspiration, et qui tournent autour à la base.
La force de ce tourbillon est énorme « des choses très lourdes ont été soulevées » « j’ai vu la voiture s’envoler, se retourner et se reposer sur le « terre plein central ». Une tornade, c’est de l’air chaud violement propulsé en altitude, sa largeur se limite à peine à une centaine de mètres et, dans son déplacement, elle peut toucher une bande de l’ordre de 1 à 5 km.
A Ambérieu, la tornade a longé le nord de la ville en suivant une trajectoire du sud-ouest au nord est entre la rue Prénomin, en affectant la Pizzeria, et le Lycée solaire, en passant par les anciens locaux d’Intermarché et le centre nautique en phase terminale de construction. Elle a épargné le centre ville pour affecter les quartiers d’activités du nord-ouest. Quand on regarde sur une carte, les dimensions semblent correspondre, soit 2,5 km de long et environ 100 m de large si l’on reprend le témoignage du professeur de mathématiques. Quand ces phénomènes touchent des superficies plus petites on parle de trombes, quelques mètres sur quelques centaines de mètres. Les tornades sont classées de 0 à 5 selon l’échelle de Fujita. Selon les dégâts cités dans la presse, il semble que celle du 10 mars à Ambérieu soit à classer, au pire, en catégorie 2, « toitures soulevées, structures légères brisées », ce qui correspond à une vitesse maximale du vent de 180 à 251 km/h.
C’est un phénomène très bref dans le temps et dans l’espace qui se produit au cœur d’une situation orageuse «un coup de tonnerre à 13h 28 suivi d’une véritable tornade ». Elle correspond à une exagération locale, très brève et imprévisible de l’orage qui se caractérise par l’aspiration brutale d’une colonne d’air jusqu’aux nuages. L’image de satellite du 10 mars à 12h UTC, soit 13 heures locales, permet de voir la cellule orageuse tourbillonnaire dans laquelle a été inclus la tornade que nous analysons. Elle est elle-même incluse dans un ensemble nuageux plus vaste qui s’étire des Préalpes à l’Alsace et des plaines de la Saône à la Plaine centrale suisse. Les précipitations sont importantes, 40 mm à Lausanne, 41mm sur les sommets du Jura.
Habituellement de tels phénomènes se produisent en été, car l’air chaud très volatile est propulsé en altitude. La France est aussi un pays rarement touché. Alors comment se fait –il qu’il se soit produit en mars dans l’Ain ?
Rares sont les tornades en saison froides, pourtant on peut en citer quelques unes dans notre pays, par exemple à la fin du siècle dernier dans la région de Calais. En effet si de l’air est violemment aspiré en altitude par cette colonne violente, ce peut être le plus souvent parce qu’il fait très chaud au sol en été, mais aussi parce qu’il fait particulièrement froid en altitude ce qui aspire l’air doux au sol. Cette situation orageuse du 10 mars est liée à d’énormes contrastes thermiques. Il y a ce jour là l’arrivée d’une perturbation de nord-ouest. Les fronts qui abordent au sol l’ouest du Pays ont été précédés par une très forte descente d’air froid en altitude qui est déjà arrivée sur l’est de la France.
Il en résulte, ce 10 mars, de grosses oppositions de températures. D’abord selon l’altitude, cette descente de nord-ouest au niveau de la surface des 500 hpa apporte un air très froid vers 5400 m. Le 10 mars, il fait -34°, alors que la veille il y avait seulement -21° et le lendemain -29°. Au sol au contraire il reste des températures douces, supérieures à 10° issues du coup de chaud des deux journées précédentes. Il existe un gradient très fort de 0,9° par 100 m de quoi provoquer une très grande instabilité de l’air. Au niveau géographique Ambérieu se trouve dans l’angle de l’avancée extrême de la zone douce, et au contact d’un secteur oriental très froid et où l’air continental résiste, qui entoure les pays de l’Ain, et recouvre le Morvan, les plaines de la Saône, le sud du Jura et le rebord des Préalpes. Ce contraste a été augmenté par le froid accumulé sur les reliefs proches. Ne pas oublier qu’Ambérieu est dans un bassin au contact immédiat des montagnes du sud du Jura qui accumulent encore des quantités de neige importantes à cette mi-mars. Il y a eu ce 10 mars une accumulation de contrastes thermiques capables de provoquer une instabilité extrême de l’air nécessaire au déclenchement de tels éléments atmosphériques violents.
Ce rebord qui longe les Préalpes du Nord du Massif du Vercors aux monts du sud du Jura est une zone très souvent affectée par des phénomènes orageux extrêmes de tous ordres. Le même jour, une autre tornade a provoqué des dégâts importants aux Echelles en Savoie dans une situation semblable au pied des reliefs du Massif de La Chartreuse. Quelques jours après, une autre a touché ces mêmes zones basses à proximité des reliefs. Il y avait eu une autre tornade à Sardieu en Isère près de l’aéroport de Grenoble Saint Geoirs le 15 juin 2001.
Par ailleurs les mêmes régions ont aussi connu d’autres types de paroxysmes orageux. Un pilonnage de grêle dans la région de saint Pierre de chartreuse avait provoqué des blessés. Un déluge de pluie avait inondé Saint Geoirs en Valdaine. Cette sensibilité aux orages du rebord montagneux des Préalpes du nord et du sud du Jura est liée à l’orientation des reliefs de même direction que la trajectoire classique des orages en France, l’une des zones qui connaît le plus d’impacts de foudre du pays. Ces derniers proviennent du sud-ouest, direction du déplacement de la tornade d’Ambérieu et longent le contact entre l’avant pays et les premiers chaînons des reliefs Alpins et jurassiens. Si vous habitez entre le pied du Vercors et celui du Jura, ne prenez quand même pas peur, ce type d’événement est assez rare et surtout très localisé pour qu’il ait une chance infime de vous toucher…….
Il est vrai que des tornades au mois de mars surtout en France sont rarissimes. Habituellement c’est un phénomène estival que l’on rencontre surtout dans les climats continentaux et aux Etats-Unis. Le plus souvent, on les retrouve sur les hautes plaines, à proximité des Rocheuses, aux confins des Etats du Texas du Kansas et de l’Arkansas. Le coin des chasseurs de tornades….
C’est avec plaisir que j’ai tenté de répondre aux interrogations de nos auditeurs de Louhans sur cet événement climatique rare mais pas exceptionnel. L’abondance de l’actualité m’avait incité à choisir d’autres sujets à ce moment. Les deux semaines prochaines en raison des programmes spéciaux de la Passion et de Pâques, la chronique vaquera et je vous retrouverai avec plaisir le 29 avril, toujours sur les ondes de Radio Espérance.
Commentaire actuel....
La dernière tornade importante en France avant celle de Haumont. Elle était beaucoup moins puissante toutefois...
Une analyse plus complète de celle de Haumont sera effectuée dans la prochaine chronique de samedi ....
Gérard Staron http://pagesperso-orange.fr/climatologie.staron