Chronique climatologique N°182 le 10/06/1998 texte d’origine
Depuis vendredi dernier le climat n’a pas commis de nouveaux excès, après les températures extrêmement hautes de la fin de la semaine dernière ( en 1998), elles ont retrouvé les normales, il n’est pour l’instant plus question de sécheresse dans les dépressions de la Loire et de l’Allier de quoi allons nous traiter aujourd’hui ?
La dernière situation météorologique que je viens de recevoir, celle du 9 juin, au moment où je pensais ces quelques lignes, a quelques points de ressemblance avec celle de juin 1944 au moment du débarquement de Normandie.
Il est vrai qu’après les situations orageuses de la semaine dernière, on est passé progressivement à une situation perturbée d’ouest touchant surtout la France du nord selon une trajectoire Manche, Mer du nord. En effet, une dépression assez creusée de 990 hpa s’est installée sur l’Ecosse. Les fronts de la perturbation balayent la Manche avec leurs masses nuageuses et venteuses. Le sud de la France est dans ce cas relativement à l’abri protégé un peu de loin par l’anticyclone des Açores.
Cette situation du 9 juin 1998 ressemble étrangement à celle des 4 et 5 juin 1944 qui avait obligé de reporter le débarquement au 6. Même dépression située sur le nord de l’écosse, même perturbation d’ouest venteuse et balayant la Manche, même relative protection de la France méridionale. Seule différence majeure, le gradient de pression était plus important le 4 et 5 juin 1944, la dépression Ecossaise beaucoup plus creusée, 976 hpa contre seulement 990 le 9 juin dernier, de ce fait la force du vent était plus importante.
Aujourd’hui, ce type de temps passe inaperçu, mais pour un débarquement en 1944, où la marine ne pouvait pas opérer par un vent supérieur à une vitesse de 10 à 12 nœuds, une vitesse au demeurant assez faible, 3 à 4 Beaufort, était suffisante pour faire reporter le débarquement au 6 juin jour de l’accalmie qui suit le passage de la perturbation.
Le rôle de la météorologie est en effet déterminant dans les conditions du débarquement de 1944 !
Cet épisode où le chef de la météorologie britannique le major Stagg a réussi à convaincre le général Eisenhower de reporter le débarquement du 5 au 6 est extrêmement connu. En écoutant les météorologistes, les alliés ont ainsi pu éviter la tempête qui aurait été suicidaire pour la marine, profiter de l’accalmie dans le ciel de traine, avec une bonne visibilité et des vents faibles le 6 après le passage de la perturbation mais avant l’arrivée de la suivante. Ils ont aussi pu surprendre les Allemands, qui avaient les moyens de prévoir le temps perturbé, mais en raison de leurs difficultés à avoir des informations sur l’Atlantique sont surpris par l’accalmie du 6 juin. Rommel était parti en Allemagne. On dit à propos de cette petite tempête de la veille du débarquement qu’il s’agissait d’un évènement exceptionnel. La répétition à quelques jours près de la même situation atmosphérique 54 ans après, montre que les types de temps d’ouest avec des vents violents peuvent se reproduire pendant l’été, j’en ai moi-même fait l’expérience, il y a quelques années, quand j’étais allé à un congrès de climatologie à Lannion : la situation atmosphérique avait empêché une horde de climatologues de prendre le bateau à Perros Guirec pour aller visiter les 7 Iles. C’était un 22 juin 1991.
La météorologie a influencé le débarquement de 1944, y-a-t’il d’autres évènements de la seconde guerre mondiale où la climatologie a joué un rôle important ?
Le sort d’un très grand nombre de bataille dépend en grande partie des conditions météorologiques. A commencer par la bataille de France de mai 1940. Le 10 mai, Hitler attaque les Pays-Bas, le 13 ses blindés percent le front des Ardennes, le 15, le premier ministre Français constate qu’il n’a plus de forces à opposer à la Wehrmacht entre Laon et Paris. Hitler a attendu pour déclencher son offensive l’arrivée du beau temps, le 7 mai l’anticyclone des Açores lance sur dorsale en direction du continent. Le 13, il est solidement installé et centré sur les Iles Britanniques. On se trouve dans les mêmes conditions climatiques de ce dernier mois de mai. Le temps sec a permis une bonne mobilité de ses blindés qui ne se sont pas embourbés dans les Ardennes comme le pensait les Français. Le ciel clair a permis à Hitler d’utiliser pleinement son aviation avec les bombardements en piqués. Avec un ciel couvert, la France, très surclassée dans ces deux domaines, aurait eu de meilleures possibilités de résistances.
Y-a-t’il d’autres batailles de la seconde guerre mondiale où la climatologie a joué un rôle important ? (1)
A l’inverse, l’offensive blindée dans les Ardennes d’Hitler à la fin de décembre 1944 ne peut être tentée qu’en raison du temps couvert, bas avec des brouillards. Hitler n’a plus une aviation suffisante pour la soutenir. Tant que ces conditions subsistent, les panzers allemands progressent. Dès que le ciel dégagé permet l’intervention de l’aviation américaine, l’attaque sera stoppée.
On peut citer aussi, la bataille navale près des Iles Midway en 1942 dans le Pacifique qui a renversé le sort des armes entre Japonais et Américains. Les portes avions américains restés dans une zone nuageuse n’ont pas été repérés par les japonais, alors que l’armada japonaise a pu être repérée et détruite car naviguant dans une zone de ciel clair.
Pour le lancement de la première bombe atomique sur Hiroshima, il fallait un vent très faible et aucune pluie. Il a fallu retarder l’opération jusqu’au 6 août pour obtenir ces conditions et encore la météorologie a sauvé la ville de Kokura. Trois objectifs avaient été sélectionnés or sur Kokura, objectif N°2, les conditions n’étaient pas bonnes.
L’hiver russe a aussi stoppé à deux reprises les offensives allemandes. En novembre 1941, les allemands approchent de Moscou, mais l’hiver fera tomber en panne les chars et véhicules, ils n’entreront pas dans Moscou. L’année suivante, ils piaffent devant Stalingrad, l’hiver facilitera les contre-attaques soviétiques et la première grosse défaite allemande.
Le ciel climatique a donc souvent influencé de façon décisive le sort des peuples et des batailles.
A bientôt pour une nouvelle chronique de climatologie sur les ondes de radio Espérance.
Commentaire actuel
L’origine du mauvais temps et les régions les plus concernées sont différentes en 2008, mais le ciel peut être souvent exécrable au début de juin qu’en 1944 et 1998 , une façon d’honorer le débarquement
(1) Gérard Staron « le ciel tomberait-il sur nos têtes ? » 2003 Editions ALEAS 15 quai Lassagne 69001 Lyon, chapitre 2 I climat belliqueux
« un ouvrage à lire à belles dents assurément » P. Auclerc Magazine la Loire et ses terroirs