Analyse du livre 12 des confessions de Saint Augustin sur le premier verset de la Genèse « Dieu créa le ciel et la terre »
Chronique climatologie N°672
Les circonstances d’un groupe de lecture m’ont conduit à étudier le livre 12 des « confessions » de Saint Augustin. Le vénéré évêque d’Hippone y analyse le premier verset du livre de la Genèse « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre ». Voila des thèmes qui sont obligés d’intéresser un climatologue et un géographe, et j’ai découvert dans un texte datant du Bas-Empire romain, au moment où le christianisme s’impose sous les Empereurs Constantin et Théodose, une interprétation très contemporaine de la Création à l’age de la science triomphante et agnostique du XXI ème siècle.
Dès le chapitre 1, Saint Augustin admet la faiblesse humaine face à la création « L’abondance de parole témoigne de la pauvreté de l’intelligence humaine, la recherche use plus de mots que la découverte » Voilà bien une citation représentative de la situation de la climatologie actuelle. Alors que la science a fait d’immenses découvertes dans des domaines multiples, celui du ciel atmosphérique est nettement à la traîne. Combien de fois vous ais-je signalé dans des chroniques antérieures que l’on identifiait clairement la première cause des phénomènes mais que l’on butait très vite sur la seconde. Le mois de mars a été frais avec 2 descentes de nord au début et pour Pâques, mais pourquoi ces descentes de nord ? Pourquoi la position des centres d’action atmosphériques les ont-elles permises ? On aboutit très vite au bout des connaissances. La Météorologie multiplie les modèles mathématiques pour la prévision du temps, maintenant sur des durées qui dépassent la semaine, pourtant combien de fois je constate dès le 3ème ou le 4ème jour des déviations notoires. Par exemple la semaine précédente, les hypothèses des modèles atmosphériques n’ont cessé de varier, au point que j’ai dû refaire mes prévisions. Initialement il était annoncé une descente froide, puis ce fût un retour de l’anticyclone et enfin il y a réellement eu des passages perturbés de nord-ouest. Que dire de la fragilité des modèles mathématiques qui prévoient une accélération du réchauffement au XXI ème siècle, à partir d’un paramètre, les rejets de gaz à effet de serre, qui n’est pas le seul à influencer les températures. Décidément la climatologie illustre bien aujourd’hui la citation de Saint Augustin, « la recherche use plus de mots que la découverte » même si les mots sont remplacés aujourd’hui par les outils mathématiques.
Dans son interprétation de « Dieu créa le ciel et la terre », il distingue très vite deux ciels, le premier, invisible, celui de Dieu, qu’il nomme aussi « le ciel du ciel » et plus loin « le ciel intellectuel » et le second visible qu’il qualifie aussi de « corporel », qu’il joint à la terre, et qui correspond au ciel que l’on peut observer, celui atmosphérique du climatologue ou le firmament des astronomes. J’avoue que je suis souvent gêné quand j’utilise le mot « ciel » dans cette chronique ; j’ajoute souvent météorologique ou climatique, car il y a tellement de significations différentes qui touchent au spirituel et à Dieu. Cette distinction faite par Saint Augustin parait très moderne, comment ne pas différencier le ciel, l’atmosphère ou l’astronomie dont la science essaie de percer bien mal les secrets, et celui de Dieu d’une toute autre nature.
Augustin tente aussi d’imaginer la création, avec deux ouvrages en liaison avec ces deux ciels :
L’un crée à partir « du ciel du ciel » de rien, par un dieu immortel, indépendant du temps aboutit à la création d’une matière informe, une terre invisible et chaotique
L’autre à partir de cette matière informe qu’il fait évoluer pour prendre forme avec le temps devient le ciel et la terre que nous voyons. Ce second ouvrage, hors des vicissitudes des jours présentées dans le texte de la Genèse lie 3 notions :
- la mise en forme de la création
- l’écoulement du temps qui fait progresser la création
- La variété des aspects de la création : le ciel que j’ajouterai atmosphérique, la terre. les eaux présentent selon lui un cas particulier dont le moment de la création n’est pas signalé dans le texte de la Genèse
La citation suivante illustre bien chez Saint Augustin ce lien entre les 3 « La recherche de Dieu, c’est aussi la recherche de la création, d’une matière informe on passe d’une forme à une autre » et ensuite « sans variété de mouvement, il n’y a pas de temps, il n’y a pas de variété là où il n’y a pas de forme ».
Cette interprétation du Père de l’Eglise parait très contemporaine. Si de nombreux scientifiques qui ont critiqué les textes sacrés de la Genèse avaient lu le livre 12 des confessions de Saint Augustin, il leur aurait été plus difficile de s’en prendre au christianisme, au niveau de la mise en forme de la création. La distinction d’une création en deux temps, d’abord celle d’un matière informe par un Dieu hors du temps et ensuite d’une mise en forme qui suit le mouvement du temps, fait disparaître beaucoup d’objections émises depuis le siècle des lumières par les tenants d’une sciences qui veut tout expliquer.
Enfin le moins que l’on puisse dire, la Création qui fait débat aujourd’hui dans les milieux scientifiques, était déjà l’objet de polémiques notoires au bas Empire. En effet Saint Augustin consacre la plus grande partie des chapitres du livre, à la justification de ses positions et à la réponse à ses détracteurs qui semblent nombreux. Il confie seulement ses doutes ou les limites de sa réflexion à Dieu « Quand la pensée humaine tient ce langage, elle ne peut s’efforcer que de la connaître en l’ignorant et de l’ignorer en la connaissant »
Seule différence notoire à 16 siècles d’intervalle, les remises en causes proviennent aujourd’hui surtout de milieux athées qui rejettent la création divine ; à l’époque de Saint Augustin, il s’agissait d’interprétations divergentes qui semblent plutôt venir de l’intérieur ou de milieux proches du christianisme. Je cite « je ne veux discuter devant vous qu’avec ceux qui reconnaissent pour vrai tout ce que votre vérité (il s’adresse à Dieu ) a fait entendre à mon intelligence au-dedans de moi. Pour ceux qui le nient, qu’ils aboient tant qu’ils veulent au point de ne plus s’entendre eux-mêmes. Je tenterai de les persuader de se tenir en repos et de frayer à votre parole le chemin de leur cœur. »
Dans ce livre 12 des confessions, j’ai trouvé une vision de la création par Saint Augustin en lien avec les conceptions modernes du ciel météorologique, celui-là.
Gérard Staron vous donne rendez vous samedi prochain sur les ondes de Radio Espérance, texte repris sur le portail Internet zoom 42.fr. Par ailleurs, le référencement de mes chroniques anciennes se poursuit sur mon blog .
http://pagesperso-orange.fr/climatologie.staron