(enregistrement le 15/02/2008, passage antenne le 16/02/2008 Radio Espérance)
La vedette incontestable de cet hiver est l’anticyclone tenace et puissant qui occupe notre ciel depuis la mi-janvier.
Il est en effet arrivé le 18 janvier en remontant de l’Espagne. Il a atteint des pressions énormes pour notre pays qui ont culminé le 25 janvier avec plus de 1040 hpa. Il a chassé avec succès toutes les perturbations qui tentaient de progresser ou de le pénétrer : celle du 25 janvier s’empale dans son champ de pression, celle du 31 a un peu plus de succès, celle du 3 et du 4 février est avalé avec le coup de vent sur la région stéphanoise que je vous contais la semaine dernière. Samedi l’anticyclone est toujours là, imperturbable, pour quelques jours encore. Ces hautes pressions donnent le tournis aux modèles mathématiques météorologiques, je ne compte les prévisions qui prévoyaient son enfoncement par quelque perturbation océanique ou méditerranéenne, pourtant, il est toujours là.
Le bilan est édifiant dans la région centre-est de la France qui nous sert de référence. On dénombre depuis la mi-janvier : 1 jour avec des pressions supérieures à 1040 hpa, 4 jours où elles dépassent 1035 hpa, 19 jours où elles surpassent 1030 hpa et 25 jours à plus de 1025 hpa. Depuis le début, il faut décomposer le temps en deux périodes séparés par un moment de faiblesse :
--- Du 18 au 31 janvier, les hautes pressions dépassent continûment 1025 hpa avec le maximum de 1040 hpa du 25. Elles sont centrées sur la France, surtout la partie occidentale de notre pays et le golfe de Gascogne.
--- Après la faiblesse du changement de mois, l’anticyclone revient à partir du 5 février pour persister jusqu’à aujourd’hui. Il arrive par l’Espagne, comme pour la première période, mais au sol, il a tendance à glisser vers l’est du continent et depuis le 9 il s’est installé sur la Russie.
On remarque ainsi un décalage entre son positionnement au sol à l’est de notre continent et celui en altitude qui est resté sur la France. Ce positionnement d’altitude permet l’arrivée jusqu’à nous des courants de nord-est qui n’ont rien de très chaud à cette saison.
Vous pouvez observer la triple caractéristique climatique de cette situation :
--- un ciel parfaitement dégagé.
--- un rayonnement nocturne très important qui provoque des gelées quotidiennes sur toutes les régions à l’intérieur du continent accompagnées de phénomènes matinaux blancs , givre, verglas et surtout gelées blanches. Le 14 février une langue de températures négatives descend des Ardennes avec -5,6° à Charleville Mézières et de l’Allemagne au centre du bassin de l’Ebre, avec -3°, en passant par le centre de celui d’Aquitaine. Pour illustrer mon propos de la semaine dernière, les Limagnes étaient parmi les plus affectées avec -5,9° à Vichy contre -2,6° à Saint Etienne.
--- un ensoleillement continu du lever au coucher de l’astre qui détermine des températures maximales agréables. Toutefois sur ces régions intérieures, le concert de douceur signalé sur les médias doit être modéré en raison du flux de nord-est d’altitude.
Cette situation n’est pas sans poser 3 questions :
1) Les situations anticycloniques provoquent habituellement de très nombreux brouillards dans les zones basses en particulier dans toutes les plaines et bassins de l’est de la France, ce fût le cas en décembre , or depuis la mi-janvier ces formations de stratus sont discrètes. Qu’est-ce qui explique cette grande luminosité de l’atmosphère et son dégagement diurne comme nocturne ?
L’air de ces anticyclones est continental ou s’est continentalisé en restant sur l’Europe. De ce fait son taux d’humidité relative est particulièrement faible. Pour qu’il y ait formation de brouillard, il faut qu’au moment du refroidissement nocturne l’air franchisse son point de condensation, soit que l’air arrive à saturation avec 100% d’humidité relative. Actuellement ce seuil est très difficile à atteindre dans l’air, par contre l’humidité se dépose sur le sol en formant des gelées blanches, souvent quotidiennes. Pour que de la grisaille ou des brouillards réapparaissent, il faut réinjecter de l’humidité dans cet air continental. Ceci se produit depuis jeudi à partir de la mer du Nord surface maritime et a atteint vendredi soir le centre-est de la France, mais devrait arriver Dimanche à partir de la Méditerranée.
2) Pourquoi ces anticyclones sont-ils si solides, si tenaces, cette année ?
Il est vrai que l’on connaît actuellement des pressions élevées, rares en hiver chez nous, mais moyennes pour l’anticyclone Sibérien au centre de l’Eurasie.
La condition à remplir est un air descendant particulièrement stable. Il faut la rechercher dans la double structure en altitude de l’anticyclone. Ces hautes pressions sont doubles avec une pellicule d’air froid au sol et la cellule d’altitude un peu décalée géographiquement.
Au sol il s’accumule chaque nuit de l’air froid, très lourd, très difficile à déloger. Pendant la journée l’ensoleillement remonte bien les températures, mais en cette saison ce phénomène est insuffisant pour provoquer une pellicule d’air chaud léger et volatile. Donc l’anticyclone est tenu au sol par l’air froid. En altitude la cellule, différente, est formée d’air en provenance des zones subtropicales chaudes. Ces dernières renvoient l’air vers le sol comme dans une cheminée qui refoule. N’avez-vous pas remarqué que vous connaissez cet incident quand vous voulez chauffer des pièces froides alors que le soleil inonde le sommet de la cheminée. Rien n’est plus stable que de l’air froid au sol et chaud au dessus. Une situation anticyclonique est beaucoup difficile à déloger en hiver qu’en été. L’absence de nuages en est le témoin.
3) ces situations anticycloniques semblent se répéter lors d’hivers successifs, déjà en 2007 ?
Entre 2007 et 2008, on constate une double nuance. En 2007 les pressions sont moins élevées, moins tenaces, en bordure de passages perturbés. Il n’y a que 16 jours à plus de 1025 hpa séparés en 4 épisodes sur janvier et février contre 25 en 2 périodes en 2008.
Autre nuance, Les flux atmosphériques étaient plus occidentaux et océaniques, moins orientaux et continentaux en 2007. Les températures minimales étaient plus élevées avec moins de gelées que cette année. Le bilan final de l’hiver 2008 fera déchanter de nombreux esprits qui ont annoncé la douceur à grands renforts de trompes chaque jour et qui ont confondu beau temps et chaleur.
Ceci traduit un changement notable dans la circulation atmosphérique hivernale : un affaiblissement des flux d’ouest perturbés qui contournent les hautes pressions, un renforcement de l’aspect continental.
Gérard Staron vous donne rendez vous samedi prochain à 13 heures 15 sur les ondes de radio Espérance, texte repris sur les portails Internet zoom42 et Zoom43.fr
Pour en savoir plus : http://perso.orange.fr/climatologie.staron